Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
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Prendre sa parole en main
Sculpture, pratiques artistiques et apprentissages en CLIS

 

 
Le mémoire CAPA-SH option D de Xavier Rabay
Année scolaire 2008/2009 – Session 2009

 

Auguste Rodin – La Cathédrale

La cathédrale, Auguste Rodin.

 

« La mission suprême de l'art consiste à libérer nos regards des terreurs obsédantes de la nuit, à nous guérir des douleurs convulsives que nous causent nos actes volontaires. »

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

 
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Sommaire

 
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Introduction

Après une formation initiale à l’IUFM de Rouen (1997), j’ai enseigné volontairement une dizaine d’années en zone et réseau d’éducation prioritaire (ZEP-REP), période durant laquelle j’ai obtenu le CAFIPEMF (2003). Je me suis ensuite orienté vers l’enseignement spécialisé, toujours motivé par les marges, l’enfance d’à côté, celle sans qui la norme ne se définit pas : « c’est la marge qui tient la feuille » dit d’ailleurs joliment Jean-Luc Godard.

Après une année en Institut Médico-Educatif (IME) et un refus institutionnel (barème) de départ en formation CAPA-SH option D, j’ai dû quitter avec regrets la structure mais obtenir – avec joie – une Classe d’Intégration Scolaire (CLIS), classe dans laquelle j’effectue actuellement ma deuxième année. Depuis mes débuts d’enseignant, les arts à l’école ont dynamisé et induit mes pratiques : nombreuses expériences (modestes et géniales) en théâtre, cinéma, arts plastiques, ateliers d’écriture poétique... : l’impact sur les élèves dans leur construction sociale d’êtres critiques et l’acquisition de compétences scolaires a été visible.

Est-ce possible en CLIS ? Cette classe dans laquelle j’enseigne est située à Castelsarrasin (82), dans l’école Ducau composée de six autres classes. Il y a douze enfants (sept filles et cinq garçons) âgés de huit à douze ans qui présentent des troubles cognitifs. Ils sont accueillis de façon différenciée et bénéficient de soins et d’aides appropriés (orthophoniste, psychomotricienne, éducatrice spécialisée, psychologue, médecins...). Une Aide de Vie Scolaire (AVS) est là à mi-temps (!), c’est une présence précieuse et facilitante. Leurs emplois du temps sont donc complexes, entre rendez-vous et intégrations. À ma prise de fonction, la cohésion du groupe n’existe pas, la classe est sous tension. Comment faire groupe dans une « classe » où les individualités s’opposent, ne mettent pas trop de sens à être ensemble ?

Par ailleurs, certains ne parlent pas ou peu, le langage verbal est-il la pensée ? Certainement « un peu » mais la pensée n’est pas uniquement mise en mots. Les « oui, maître » de certains ne sont qu’un refus de penser, un mode communicationnel systématisé pour ne pas être trop sollicités. C’est une frustration enseignante, aussi. Eviter les questions, souvent traumati­santes, mais inhérentes aux processus d’apprentissage, accepter l’erreur pour comprendre, donner son avis alors « qu’on est nuls » : que de problématiques à poser, à dépasser. La multitude des rendez-vous pour soins, indispensables, les intégrations dans les autres classes, spécificités de la CLIS, font également barrière à mes habitudes pédagogiques : apprendre ensemble, coopérer, s’aider, faire groupe, dans la joie à l’école, être un élément indispensable d’une pédagogie de projet. Comment alors dynamiser les apprentissages, rendre la pensée active ? L’idée de risquer les pratiques artistiques est une intuition, une continuité de mes pratiques antérieures. Je demande alors à bénéficier du dispositif classe à Projet Artistique et Culturel (« classe à PAC ») avec comme mode opérationnel les arts plastiques et plus précisément la sculpture.

En quoi un « projet artistique et culturel » sculpture peut-il favoriser l’estime de soi, la cohésion de groupe et les apprentissages en C.L.I.S. ?

Pour répondre à cette problématique, je fais les hypothèses suivantes :

Hypothèses nombreuses certes mais à lire dans leurs interactions.

Après un tour d’horizon des différentes injonctions ministérielles sur les pratiques artistiques à l’école, je défendrai l’importance d’apprendre par l’art en CLIS puis je présenterai notre classe à PAC sculpture. Dans un deuxième temps j’essaierai de comprendre les liens entre le corps et la pensée avec notre « corps totémique », titre du projet sculpture. L’image de soi, la sculpture de soi et la cohésion du groupe en « prenant sa parole en main » y seront analysées. Enfin, j’essaierai de faire lien entre l’art et les appren­tissages dans une dynamique de possibles.

 
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Pratiques artistiques à l’école

1) Instructions officielles : réalité et interprétations

a) Historique

L’enseignement des arts (et de ses pratiques associées) à l’école s’inscrit dans un long cheminement et n’a pas toujours été une priorité, malgré l’image culturelle et artistique forte véhiculée par la France dans le monde, la dite « exception culturelle ». Les pratiques artistiques à l’école ont en effet longtemps été des activités ludiques, sans véritable portée pédagogique, la raison s’opposant à l’imagination, l’esprit dominant le corps et la docilité l’esprit critique. Des expériences marginales ont cependant depuis toujours existé, elles furent le fondement des textes sur l’enseignement artistique à l’école.

En 1977, une mission est confiée à Jean-Claude Luc qui durera jusqu’en 1986, et qui instaure un premier « partenariat » entre le ministère de la Culture et celui de l’Education nationale. En 1983, Jack Lang et Alain Savary, ministres, scellent une convention qui ouvre l’école aux arts, prémice d’actions ultérieures plus ambitieuses. Elle permet notamment l’entrée des artistes dans les classes : c’est le début des « classes culturelles ».

Mais, dans la pratique, l’enseignement artistique reste l’action de « militants », personnellement modestes praticiens mais persuadés de l’impact des arts et de la culture dans la construction de personnalités critiques et des apprentissages. Il faudra alors attendre quinze ans pour voir s’instaurer un nouveau plan malgré la loi, reconnaissant le rôle à part entière des enseignements artistiques à l’école, votée à l’unanimité par les députés en 1988. Les arts à l’école deviennent alors une véritable attente tant ils dynamisent les apprentissages et placent l’enfant « apprenant » dans un champ actif de confrontation avec les œuvres, d’activation de l’intelligence sensible. Ainsi, l’analyse du Conseil économique et social : « L’éveil à l’art est un facteur d’équilibre et d’insertion par ce qu’il suscite au plus profond de chacun : la valorisation de soi par la connaissance de ses richesses propres, le développement de la sensibilité et du sens critique, le passage du balbutiement à l’acte créateur, l’ouverture sur l’extérieur et sur le patrimoine culturel de la Nation et de l’Humanité. L’éveil artistique, en dotant les enfants d’atouts essentiels, permet aussi de contribuer à armer les généra­tions futures pour mieux affronter les difficultés de la vie(1). » Et de leur ouvrir des possibles serais-je tenté d’ajouter. L’art comme moyen pour apprendre mais aussi comme « finalité sans fin » d’apprentissage, d’éman­cipation : double articulation sur laquelle je reviendrai plus longuement.

b) De Jack Lang à Xavier Darcos

Arrive alors, en 2000, « Le plan pour les arts à l’école » de Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale et ancien ministre de la Culture. Ce plan pour cinq ans engage les deux ministères de l’Éducation nationale et de la Culture et se fixe pour objectifs « de généraliser les apprentissages artisti­ques et culturels, de diversifier les pratiques artistiques et d’assurer la continuité de l’éducation artistique de la maternelle à la terminale(2). » Plan ambitieux donc, avec notamment la création des classes à PAC dont notre CLIS est un exemple modeste.

