Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
(Site créé et animé par Daniel Calin)

 

La déclaration de Montréal sur la déficience intellectuelle

 

Adoptée à Montréal, Canada, le 6 octobre 2004


Présentation :
Cette Déclaration a été adoptée lors de la Conférence de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la déficience intellectuelle, organisée à l’initiative du Centre de réadaptation Lisette-Dupras et du Centre de réadaptation de l’Ouest de Montréal, en collaboration avec le Centre collaborateur OMS/OPS de Montréal pour la consultation et la recherche en santé mentale. La Conférence a réuni pendant deux jours (5 et 6 octobre 2004) 65 intervenants de haut niveau, de toutes les sphères d’intervention de la déficience intellectuelle, venus principalement des Amériques (17 pays au total) pour débattre de l’importance à accorder, à l’échelle mondiale, aux droits fondamentaux des personnes ayant une déficience intellectuelle. La résultante, La Déclaration de Montréal sur la déficience intellectuelle, vise à servir de guide pour assurer une citoyenneté pleine et entière aux personnes ayant une déficience intellectuelle.
Site Internet :
http://www.declaracionmontreal.com/


*   *   *
*

Affirmant que les personnes avec une déficience intellectuelle, comme tous les autres êtres humains, ont des droits humains et des libertés fondamentales, enchâssés dans plusieurs déclarations, conventions, et normes internationales existantes ;

Exhortant les États membres de l’Organisation des États Américains (OEA) de rendre effectif le contenu de la Convention interaméricaine sur l’élimination de toutes les formes de discrimination envers les personnes handicapées ;

Désirant reconnaître les désavantages historiques et les obstacles que rencontrent les personnes avec une déficience intellectuelle, et conscients du besoin d’alléger les impacts négatifs de la pauvreté sur leurs conditions de vie ;

Rappelant que les personnes avec une déficience intellectuelle ont souvent été exclues des décisions relatives à leurs droits fondamentaux, à leur santé et à leur bien-être et que les lois concernant l’incapacité juridique ont historiquement été utilisées afin de leur refuser le droit de prendre des décisions ;

Préoccupés du fait que la liberté de choix des personnes avec une déficience intellectuelle ait fréquemment été niée, ignorée, abusée ou retirée ;

Affirmant notre soutien quant au mandat du Comité ad hoc de l’Organisation des Nations Unies (ONU) de rédiger une convention internationale globale et intégrée pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées ;

Reconnaissant l’importance d’une approche basée sur les droits humains en matière de santé, de bien-être et de déficience ;

Reconnaissant de plus les besoins des personnes avec une déficience intellectuelle et leurs aspirations à être pleinement considérées et reconnues à titre de citoyens égaux, tels qu’énoncés dans la Déclaration de Managua (1993) et

Ayant à l’esprit l’importance significative de la coopération internationale comme moyen de promouvoir de meilleures conditions d’exercice et de pleine jouissance des droits humains et des libertés fondamentales des personnes avec une déficience intellectuelle ;

Nous,

Personnes avec une déficience intellectuelle ou une autre déficience, familles, représentants de personnes avec une déficience intellectuelle, spécialistes de la déficience intellectuelle, spécialistes de la santé et autres spécialistes des déficiences, représentants des États, prestataires de services et gestionnaires, promoteurs des droits, législateurs et juristes, réunis à la Conférence internationale OPS/OMS de Montréal sur la déficience intellectuelle, tenue les 5 et 6 octobre 2004, ensemble

Déclarons que

1. Les personnes avec une déficience intellectuelle, comme les autres êtres humains, naissent libres et égales en dignité et en droits.

2. Comme toutes les autres caractéristiques humaines, la déficience intellectuelle fait partie intégrante de l’expérience et de la diversité humaines. L’expérience de la déficience intellectuelle diffère selon les cultures. En conséquence, la communauté internationale doit reconnaître que ses valeurs universelles de dignité, d’autodétermination, d’égalité et de justice sociale pour tous s’appliquent à toutes les personnes avec une déficience intellectuelle.

3. Les États ont l’obligation de protéger, d’assurer et de garantir que tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que les libertés fondamentales des personnes avec une déficience intellectuelle soient exercés conformément aux législations nationales et aux conventions, déclarations et normes internationales des droits humains. Par conséquent, les États ont l’obligation de protéger les personnes avec une déficience intellectuelle contre toute expérimentation médicale ou scientifique sans leur consentement en connaissance de cause et non contraint, ainsi que contre toute forme de violence, d’abus, de discrimination, de ségrégation, de stigmatisation, d’exploitation, de peine ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant.