L’année 2008 a vu l’arrivée de nouveaux programmes, expressions du socle commun dont l’école élémentaire contient deux « paliers » : le premier qui correspond à des compétences à acquérir à la fin du CE1 et le deuxième à la fin du CM2. La place de l’enseignement en arts visuels y est modifiée avec, entre autre, des nouveautés : l’histoire des arts et « la culture huma­niste » (pilier cinq). Une première lecture amène à considérer que l’art et les pratiques artistiques sont secondaires mais il est aussi possible de les inscrire dans la recherche d’autonomie et la prise d’initiative, buts de toute scolarité. « Ce qui paraît intéressant, c’est l’articulation suggérée entre expérience personnelle et recherche de l’universel, au-delà de la diversité » souligne d’ailleurs Jean-Michel Zakhartchouk(3). Ainsi, dans le pilier 7 (autonomie et initiative), on peut tirer parti de cette injonction : « il faut que l’élève se montre capable de concevoir, de mettre en œuvre et de réaliser des projets individuels ou collectifs dans les domaines artistiques, sportifs, patrimoniaux... » Curiosité et créativité sont mises en avant comme attitudes essentielles et je pense que ce sont de véritables agents d’apprentissage dans une démarche d’accès à la réussite de tous les élèves. Malheureusement, les programmes de l’école primaire ne déclinent pas beaucoup l’enjeu des pratiques artistiques pour le développement de l’enfant. La pratique des œuvres d’art à l’école reste exceptionnelle, l’expérimentation des sensibilités de chaque enfant rare.

Avec les nouveaux programmes de 2008, il semble qu’une « vraie culture vivante » soit abandonnée au profit d’une sorte d’empilement des savoirs, propice à gagner au Trivial Pursuit, dans une négation des formes contemporaines d’expression. L’alternance entre pratiques artistiques et moments parlés sur une œuvre, comme peuvent l’être les aller-retours entre lire et écrire, est laissée à l’initiative de l’enseignant, sans l’y inciter : c’est dommage tant cela permet l’ouverture des esprits. « Ces nouveaux programmes ne comportent que quelques lignes pour les arts visuels, quand tous les maîtres affirment que ce domaine est un levier puissant pour les élèves en grande difficulté, ceux là même dont les nouveaux programmes visent à réduire le nombre. Les arts visuels offrent un moyen d’expression fort et un lieu de reconnaissance scolaire quand Lire, Écrire est encore trop difficile. Il génère de l’estime de soi, de la confiance pour partir à la conquête de la maîtrise de la langue » insiste d’ailleurs Patricia Lamouche(4) qui conforte ma tentative d’enseigner par l’art en CLIS sans limiter « l’histoire des arts » à sa dimension patrimoniale.

c) Clis’art

Quelle place alors pour l’art à l’école tant son enseignement semble être un enjeu politique avec des programmes aussi changeants que le sont les gouvernements ?

Fonctionnaire, le maître d’école que je suis ne peut pas négocier les programmes mais garde sa liberté d’expression pédagogique, ses entrées, ses convictions, non négociables non plus ! En CLIS, s’il est un domaine dans lequel les élèves peuvent être à égalité avec les autres c’est bien celui des pratiques artistiques : la sensibilité et la créativité sont inhérentes à chaque enfant, à l’enseignant de leur mettre le feu. À ce titre, les arts plastiques peuvent constituer une occasion privilégiée de réduire les inégalités face à la parole sélective de l’école, à partir de situations expérimentales accessibles au-delà des frontières cognitives et socio-culturelles, en favorisant la construction de ces mêmes acquisitions cognitives. Dans cette classe « spécifique » qu’est la CLIS, et même si le socle commun reste la référence commune, la liberté d’entreprendre reste grande ne serait-ce que parce que la plupart des élèves accueillis ont des problématiques scolaires de cycle 1, et que ce cycle ne constitue pas un palier du socle commun. Les pratiques artistiques en CLIS restent donc des possibles autant que les enfants composant cette classe. Chaque personnalité au vu de ses singularités doit être prise en compte.

d) Médiations

Les médiations artistiques et culturelles jouent ici un grand rôle. Elles permettent chez certains enfants d’adoucir les processus d’apprentissages et facilitent l’entrée dans des compétences inscrites au programme de l’école. Elles sont très diverses mais elles ont en commun de considérer que l’accès à la connaissance est subordonné à l’initiative d’un tiers, ou « d’une activité tierce », qui favorise la mise en relation de l’apprenant avec l’objet de la connaissance. L’enseignant n’est alors plus dans le « tout savoir » mais s’inscrit dans un détour pour biaiser sa pédagogie face à des enfants en souffrance narcissique, et place le savoir lui-même comme utile à la construction identitaire de chacun. Serge Boimare(5) a mis en avant ces angoisses vis-à-vis des apprentissages, liées à des peurs archaïques ou à des inquiétudes identitaires qui empêchent d’apprendre, et il propose une médiation culturelle par une plongée dans la lecture de textes mythologiques qui contiennent des interrogations fondamentales de l’humanité, montrent la bataille de l’homme à canaliser ses pulsions, à se poser des questions. Ces textes proposent donc aux jeunes des représentations de leurs préoccupa­tions tout en offrant le fil pour s’en éloigner. Les médiations artistiques constituent également des dispositifs qui peuvent permettre aux enfants de s’exprimer en leur offrant un langage différent, mais il ne s’agit pas là d’effectuer le travail d’un arthérapeute en interprétant ce qu’ils font, manifestent ou créent. Etre créatif, c’est se laisser aller à prendre l’initiative, à poser un acte en tant que sujet. Proposer une médiation artistique, c’est pour l’enseignant non pas enseigner l’Art mais introduire un instrument, comme une passerelle entre soi et les autres, entre soi et les savoirs, entre soi et les...programmes.

Jean Caune(6) définit la médiation « dans l’entre-deux de l’intention de l’action et de sa réalisation, dans la marge entre le commencement et l’achèvement, dans la tension entre l’avant et l’après, dans le vide des choses qui ne sont plus et de celles qui ne sont pas encore, dans l’écart entre soi et le monde. » La médiation artistique, mère de l’expérience esthétique, prend d’autant plus sa place chez des enfants de CLIS ayant perdu -ou jamais ressenti d’ailleurs- le plaisir d’apprendre, la connaissance et l’estime de soi, la reconnaissance institutionnelle et sociale. Casser la dichotomie élèves de CLIS / élèves tout court, les relations antagonistes généralement actives dans la société, c’est peut-être justement passer par la logique ternaire de la médiation parce qu’elle peut laisser, à chaque instant, la possibilité d’une faille qui autorise l’émergence de l’innovation ou de la trouvaille, la « ligne de fuite » chère aux « possibles » de Gilles Deleuze...

 
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2) Apprendre par l’art en CLIS

a) Inducteur, piège à désir

Les enfants de CLIS, comme tous les autres, sont des « mondes possibles », cependant peut-être plus fragiles que d’autres : ils ont des besoins spécifiques, individuels, et l’école se doit alors d’être un lieu de « compensation » comme le met en avant la loi de février 2005. Dans ma classe, j’ai constaté une origine socio-culturelle extrêmement modeste pour une très large majorité, une pauvreté culturelle nette avec comme rare « ouverture au monde » la télé allumée en permanence(7). Je retrouvais là un point commun fort avec les enfants de ZEP rencontrés auparavant, à la différence importante que les enfants scolarisés dans les CLIS sont atteints de troubles cognitifs. Pourtant, une intuition (qui allait d’ailleurs m’entraîner en formation CAPA-SH pour chercher plus loin) me poussait à vouloir pratiquer avec l’art comme inducteur, piège à désirs.

Apprendre de l’art est différent d’apprendre par l’art, où l’activité artistique se constitue elle-même comme un facteur de structuration d’une pensée apprenante. L’art s’ouvre alors à la fois comme objet et comme processus de savoir pouvant être réinvesti auprès de l’ensemble des connaissances. Le langage verbal est difficile pour les élèves de CLIS et l’idée de leur donner les moyens de s’exprimer avec « les arts du silence » se présentait pour moi comme une ouverture pour s’entendre, entrer en communication, en apprentissage. Il faut dire que mes difficultés étaient grandes à « faire classe » : les enfants acceptaient d’être dans le faire mais ne parvenaient guère à dire sur le faire. Voulant mettre en pratique le lien qui existe entre l’estime de soi et le chemin vers les savoirs, je décidai donc de croiser les arts sous toutes leurs formes pour que les enfants se confrontent à eux-mêmes, mais aussi aux autres en veillant toujours à ne pas les plonger dans des activités qui auraient pu être anxiogènes pour eux, en dédramatisant et en insistant sur le plaisir : qu’ils « goûtent au bonheur de s’exprimer » selon la jolie formule d’Arshad Malik(8). C’est cette « restauration narcissi­que » fondamentale qui était en jeu ici dans une dynamique de prise de risque pour les enfants : se lancer, oser ses potentialités.

b) Se confronter

Il ne s’agit pas de laisser plonger les enfants dans l’absolu imaginaire de l’art, mais qu’avec lui ils réalisent et interprètent. L’expression plastique est un appel : on dessine ou on s’accapare des matériaux toujours pour quelqu’un. Les enfants éprouvent un réel plaisir à faire admirer leur production. Il faut ici être à l’écoute, poser des mots, encourager : c’est un bout d’eux-même qui nous est donné à ressentir. L’art produit de la reliance : « il relie, à condition qu’il ne relie pas comme on attache ou comme on colonise, mais qu’il relie comme on appelle, comme on est capable de faire entendre son écho. » (Edgar Morin). Une logique de communication s’ins­taure avec soi-même et/ou avec les autres. L’imaginaire et le sens critique sont en ébullition dans une sorte de cohabitation dynamique entre pensée convergente et pensée divergente : la confrontation est intérieure avec des conséquences visibles, à l’extérieur.

Vygotsky a théorisé l’apprentissage par le groupe : pour lui, les cogni­tions émergent en effet dans et par l’interaction sociale. Ainsi, l’intériorisa­tion des activités pratiques en activités mentales de plus en plus complexes est assurée par les mots. Le langage devient le médiateur par excellence du passage de l’intériorisation à l’extériorisation. Pour les enfants de CLIS, ce passage est difficile, perturbé et perturbant : l’enseignant se doit alors d’être une sorte de « passeur », un metteur en scène de l’expression et de la construction de chacun ; les arts plastiques peuvent aider à soulager ces confrontations multiples. Sauver l’activité cognitive de l’implicite en la ren­dant davantage publique, négociable et « solidaire » en l’extériorisant : voilà un des enjeux majeurs de la mise en place d’activités plastiques en CLIS.

La confrontation entre pairs n’est pas aisée non plus, elle se construit, elle s’apprend à partir du postulat « que nous sommes tous des personnes à qui il manque quelque chose ». Comme le souligne Edgar Morin(9), ce « quelque chose » est peut-être ce qui nous unit. Le lien social qui existe dans la réussite ou l’échec de ces confrontations autour de l’art, participe à une transcendance et à une mise en forme symbolique : manques et souffrances, souvent constatés dans la CLIS. Le contact avec soi-même ou autrui est pourtant enclenché de par la production plastique qui est mise « en vue ». Le lien existe, la brèche est ouverte et la rupture entamée.

c) « Goûter à la joie de s’exprimer »

Les enfants de CLIS n’arrivent pas « vierges d’école » à leur entrée dans cette classe d’intégration mais ont tous un passif scolaire, souvent truffé d’échecs, de souffrances, d’incompréhensions. Les rendre à eux même suppose une acceptation globale de leur personne mais aussi un souci particulier pour la singularité de chacun. Les placer en situation de réussite est primordial mais il faut alors casser une forme de contrat didactique qui sous-tend qu’ils travaillent pour nous faire plaisir ; valoriser les productions, même celles réalisées hors classe, les surprend mais participe à la construction d’une pensée autonome : ils existent en tant que personne.

La confrontation avec des œuvres d’art, des poésies, m’aide à libérer l’expression, le « dire » cher à l’école. L’observation, deux fois par semaine, d’une reproduction d’expression plastique a déclenché, petit à petit, la parole. Je me souviens d’Arthur(10), fier de nous raconter qu’il avait expliqué à un membre de sa famille le travail d’Andy Warhol tout en citant René Char (« la seule signature au bas de la vie blanche, c’est la poésie qui la dessine »), de Zelda scrutant les sculptures d’Ousmane Sow et illuminant la classe en lançant : « le visage, c’est un monument » ; de Médhi appréciant le travail de Giacometti : « pas mal de faire tout ça en papier aluminium » ; de Thaïs, très étonnée à la vue du tableau Le baiser de Picasso : « le corps a explosé » ; de Natacha reproduisant chez elle les « signes » de Miro et nous les présentant chaque semaine...etc.

Toutes ces paroles dépassaient déjà la simple observation et furent les points de départ de productions plastiques collectives joyeuses et valorisantes, où chacun produit dans un ensemble. La confrontation avec les œuvres d’art devient alors une habitude heureuse, après avoir été une surprise. « L’école, ce doit être aussi la rupture, le choc, l’irruption de l’admirable et qui tranche avec les habitudes, les routines. Une école qui saurait établir cette dialectique de la continuité et de la rupture ne pourrait-elle pas convaincre les élèves qu’elle surprend d’abord ? », insiste d’ailleurs Georges Snyders(11), dont les recherches d’une vie l’ont amené à vouloir « généraliser, universaliser la joie scolaire » par une pratique avec les arts.

d) CLIS ou l’inclusion par des pratiques artistiques

Intégration, scolarisation et, depuis février 2005, la promotion d’une école inclusive par opposition à toute pratique d’exclusion. Ce terme d’inclusion est très employé dans les pays d’Europe mais peu en France où « scolarisation » est davantage retenu, notamment dans les textes, pour marquer et banaliser – semble-t-il – le principe de l’inscription des élèves handicapés au sein des écoles ordinaires.

Il me semble intéressant, par ailleurs, de replacer ce terme d’inclusion à travers le prisme des arts visuels. En effet l’acharnement scolaire involon­taire dans le dire, lire, écrire, compter, dont ont été préalablement victimes mes élèves les a exclu des pratiques artistiques, tant dans le champ de l’apprentissage disciplinaire que dans celui de l’art et de ses pratiques comme inducteur, élément constitutif d’une pensée en construction. D’où ma volonté de les « inclure » par ces pratiques artistiques, de les mettre avec les autres, comme les autres, de part un travail d’expression valorisant vis-à-vis des autres, de tous les autres : pairs, enseignants, familles. Les productions plastiques réalisées sont en effet exposées, mises à la vue et les familles ou autres classes sont régulièrement conviées à des visites commentées de notre « classe chantier » qui intrigue, surprend, fait parler. L’entrée dans les arts plastiques permet ici une forme d’inclusion sociale et scolaire. L’accès à l’imaginaire et sa mise en forme plastique plonge la classe dans le concret de la confrontation sociale, les enfants communiquent de part leurs travaux. L’inclusion des enfants de ma CLIS fonctionne ici car leurs différences sont perçues comme des richesses, elle est valable pour mes élèves extra-ordinaires comme pour les autres.

 
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3) Notre classe à P.A.C sculpture

a) Classe à PAC : un combat actuel

Cette année le cœur de notre CLIS est un projet artistique et culturel, autour de la sculpture. La demande institutionnelle a été déposée en septembre 2008, pour une réponse positive en... janvier 2009. Les restrictions budgétaires dans l’Education Nationale, un changement de philosophie dans les conceptions de l’apprentissage au sein de notre hiérarchie, une Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) qui souhaite davantage financer un unique projet, de portée internationale, plutôt que plusieurs aventures, ont sans doute retardé la validation de notre dossier. Les arts plastiques sont fragilisés mais restent possibles, nous en sommes un modeste exemple. L’importance de pouvoir vivre une authen­tique expérience de création artistique est à mes yeux fondamentale, d’autant plus de nos jours, dans cette société où jeux vidéo et programmes télé bloquent souvent l’imaginaire, plaçant l’enfant en simple consommateur.

Le réveil des processus de création est induit dans la classe à PAC, qui oppose, en quelque sorte, la pédagogie de projet à la pédagogie traditionnelle de la connaissance disciplinaire et des programmes. « Elle introduit de la souplesse, de la diversité, de l’inattendu dans le cursus pédagogique et, en même temps, elle permet de focaliser les acquisitions de connaissances tout autour et tout au long de ce processus »(12). L’art est donc au centre des acquisitions avec la classe à PAC, ce qui n’était pas évident à la lecture des nouveaux programmes. De plus, qui dit art dit artiste ! Et c’est avant tout la rencontre avec l’un d’eux que permet la classe à PAC. Surtout, l’intérêt des enfants pour les activités autour du modelage, de l’assemblage, de la transformation de matières nous a poussé à aller plus loin et se lancer dans un projet sculpture, vecteur d’apprentissages insoupçonnés tant l’activité est « déclencheuse ». Cependant nos limites techniques furent un frein à l’expression des enfants : comble frustrant ! D’où notre volonté de nous entourer d’un « conseiller technique et artistique » : Serge Martin-Robin.