4. Les droits humains sont indivisibles, universels, interdépendants et liés entre eux. Conséquemment, le droit au niveau de santé physique et mental et de bien-être le plus élevé possible est lié aux autres droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et aux libertés fondamentales. Pour les personnes avec une déficience intellectuelle, comme pour toute autre personne, le droit à la santé doit être exercé en assurant une inclusion complète dans la société, un niveau de vie adéquat, un accès à une éducation intégrative et à un travail intégrateur justement rémunéré ainsi qu’un accès aux services de la communauté.

5. a) Toutes les personnes avec une déficience intellectuelle sont des citoyens à part entière, égales devant la loi, habilitées à exercer leurs droits, en vertu du respect de leurs différences et de leurs choix individuels ;

b) Le droit à l’égalité pour les personnes avec une déficience intellectuelle ne se limite pas à l’égalité des chances, mais peut également appeler, lorsque la personne avec une déficience intellectuelle le juge bon, des adaptations appropriées, des actions positives, des accommodements et des soutiens. Les États doivent garantir la présence, la disponibilité, l’accès et la jouissance de services adéquats, fondés sur les besoins et le consentement libre et éclairé des personnes avec une déficience intellectuelle ;

c) Le respect des droits humains et des libertés fondamentales des personnes avec une déficience intellectuelle requiert leur pleine inclusion dans la communauté. À cet effet, toutes les personnes avec une déficience intellectuelle doivent pouvoir bénéficier de l’éducation, de la formation et de l’information relatives à leurs droits et obligations.

6. a) Les personnes avec une déficience intellectuelle ont le même droit que les autres personnes de prendre des décisions quant à leur vie. Les personnes avec une déficience intellectuelle qui éprouvent de la difficulté à effectuer des choix, à prendre des décisions ou à communiquer leurs préférences sont tout de même en mesure d’effectuer des choix significatifs ou de prendre des décisions susceptibles d’assurer leur croissance personnelle, la qualité de leurs relations avec autrui et leur participation au sein de la communauté. Suivant l’obligation d’accommodement énoncée au paragraphe 5b, les personnes avec une déficience intellectuelle devraient recevoir tout le soutien nécessaire au choix ou à la prise de décision, ainsi qu’à la communication et au respect de leurs préférences. Les personnes éprouvant des difficultés à effectuer de façon autonome des choix et des décisions devraient pouvoir bénéficier de lois et de politiques nationales reconnaissant et promouvant ce soutien dans leur prise de décisions. Les États devraient ainsi offrir les services et soutiens nécessaires afin de faciliter, auprès des personnes avec une déficience intellectuelle, une prise de décision quant aux questions significatives dans leur vie ;

b) Une personne avec une déficience intellectuelle ne devrait, sous aucun prétexte, être considérée, en raison de sa déficience, comme totalement incompétente à prendre des décisions. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que le droit des personnes avec une déficience intellectuelle de prendre leurs propres décisions peut être juridiquement suspendu. Une telle suspension doit être limitée dans le temps, assujettie à des révisions périodiques, et ne s’appliquer qu’aux décisions pour lesquelles la personne avec une déficience intellectuelle a été jugée inapte par une autorité compétente et indépendante ;

c) Cette autorité compétente et indépendante doit établir, de façon claire et persuasive, que même en présence de soutiens appropriés et adéquats, toutes les alternatives moins restrictives que la nomination d’un représentant personnel exerçant un consentement substitué ont été considérées. Cette autorité doit agir conformément à la loi, d’où le droit d’une personne avec une déficience intellectuelle d’être informée des procédures, d’être entendue, de présenter des preuves, d’appeler à témoigner son/ses expert(s), d’être représentée par la/les personne(s) qu’elle choisit et à qui elle fait confiance, de pouvoir confronter toute preuve présentée contre elle et d’en appeler de tout jugement adverse auprès d’une instance judiciaire supérieure. Tout représentant personnel exerçant un consentement substitué doit tenir compte des préférences de la personne avec une déficience intellectuelle pour laquelle elle agit, et s’efforcer de prendre la décision que cette dernière prendrait si elle avait la capacité de le faire.