b) Un artiste dans la classe

Serge Martin-Robin est sculpteur, peintre, plasticien, il vit la matière, la transforme, l’isole, l’associe depuis près de quarante ans. Seul, dans son atelier, ou en partage avec ses élèves (professeur de dessin pendant vingt ans)... Notre rencontre remonte à une dizaine d’années lorsque j’enseignais à l’école des Chaumes de Montauban où il vint animer un atelier autour de la transformation de la matière dans le cadre d’une « semaine des arts » inoubliable. Cette expérience fut renouvelée en 2008 à l’école Ducau de Castelsarrasin (expression du projet d’école) où une cinquantaine d’élèves participèrent à son atelier : l’idée d’un projet plus important en sculpture y vit le jour. Il accepta de travailler avec ces enfants de CLIS, différents, à la marge, cette marge qui définit aussi le centre, la dite normalité. Plusieurs rencontres et ma volonté de travailler sur l’image du corps, le visage et l’estime de soi l’amenèrent à me proposer de lancer l’idée aux enfants du « corps totémique ». Pourquoi ? Le totem protège la tribu, le corps enveloppe l’idée. Ces enfants ont des idées confuses, du mal à les exprimer, sont fragilisés socialement... Retrouver son corps ? Construire ensemble une image de soi positive, de réussite dans une dynamique de pédagogie de projet. Se projeter, voilà un des enjeux pour apprendre et grandir. Explorer le monde avec tout son être sans cloisonner les champs de connaissance, mettre en œuvre une transversalité des acquisitions et des pratiques : vive la classe à PAC ! Elle permet l’instauration d’une pédagogie créative autour du triangle élève, artiste, enseignant. Serge Martin-Robin nous accompagnera donc tout au long de ce travail et permettra une articulation constante mais en déséquilibre entre le voir, le faire, le voir faire et le faire voir : tout un projet !

c) Dynamique de projet, dynamique collective

La CLIS recherche des réponses à des besoins individuels, les intégrations dans les autres classes sont donc les résultantes des possibilités et besoins de chaque enfant. Elle reste, néanmoins, un groupe classe où la coopération et le travail de groupe font entièrement partie des stratégies d’apprentissage : l’enseignement est adapté mais les références restent communes à tous. J’ai donc cherché à construire un projet pour le groupe, par le groupe : s’engager ensemble, prendre le risque d’apprendre ensemble. La pratique du langage (et sa difficile appropriation) est une problématique quotidienne en CLIS. Des séances régulières autour des œuvres d’art, de la musique, du théâtre ont libéré cette parole mais la pratique artistique a ouvert aussi d’autres possibles de communication. « On ne retient presque rien sans le secours des mots, et les mots ne suffisent presque jamais pour rendre précisément ce que l’on sent » disait Denis Diderot. C’est cette volonté d’associer le corps dans l’apprentissage des codes de communication, dans la construction d’une identité qui guide mes pratiques. L’intelligence sensible mérite en effet une attention toute particulière, elle qui touche l’émotion et participe à l’émancipation. La rencontre des œuvres est fondamentale en CLIS, tant l’école semble être le seul lieu où cette possibilité s’offre. Ecole qui se doit aussi d’ouvrir ses portes aux acteurs de ces productions à haute valeur humaine, à des visions différentes : les artistes eux-mêmes !

D’autre part, la transmission d’un patrimoine artistique et culturel (cf. nouveaux programmes) peut-elle se passer des pratiques artistiques ? La construction de la personne est-elle en adéquation avec la consommation de culture ? Je crois en tous les cas que la pratique des arts à l’école apporte, ou même déclenche, l’acquisition de savoirs dans d’autres disciplines. Dans le champ de ces enseignements artistiques, l’enfant semble être « apprenant », mais aussi personne critique en construction : cette double prise en compte a toujours motivé ma pédagogie. L’art ne peut être qu’exception à l’école tant il est synonyme de possibles. Il est un pli autorisant les lignes de fuite.

« Je crois que l'art est la seule forme d'activité par laquelle l'homme en tant que tel se manifeste comme véritable individu. Par elle seule, il peut dépasser le stade animal, parce que l'art est un débouché sur des régions où ne domine ni le temps, ni l'espace ». Marcel Duchamp.

Chez les enfants de la CLIS, l’absence ou l’inadéquation du scénario de vie est palpable, c’est pourquoi j’ai tenté avec ce projet non seulement de créer et de souder un groupe autour d’objectifs communs, mais aussi de permettre aux enfants de se projeter, de se mettre en rapport avec le temps qui n’est pas encore là, et donc de proposer une possibilité de grandir. Le projet est une prise de risque qui élargit les face-à-faces. « Le projet peut s’entendre comme une action d’accompagnement auprès d’un public en grande difficulté scolaire, avec une équipe capable de favoriser, à travers la médiation artistique, un meilleur développement personnel. »(13)

d) Spécificité de la sculpture

La langue des formes.

Peu pratiquée à l’école, elle nous semble cependant intéressante dans son aspect corporel, poétique et spatial.

Les cris du corps, l’écrit du corps apparaissent comme des éléments importants d’un enfant de CLIS, souffrant souvent de son image d’élève, image mentale, image corporelle. La sculpture moule, crée des empreintes, poétise la matière, prend l’espace : elle laisse une trace, un passage. Passage de travail, d’apprentissage, de vie. Trace importante, résultante d’un contact physique dont elle signale la cause. Artistique, elle donne donc un indice qui se transforme vite en signe.

L’intimité tactile est le propre de la sculpture, cette intimité qui enlève, modèle ou assemble la matière, en pensant l’objet dans l’espace. La matière s’ébranle, se déchire, tremble telle une structure psychique déplaçant des symptômes de souffrance. La psychanalyse s’est d’ailleurs intéressée à la spécificité de cette activité pas comme les autres. « Si Freud se réfère à l’archéologue pour parler du refoulement et de sa levée, c’est au sculpteur qu’il compare le psychanalyste dans l’exercice de son métier. »(14) Le vide en sculpture n’est pas rien, mais une quasi substance et Giacometti notait dans son journal en 1924 : « ne plus faire de trous dans le vide » et poursuivait dans un article : « le seul élément permanent et positif chez Callot c’est le vide, le grand vide béant dans lequel les personnages gesticulent, s’exterminent, s’abolissent ». Ce vide n’est pas sans rappeler celui auquel sont confrontés les psychotiques et leur « trou noir de la psyché », comme le dit France Tustin dans son livre éponyme.(15) La sculpture peut-elle alors être anxiogène pour des enfants de CLIS atteint de ces troubles ? Sculpter c’est aussi rajouter de la matière, « donner chair », combler des vides en se confrontant...Est-ce qu’en sculptant on sculpte son psychisme ? « La sculpture peut entraîner des bénéfices secondaires : un pas vers l’unification de l’image du corps, une meilleure appréhension du réel, l’harmonisation du conflit entre moi idéal et surmoi, la restauration narcissique, ou encore le dépassement de l’angoisse de castration. »(16)

 

L’art à l’école reste un sujet passionnel mobilisant affect et politique de part sa spécificité, par définition non contrôlable, non programmable, aléatoire, imprévu tant il exprime la liberté humaine, sa condition même. Les pratiques artistiques à l’école et, encore plus en CLIS, m’apparaissent indispensables tant elles génèrent des situations d’apprentissage joyeuses, et des possibles, en prenant en compte la multiplicité des individualités et l’émotion personnelle, en s’adressant aussi au non verbal et en permettant d’élaborer des significations au niveau des affects et des percepts. La sculpture s’inscrit dans ces pratiques et notre classe à PAC se présente comme un moyen pour apprendre autrement, avec des enfants riches de leurs différences qu’il faut valoriser au travers de la multiplicité des langages traversant l’activité.

 
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« Le corps totémique » : tentative

1) Sculpture et estime de soi

a) Image de soi, regards

Le regard de l’autre sur soi, et sur ses productions, est un fondement de l’estime de soi. L’image de soi dépend ainsi beaucoup du regard des autres et des armes psychologiques dont l’enfant dispose pour filtrer remarques et regards. Le besoin de restauration narcissique est en CLIS évident et peut être considéré comme un préalable à une entrée dynamique dans les apprentissages : être sujet avant d’être « apprenant ». Le désir d’apprendre est ainsi en étroite corrélation avec l’estime de soi. Travailler sur son image, le « qui suis-je ? » peut prendre différents axes mais ne « va pas sans un incessant travail sur l’altérité », comme le souligne Yannick Joyeux(17). L’altérité est le fait de reconnaître ce qui est autre et demande donc un dépassement de la toute puissance, une capacité d’ouverture : c’est le socle de la socialisation. Notre projet sculpture se veut être un facteur facilitant de ce travail dialectique autour de l’identité et de l’altérité. C’est une production collective qui ne peut se passer du travail de chacun, l’identité personnelle se construit et est facilitée par l’identité de groupe. S’accepter, se trouver c’est en grande partie accepter l’autre, dans sa différence, « l’identité est la résultante de l’identité individuelle et de l’identité sociale »(18). Réaliser le moulage de sa main et l’associer à celle des autres, association sine qua non pour le projet, c’est prendre conscience d’exister avec l’autre, par l’autre, c’est construire de l’identique avec l’autre, tout en manifestant sa différence. Les angoisses ressenties par chacun ne sont alors plus isolées, elles prennent moins d’importance car elles deviennent partagées, voire banalisées. L’enfant sort de l’imaginaire avec sa production plastique, acte concret, et il s’inscrit ainsi dans le réel et dynamise l’image qu’il a de lui. « Personne n’est constitué de traits de caractère, pensées ou goûts entièrement originaux. Ce qui fait notre spécificité, c’est la combinaison personnelle que nous avons construite et qui continue son évolution, entre notre réceptivité du monde, notre sensorialité, nos expériences de vie, nos priorités, notre culture et celle de notre environnement, nos projections et nos confrontations avec les autres »(19).

b) « Le corps explosé »

Cette expression est celle d’un enfant de ma classe à la vue du Baiser, tableau de Picasso : c’est un des points de départ de notre projet sculpture. L’idée est que les enfants de la CLIS, dans l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, n’ont pas un ressenti satisfaisant de leurs corps. Le schéma corporel est difficile à installer, le corps semble bien explosé. Comment le reconstruire ? Nous avons cherché ensemble à définir les parties du corps, et le visage et les mains sont apparus comme essentiels. Réaliser des moulages des mains, de visages, et les associer dans une forme totémique m’est apparu tentant vis-à-vis des problématiques de départ. Nous pouvons nous (re)construire à partir de l’existant. Le premier matériau choisi fut l’argile. Cette première expérience sensorielle permit de mettre en évidence la plasticité de cette matière, sa faculté à prendre forme, sous les mains : il est possible de changer de forme, de sens, grâce à une action, une intention, avec un résultat visible. Les enfants devenaient fiers d’agir. L’empreinte de leur main leur montrait, par exemple, qu’ils pouvaient exister en dehors d’eux, à la vue des autres. Une partie de leur corps – la main – est ici reproduite et permet une identification : « Ta main est belle », dit Thérèse en regardant l’empreinte réalisée par Jean-Paul. Le langage traverse l’activité plastique, la connais­sance semble indissociable des sentiments. « On apprend d’abord avec son corps »(20). Alors si l’image que l’on en a est « explosée » comment appren­dre ? L’enfant a besoin d’un regard global sur sa personne et pas seulement par morceaux, la réflexion de Thérèse, sur une partie du corps, prend ici toute sa valeur car elle signifie à Jean-Paul que c’est son travail, fait avec tout son être, qui est beau. Le corps renaît peu à peu, le désir d’entreprendre est là, ici et maintenant.

« Triturer la matière, c’est donner chair à sa propre vision du monde »(21) dit Jacques Dupin, poète et ami de Giacometti, et c’est peut-être aussi donner chair de sa vision au monde, s’engager en relation, à partir d’une expérimentation de soi. C’est l’unification de l’image du corps qui est mise en jeu par la sculpture, ainsi Giacometti : « Je suis réduit aux têtes pour le moment parce que si l’on avait une tête, on aurait tout le reste. » Il reconstitue le tout à partir d’un morceau. Sans être des artistes, les enfants, en sculptant visage ou main ne sont-ils pas dans une démarche artistique première et donc pour eux vitale ?

c) Travail sur soi, sculpture de soi

Modifier ses représentations par un travail sur soi, dans le cadre d’une médiation artistique qu’est la sculpture, c’est un objectif ambitieux. Les multiples interactions qui construisent une personne ont pour conséquences une enveloppe corporelle visible, un langage spécifique, des fonctionnements psychiques singuliers et des mondes possibles insoupçonnables. La sculpture de soi n’est pas forcément qu’un acte volontaire mais peut se révéler un atout pour se transformer, se sentir mieux, avoir une estime de soi propice à l’entrée dans les apprentissages.

La confrontation avec les œuvres d’art a ceci de particulier : même si les clefs manquent pour comprendre, l’œuvre d’art touche l’essentiel, fait réagir, engage. Vivre des pratiques artistiques excite la créativité, différente chez chacun. Le but ultime d’une pédagogie qui passe par les arts, et d’ailleurs sans doute de toute pédagogie, est l’autonomie. Quoi de plus important pour un enfant de CLIS que de mesurer, à terme, les enjeux de ses propres actes. Cette autonomie sociale mais aussi de pensée est un véritable travail sur soi, une sculpture de soi de part le changement de forme de sa matière, sa prise d’espace, sa mise en perspective dans le regard des autres : ne plus être « entre les murs » mais les dépasser ou, tout au moins, papillonner dans un cadre contenant, à sa guise.

Sculpter pour les enfants est une mise « en cachette » d’éléments sensoriels et émotionnels, une forme de barrière protectrice de leur identité et donc de leur autonomie. La réalisation plastique est ainsi un véritable filtre qui leur manque souvent entre intérieur et extérieur, mais aussi une surface d’inscription de leurs excitations, un exécutoire symbolique. « La barrière n’est pas ce qui sépare les espaces mais ce qui les fait communiquer, ce qui les ouvre à une communauté du litige » exprime Jacques Rancière. Ce litige qui permet aussi d’exister dans l’élargissement des frontières tant réelles qu’intra psychiques.

 
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2) Sculpture et cohésion de groupe

a) On

On : beauté de l’impersonnel, singulier et pluriel, terriblement médiation de ça pensé. Mais on n’est-il pas également exclusion, de qui parle-t-on ? Des enfants de la CLIS de l’école Ducau à Castelsarrasin, Tarn et Garonne. Tous ont été orientés là par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). Au vu des dossiers médicaux et sociaux, aucun n’a un diagnostic précis mais tous ont un point commun : l’échec scolaire et un certain nombre de caractéristiques cognitives et non cognitives, autant de spécificités à considérer dans la classe(22) :

Caractéristiques cognitives :

Caractéristiques non cognitives :

Le on de ma classe doit donc être pris en compte dans sa pluralité, dans l’interaction des singularités qui peuvent être propices aux apprentissages et non des facteurs bloquants, entraînant passivité et absence d’innovation.

b) On apprend ensemble, l’art ensemble

Comme le corps dont j’ai déjà parlé, le groupe de ma CLIS était explosé : moqueries, tensions multiples... Instaurer une dynamique de groupe favorable aux apprentissages était un objectif premier. La pédagogie de projet, autour de la sculpture, m’a aidé à construire un « apprendre ensemble », des recherches sur les théories de l’apprentissage au travers de la formation CAPA-SH, aussi.

Le travail autour des arts proposé aux enfants est un ouvrage qui prend du temps et cela m’apparaît important vis-à-vis de certains enfants qui veulent tout, tout de suite, en oubliant l’autre, sans doute par peur de ne jamais l’avoir. Construire un groupe donc.

Pour Vygotsky, enseigner ou médiatiser à partir des ressources disponibles dans le collectif ne pourrait que renforcer les combinatoires de connaissances et de savoir-faire particuliers (intelligence multiple de Gardner, 1983) à un apprenant. Cette approche s’oppose à une démarche où l’on dit à l’apprenant quoi faire et comment le faire avant l’enclenchement du processus social et interpersonnel de l’expérience individuelle et collective sur les situations problèmes. Le changement qui découle de la perspective socioconstructiviste nécessite donc l’acceptation d’un état de déséquilibre et la prise de certains risques pédagogiques. Ainsi, la théorie de l’échafaudage que met en place Vygotsky est un jeu de relations entre plusieurs partici­pants, collaborant à l’actualisation des ressources intérieures. Des échafauda­ges peuvent être fournis de manière imprévisible par des enfants travaillant avec d’autres enfants. Ainsi l’argumentation entre des pairs qui collaborent pourrait servir de dialogue intérieur à l’apprenant. La perspective du social dans le développement affectif et cognitif entraîne l’apprenant à s’impliquer, s’engager suffisamment dans la démarche collective pour qu’il ait envie de partager son discours intérieur avec le groupe classe. L’altérité est ici impor­tante, j’en ai déjà parlé.