À cette fin, nous, participants à la Conférence OPS/OMS de Montréal sur la déficience intellectuelle, solidaires des efforts nationaux et internationaux déjà entrepris, conjointement et individuellement,

Convenons

7. De soutenir et de défendre les droits des personnes avec une déficience intellectuelle, de diffuser les conventions, les déclarations et les normes internationales qui protègent les droits humains et les libertés fondamentales des personnes avec une déficience intellectuelle, et de promouvoir l’intégration de ces droits aux politiques, aux lois, et aux plans nationaux pertinents, et de contribuer à les établir, le cas échéant ;

Et

8. De soutenir, de promouvoir et de mettre en œuvre, dans les Amériques, des actions favorisant l’inclusion sociale et la participation des personnes avec une déficience intellectuelle par une approche intersectorielle impliquant les personnes elles-mêmes, leurs familles, leurs réseaux sociaux et leurs communautés.

Par conséquent, nous, participants à la Conférence OPS/OMS de Montréal sur la déficience intellectuelle

Recommandons

9. Aux États :

a) De reconnaître que les personnes avec une déficience intellectuelle sont des citoyens à part entière ;

b) De remplir leurs obligations, contenues dans les lois tant nationales qu’internationales, de reconnaissance et de protection des droits des personnes avec une déficience intellectuelle, de garantir leur participation à l’élaboration et à l’évaluation continue de toute loi, politique ou plan les concernant, et de pourvoir à la présence des ressources économiques et administratives requises pour l’implantation effective de ces lois ;

c) D’élaborer, d’établir et de prendre les mesures législatives, judiciaires, administratives et éducatives nécessaires à la réalisation de l’inclusion complète dans la société des personnes avec une déficience intellectuelle ;

d) De donner aux communautés et aux personnes avec une déficience intellectuelle et à leur famille les soutiens nécessaires à l’exercice de leurs droits; de renforcer et de faire la promotion de leurs organisations ;

e) De développer et d’offrir aux personnes avec une déficience intellectuelle des programmes d’éducation, de formation et d’information relatifs à leurs droits fondamentaux.

10. Aux divers acteurs de la société civile :

a) De participer activement au respect, à la promotion et à la protection des droits humains et des libertés fondamentales des personnes avec une déficience intellectuelle ;

b) De veiller à la protection de la dignité et de l’intégrité physique, morale et psychologique des personnes avec une déficience intellectuelle par la création et le maintien de conditions sociales d’ouverture et de non-stigmatisation.

11. Aux personnes présentant une déficience intellectuelle et à leurs familles :

a) De prendre acte du fait qu’elles jouissent des même droits et libertés que tous les autres êtres humains, qu’elles ont droit à l’application régulière de la loi et qu’elles ont, ultimement, le droit à un recours légal ou à tout autre recours effectif devant une cour de justice ou un tribunal compétent, afin d’être protégées contre toute violation de leurs droits fondamentaux reconnus par des lois nationales et internationales ;

b) De s’assurer qu’elles participent à l’élaboration et à l’évaluation continue de toutes les lois, politiques et plans nationaux les concernant ;

c) De collaborer avec les organismes internationaux, nationaux, gouvernementaux et/ou non gouvernementaux du domaine de la déficience afin de se consolider et de se renforcer mutuellement, aux plans national et international, pour la promotion active et la défense des droits des personnes avec une déficience.

12. Aux organisations internationales :

a) D’inclure le terme « déficience intellectuelle » dans leurs classifications, programmes, champs d’interventions et initiatives, en référence aux « personnes avec une déficience intellectuelle » et leur famille afin de garantir le plein exercice de leurs droits et de déterminer correctement les principes directeurs et les actions qui devraient être développées dans ce domaine ;

b) De collaborer avec les États, les personnes avec une déficience intellectuelle, leur famille et les organisations non-gouvernementales qui les représentent, afin de cibler les ressources et l’assistance technique nécessaires en vue de promouvoir les visées de la Déclaration de Montréal sur la déficience intellectuelle, dont le soutien requis à une pleine participation sociale des personnes avec une déficience intellectuelle, ainsi qu’à des modèles de services communautaires intégrés.


*   *   *
*

Informations sur cette page Retour en haut de la page
Valid XHTML 1.1 Valid CSS
Dernière révision : mercredi 19 novembre 2014 – 18:30:00
Daniel Calin © 2014 – Tous droits réservés