Le projet sculpture a cette dimension socialisatrice, non seulement dans ses finalités, mais aussi par les moyens mis en œuvre pour y parvenir. La confrontation est risquée en CLIS mais nécessaire pour passer du stade narcissique de la libre expression artistique à une pratique qui repose sur l’écoute mutuelle, la notion de réciprocité expressive, l’acceptation des messages d’autrui, leur compréhension, et le désir de faire circuler des messages à l’intérieur d’une collectivité. C’est passer d’une forme de nombrilisme, encouragé par des activités expressives auto récompensées, à une attitude critique, fondée sur le partage des informations et du savoir. C’est s’ouvrir à l’autre, démarche facilitée par l’activité plastique.

c) Participation unique et œuvre collective

Notre projet d’assembler des parties du corps pour créer notre totem demande une participation de chacun, sans quoi ce dit assemblage n’est pas possible, il tombe. Les enfants dépendent donc des autres, chacun compte, sinon le résultat ne peut plus faire sens. C’est un pari où les fuites ponctuelles sont possibles, mais l’absence totale est soumise au regard du groupe, dans une pression qui se veut douce et protectrice de ma part. Etre dans le faire, faire pour dire et redire. L’art et la culture qui traversent ce travail sont ainsi rencontre et partage, avec soi et les autres. La performance et ses évaluations comparatives laisse place au travail personnel pour un collectif, le droit à l’expression est posé, unique, diversifié, et entre dans un engagement mutuel.

d) Le « corps à corps »

Construire, modeler des mains avec ses mains n’est pas banal. C’est une forme de « corps à corps » mais comme tout « corps à corps », l’autre corps est prétexte, médiation : le « corps à corps » est ainsi toujours par rapport à soi-même. En modelage, le geste s’inscrit dans l’espace. Selon les étapes de la réalisation de l’objet, l’enfant doit travailler des deux mains, tantôt de façon symétrique, tantôt en opposition. Il prend ainsi conscience de son corps, de ses bras, de ses mains et découvre que la main droite peut faire un geste pendant que la gauche en fait un autre. Cela aide l’enfant à améliorer son contrôle kinesthésique, sa latéralisation et donc sa façon de structurer l’espace en y mettant son corps en jeu, dans une dynamique affective et sensorielle. « Je ne veux pas violer la terre. Je veux que s’établisse entre la glaise et moi une communication de l’ordre de la révélation. Révéler entre elle et moi quelque chose qui soit évidemment ma création, et puis qui lui appartienne, qui appartienne autant à la terre qu’à moi. », nous dit Georges Jeanclos(23) dans son corps à corps avec la matière, avec lui-même.

 
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3) Prendre sa parole en main

a) S’exprimer avant et sans les mots : les cris du corps, l’écrit du corps

S’exprimer par la parole est difficile pour les enfants de ma classe, c’est une bataille quotidienne que de faire dire une pensée avec des mots. Le projet sculpture nous offre un répit, l’expression corporelle devance ici le verbal. Le corps jette ses souffrances dans la matière, lui donne forme, sens intime, il s’écrit. La terre modelée absorbe le handicap qui ne se voit plus, ou tout au moins différemment, en mettant le corps en dialogue, en lui proposant une oralité sans les mots. C’est déstabilisant mais riche de s’apercevoir que l’on peut dire sans mots -et pourquoi pas sans maux- au contact de cette matière riante qu’est la terre, encore faut-il que son corps soit en réception. « Les pulsions, c’est l’écho dans le corps du fait qu’il y a un dire... ce dire, pour qu’il résonne, pour qu’il consonne... il faut que le corps y soit sensible. »(24)

Les enfants de ma CLIS sont quelque peu « traumatisés » et la parole ne peut pas toujours faire supporter, apporter le soulagement. Denise Sauget explique ainsi : « Le trauma évoque un lieu proche de l’opacité du sujet, un intervalle où se déploie la violence de l’intériorité, un lieu d’errance existen­tielle qui renvoie à une désolation, là ou il est impossible de parler. »(25) Le travail en sculpture proposé aux enfants peut ainsi, peut-être, donner une résonance à leur pensée, dans une sorte de totalité sensorielle. Le pouvoir de médiation n’est plus alors associé à la parole mais à la sculpture, réalisée avec son corps. La matière terre se transforme au gré des gestes manuels, l’action que l’enfant y porte est visible de tous, son corps et ses souffrances ont trouvé un échappatoire, sans mots à dire, discrètement. « L’art est à l’œuvre dans l’impalpable, le vulnérable, l’infiniment subtil. La beauté se love là où travaillent en secret les trésors oubliés, les désirs délaissés. »(26)

b) Dire, lire, écrire

S’exprimer par le modelage et la sculpture, dans un mode non verbal donc, n’empêche pas, et heureusement, de verbaliser ses actions, de mettre en mots ses ressentis, d’écrire pour crier sans faire de bruit. Après une découverte plutôt silencieuse de la matière terre, les enfants se sont, en effet, mis à parler sur la terre ; les « Regarde » fusaient de partout, les questionner (« Qu’est-ce que tu fais ? ») en train d’agir donna des réponses même chez les plus réservés. La parole, de part la présence de leur modelage n’était plus seule, s’en servir devenait moins anxiogène. « L’élève doit tout voir par lui-même, comparer sans cesse et toujours répondre à la triple question : que vois-tu ? Qu’en penses-tu ? Qu’en fais-tu ? Et ainsi jusqu’à l’infini. »(27) Le « temps long » du projet permit ainsi aux enfants d’anticiper sur la manière de procéder, pour aboutir à une réalisation projetée : si la verbalisation aide à comprendre, elle aide également à prévoir.

c) Soutenir la pensée

Donner aux enfants le pouvoir de « prendre leur parole en mains », c’est essayer de soutenir leur pensée, l’accompagner, les faire oser. Le modelage, mettant en jeu des aspects affectifs et sensoriels, est en effet également un moyen d’extérioriser la pensée : il permet de figurer, de représenter, c'est-à-dire de faire parvenir au niveau visible ce qui était enfoui, de donner une forme à ce qui était flou, voire ignoré. Comme tout mode de création, c’est un médiateur pour découvrir le monde, pour l’interroger. Il instaure du symbolisme. Nous travaillons ainsi indirectement sur ce qui fait souffrance, mais qui dans ses origines dépasse le pédagogue, d’où la nécessité de soins appropriés.

Soutenir la pensée, c’est aussi entrer dans une pédagogie de la conte­nance. Arshad Malik définit ce concept :  « La contenance serait un espace corporel et affectif médiateur, ayant pour fonction de constituer les bases de la sécurité ontologique du jeune sujet en construction mais encore une continuité potentielle de cette sécurité durant toute la vie dans et à travers les expériences de l’altérité interactive (...). Ainsi la contenance est un espace physique et psychique qui réceptionne les pulsions, qui les désamorce dans leur intensité angoissante et aveugle, qui les canalise, sublime et mentalise. »(28)

L’enseignant se doit alors de contenir l’enfant en construction dans ses dimensions pulsionnelles, affectives et cognitives tout en essayant de ne pas être lui-même décontenancé, ce qui arrive ! L’affectivité est ici importante et en étroite relation avec les enjeux cognitifs, elle doit permette l’émergence des potentialités des enfants. « L’espace pédagogique est contenant, constructeur et créatif lorsqu’il est un espace unifié de résonance affective-cognitive pour l’élève. »(29) Soutenir la pensée des enfants c’est la contenir dans une stabilité pulsionnelle et affective, c’est la laisser se mettre en vol dans un cadre ferme, mais où la place des possibles est grande.

 
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4) Pratiques et observations

a) Les séances

Le projet « prendre sa parole en main » à travers la sculpture et notre « corps totémique », devait s’étaler d’octobre 2008 à juin 2009 mais les aléas dont j’ai déjà parlé nous ont fait commencer en janvier 2009 (accord institutionnel, arrivée de Serge Martin-Robin). Cependant, les expérimenta­tions sur la matière et le travail en arts plastiques ont débuté... dès la rentrée. Nous nous sommes intéressés à Dubuffet, Giacometti, Niki de Saint-Phalle, Rodin, Picasso, Mondrian, Munch, Miro, Warhol... ce qui a toujours donné des productions, individuelles et/ou collectives, à plat, en volume (cf. annexes), associées à des productions langagières orales ou écrites consi­gnées dans notre cahier de classe nommé par les enfants : « Secrets d’écri­vains ». Les techniques utilisées furent nombreuses et variées : sculptures à partir de cartons, feutre et peinture pour Dubuffet, fil de fer et papier aluminium pour Giacometti, papier mâché et terre pour Niki Saint Phalle, photos et collages pour Andy Warhol , fusain pour Munch... par exemple. Bref, le projet avec Serge Martin-Robin a été accompagné de rencontres et pratiques artistiques très fréquentes. Le tableau suivant est le résumé des séances réalisées avec lui, dont nous avions posé la trame ensemble auparavant, tout en laissant place à l’imprévu, l’irruption de l’inattendu.


  Dates (jeudi de 9h30 à 10h30) Titre de la séance(*) Objectif(*)
Conception, temps d’échange 23 octobre Découverte d’un artiste sculpteur : Serge Martin-Robin Faire se rencontrer enfants et artiste, s’exprimer sur des œuvres, notamment les totems
13 novembre Matières et outils du sculpteur Toucher et reconnaître différentes matières, les nommer, choisir les nôtres
20 novembre Corps, visages : muses du sculpteurs Dégager les éléments récurrents dans l’histoire de la sculpture, entrevoir l’abstraction
27 novembre Notre projet : le corps totémique, choix d’empreintes corporelles Dégager des éléments corporels pour notre sculpture, notion d’éclatement
Réalisation 18 décembre La main, outil humain Faire des empreintes de main
8 janvier Le visage Dégager des éléments exprimant le visage en sculpture
15 janvier Le visage Sculpter les éléments dégagés lors de la séance précédente
22 janvier Le visage Idem
(suite) 26 février(**)    
5 mars(**)    
12 mars(**)    
23 avril(**)    
30 avril(**)    
7 mai(**)    
14 mai(**)    

 
(*) susceptibles d’être modifiés (progression des enfants, besoin de remédiation...)

(**) séances dépendantes des précédentes dans lesquelles devra entre autres être travaillés l’assemblage, la mise en valeur...

b) Réactions et impacts

Au moment où j’écris ces lignes, le projet n’est pas terminé. Il est cependant bien lancé et son impact est très positif dans la classe, pour les enfants et leurs apprentissages en général. J’y reviendrai avec plus de précisions dans la partie suivante, dans le chapitre « évaluations ». Un mot tout de même pour signifier à quel point les enfants sont fiers de leur travail avec des regards admirateurs des autres enfants de l’école, mais aussi des parents : « c’est Myriam qui a fait ça ? Non ? », me demanda un père admira­tif... Eh oui ! Pour moi aussi, c’est un bonheur.

Le « corps totémique » sera, par ailleurs, exposé fin juin dans le hall de la mairie de Castelsarrasin avant de trouver sa place définitive devant la médiathèque : nous attendons avec impatience les réactions et impacts que cela suscitera...

La dynamique instaurée par cette tentative de projet sculpture a mis en jeu les enfants dans leurs relations à eux même et aux autres.

 
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Art et apprentissages : liens et possibles

1) Intelligence sensible et créativité

a) Singularité, spécificité

La prise en compte de la totalité d’un être en construction passe par son éveil sensible et sa pensée rationnelle : c’est un précepte existant depuis l’Antiquité. Cette prise en compte de la sensibilité des enfants n’est pas toujours la clef de voûte des programmes actuels, qui insistent davantage sur la répétition, le rapport à la morale et l’empilement des savoirs, sans forcément établir de lien entre eux. « L’enfant est un feu à allumer, pas un vase à remplir » disait d’ailleurs Rabelais il y quelques centaines d’années... L’ouverture que procure les pratiques artistiques, la confrontation avec les œuvres, placent l’intelligence dans une dimension souple et mobile, libre. L’intelligence sensible gêne car elle n’est pas quantifiable, repousse les limites et est le terreau de l’esprit critique, de la singularité. « L’imperti­nence » fait peur et pourtant elle fait humanité. Tous les tableaux, sculptures, poésies vues dans ma CLIS sont autant d’expressions de la différence, d’écarts à la norme, de style : « bégayer dans sa propre langue » disait Gilles Deleuze.

Ainsi mes élèves différents se confrontent aux plus hautes expressions d’humanité que sont les œuvres d’art  avec un lien qui résonne : la différence. Favoriser le développement de la créativité chez l’enfant, c’est prendre le risque d’être contredit, mais quelle plus belle preuve d’un enseignement réussi ? J’aimerais tellement que mes élèves me résistent... ! Que le développement des potentialités artistiques des enfants puisse déboucher sur des relations créatives avec la société est un enjeu qui m’est effectivement cher. Car une créativité inemployée peut laisser place à de l’agressivité, comme c’est malheureusement visible dans bon nombre d’établissements scolaires. Tenir compte de la culture actuelle des élèves c’est aussi mettre en jeu l’art dans toutes ses formes, toutes ses histoires et laisser le pouvoir vacant. Le développement de la créativité passe par une pédagogie de la découverte, dans l’acceptation de ce qui est : « l’enfant au centre du système » ! L’enseignant doit alors accepter d’être un facilitateur, un passeur de relais créatifs qui aident les élèves à s’approprier les connaissances pour se construire. Développer la créativité constitue donc un (excellent) moyen d’autonomiser les élèves, dans la mesure où ils apprennent à compter sur eux-mêmes, à mesurer les enjeux de leurs propres actes. Car l’acte créateur met en jeu rêve et réalité et cette « cohabitation » est une définition de la construction de singularités, de personnalités.

b) Possibles

« L’imagination n’est pas la faculté de former des images mais plutôt de les déformer, de nous libérer des images premières, de changer les images », dit Gaston Bachelard. Il n’y a pas de limites fixes dans les pratiques plastiques à l’école et c’est ce côté incontrôlable, espace temps d’ouverture, qui les rend si attrayantes. L’imprévisible qui surgit, par exemple, avec l’irruption de l’artiste dans la classe, a un rôle de rupture. Cette rupture s’intègre dans un ensemble pédagogique pour faire sens, en profondeur pour les élèves. Ainsi, dans mes pratiques quotidiennes, l’expression directe des enfants, la verbalisation des émotions sont suscitées, demandées. La découverte du monde comme première dans la logique d’apprendre est ici fondamentale : les savoirs sont considérés comme des portes d’entrée vers le monde et non comme de simples moyens de progresser dans un cursus scolaire. En CLIS c’est important, notamment pour briser la logique d’échec qui habite les élèves concernés. C’est un réel en marche car apprendre dans la joie n’est pas une utopie mais un moteur, une action concrète. L’expérience sera gagnée si elle augmente chez les enfants le désir d’apprendre, en montrant des chemins pour transcender leurs émotions et leurs peurs, à travers divers modes d’expression, en développant plus de confiance en soi et en les autres, en permettant d’éprouver le lien entre laborieux travail technique et élan de créativité, en proposant des modèles de perception de l’espace, du temps et du monde.

Les médiations artistiques permettent de mieux appréhender la diversité humaine que ne le propose le seul milieu scolaire et ses normes serrées. Au bout du chemin et à chaque étape, l’art, en tissant un fil précieux qui permet à l’enfant de percevoir l’articulation entre le singulier de son être et l’universel du monde qui l’entoure, est un entre-deux de possibles.

 
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2) Transversalité

a) L’art de tous les jours

Le médiocre volume horaire alloué par les nouveaux programmes aux arts visuels est un faux problème. Si trente six heures annuelles paraissent en effet insuffisantes pour profiter pleinement des apports des pratiques et enseignements artistiques, rien ne m’empêche d’en regrouper, pour un projet par exemple. De plus, je crois qu’une autre dimension est fondamentale : l’art doit traverser tous les champs scolaires.

Parler sur une œuvre d’art, mesurer à partir de Mondrian, écrire avec Miro et L’or de l’azur, par exemple, sont des possibles qu’il est dommage de ne pas exploiter. Dans notre projet sculpture, le travail avec et sur les mains a été une étape. Cela a été l’occasion de découvrir La Cathédrale de Rodin, ces deux mains qui s’effleurent avec la grâce d’une danse poétique. La verba­lisation des enfants fut remarquable, allant jusqu’à comparer le creux des mains à « un ravin qui tient les mots en écho, comme pour les empêcher de s’en aller ». Chacun s’exprima et nous réalisions ensuite une production écrite « différenciée » allant de la dictée à l’adulte jusqu’à la production autonome de vers : une poésie collective. L’intéressant dans ce travail réside dans la flexibilité des remarques, orales et écrites, que permet la confron­tation des œuvres. Il n’y a pas d’a priori, de réponses fausses, pas plus que n’existe « la » bonne réponse. Cela permet aux enfants de la CLIS de ne pas se taire, par peur ou certitude de se tromper.

Pratiquer la parole chaque jour avec des œuvres d’art est mobilisateur de façon durable chez les enfants. Ils se sentent reconnus car leur parole est entendue et sert d’outil, de fondement à un travail plus ample. Leur parti­cipation s’en trouve accrue car le résultat n’est pas sanctionné, mais le processus qui y amène, analysé. Le ressenti est verbalisé, c’est un pas important.

b) Prétexte pédagogique : « pré-texte » ?

L’art comme support, l’art comme inducteur des apprentissages, l’art est aussi prétexte. Je ne suis en effet ni un professeur d’arts plastiques, ni un art thérapeute, ni un artiste, mais un enseignant de CLIS dont l’objectif est de faire progresser des enfants dans les apprentissages. Dire, lire, écrire, compter restent mes priorités. L’art est ainsi un prétexte pour atteindre ces buts, pour donner les clefs d’une pensée autonome à ces enfants n’entrant pas dans les classes ordinaires. Car apprendre et savoir restent des pouvoirs, pouvoirs contre la dépendance. Mais c’est un prétexte particulier dans le sens où les productions artistiques sont des expressions universelles de l’humani­té, intemporelles, voire sacrées.

Dans ma pratique c’est aussi souvent un pré-texte dans le sens où les œuvres d’art se placent en amont des productions écrites, comme dans l’exemple cité précédemment. La confrontation avec La Cathédrale de Rodin apporte ce désordre qui autorise une forme de pensée : le chaos germinatif. C’est la remise en cause de l’ordre posé, de l’échec institué. Ce qui ne signifie pas que l’ordre est absent de l’art, au contraire : toute pratique artistique exige rigueur, discipline, volonté, persévérance. Il s’agit donc de faire découvrir aux enfants une exigence comme réelle volonté personnelle, et non à travers une demande arbitraire peu motivante. La parole de chacun compte, le travail d’écriture accompagnée est à la fois individuel et communautaire : on écrit seul et ensemble, à partir de l’œuvre, véritable pré-texte.

De plus, écrire à l’école, c’est souvent pour l’enfant faire l’apprentissage de l’abstraction de soi. Le propos est neutre et neutralisé. Il relate, retranscrit, récite, prend des notes, sans véritable droit à la subjectivité. Ecrire à partir d’une œuvre d’art permet de trouver un rapport autre à l’écriture : il s’agit d’apprendre à réintroduire une pensée, l’exercice d’une pensée dans l’écriture. Devenir le sujet de l’écrire, construire sa grammaire personnelle, et s’autoriser son écriture, même dictée à l’adulte, est alors un objectif fondamental. Ecrire c’est de la matière modulable, comme sculpter. Une matière verbale d’abord, un argile verbal avec une forme, une épaisseur, avec laquelle on travaille ensuite le sens. La mise en place d’un pré-texte avec la confrontation aux œuvres est le point de départ d’un processus émotionnel qui crée la matière brute verbale et entraîne des stratégies d’organisation, avec des portes ouvertes sur les surprises du monde : de la culture pour agir.

c) Joie à l’école

Lorsque l’on comprend quelque chose ou quelqu’un, peu importe son âge, on est content. Pourquoi alors l’école ne serait-elle pas le lieu de la joie ?

Et les œuvres d’art auraient alors toute leur place pour que les élèves les ressentent tels des « phares », comme dit Baudelaire, et qu’ils en soient illuminés. Si les apprentissages sont efforts, ils peuvent être traversés par la joie d’un dialogue avec les plus grandes réussites humaines. De l’intime à l’universel, les flèches que nous lancent les œuvres d’art sont à ramasser et à envoyer plus loin, tel est le chemin des savoirs et de la joie qui les borde. Donner du temps aux œuvres d’art et aux pratiques artistiques dans la classe, c’est un peu comme lorsqu’il fait beau dehors, on se sent mieux. C’est aussi considérer le caractère humanisant du savoir, son côté libérateur, aussi. « On l’aura compris, l’éducation est tournée vers la liberté, qui en constitue la norme et la fin dernière. Mais il est encore un point qu’il m’importe d’aborder rapidement. Spinoza distingue entre la joie et les passions tristes. La joie augmente notre disposition à être, notre puissance d’exister, quand la tristesse la creuse et l’évide. D’un côté, l’amplitude, l’ouvert, les grands espaces où la pensée circule avec la vie, de l’autre le contraint, le monde clos, l’exigu, l’exsangue. Qui oserait nous interdire de tourner l’Ecole du côté de la joie ? »(30)

 
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3) Évaluations

a) Quand la contestation et le rêve flirtent

À l’école les évaluations sont nombreuses et parfois angoissantes mais elles sont indispensables pour les élèves et les enseignants qui peuvent, à partir d’elles, construire des apprentissages, y remédier ou les approfondir. Le problème des pratiques artistiques réside dans la difficulté à les évaluer : quelle place pour le vrai ? Le faux ? L’erreur ? Les pratiques artistiques peuvent-elles être évaluées en dehors de leur singularité contestataire ? L’évaluation ici ne porte pas que sur le résultat mais aussi sur la démarche, le processus des intentions, l’impact. « L’évaluation n’est donc pas fondée sur une préférence personnelle ou sur une appréciation subjective du maître. En ce qui concerne les opérations plastiques, elle se fait par l’intermédiaire d’une interrogation de l’ordre du pourquoi ? Et du comment ? En relation avec les résultats et les intentions. »(31)

La note apparaît donc comme inutile, sanction, par définition, quand elle se pose uniquement sur le résultat sans prendre en compte la mise en action, l’effort et les processus mis en jeu. La pédagogie peut agir sur ces derniers ou plutôt ne peut faire l’économie de les questionner pour faire progresser les enfants. Evaluer notre travail en sculpture c’est montrer que l’écart à la norme scolaire, donc sociale, n’enlève en rien de la richesse humaine. C’est pouvoir mesurer les impacts dans le reste des apprentissages (au moment ou j’écris ces lignes, le projet n’est pas terminé) mais aussi, ici, par rapport à mes hypothèses de départ. Et là, c’est le bonheur ! Car tous les enfants de ma CLIS sont fiers de ce travail et goûtent pleinement à la joie de s’exprimer dans et par le groupe. C’est en effet une forme d’harmonie identitaire qu’a permis ce projet.

Pour une évaluation formelle des réalisations en arts plastiques, Claude Reyt(32) suggère une classification éclairante et simple :

Ces critères sont repris et détaillés dans les tableaux d’évaluation (cf. annexes) pour chaque enfant. Des critères d’intensité, liés à la puissance et la force de l’image produite, mais aussi d’authenticité, liés au degré d’implica­tion personnelle de l’enfant, ont été retenus. C’est en l’amenant à comparer les réalisations, à expliciter les différences, que les enfants pourront acquérir progressivement un vocabulaire spécifique. Il leur apprendra à définir des critères de jugement où ils distingueront peu à peu objectivité et subjectivité, et poseront les bases de leur futur jugement esthétique.

b) Le totem : fierté et protection

Ces enfants de CLIS à l’image tourmentée d’eux-mêmes réalisent une sculpture : « le corps totémique », ce qui pourrait être anxiogène. Cependant, comme pour lever des peurs archaïques, ils réalisent un objet qui protège et qui rend « la tribu » fière : c’est un emblème, un symbole aussi d’une estime de soi retrouvée car valorisée scolairement, socialement. La cohésion du groupe, difficile en CLIS, est ici pleine, un élément réuni, élément pensé et construit par les enfants, ensemble. L’aspect symbolique est important, l’art est activité de sublimation. Les créations des enfants laissent paraître le sentiment nostalgique qu’elles drainent.

Mélanie Klein explique comment l’agressivité vis-à-vis des parents entraîne un sentiment de culpabilité, d’où l’envie de réparation soit de l’objet père/mère, soit du sujet, le moi. Cette réparation s’accomplit dans la création. Dans l’enseignement spécialisé, nous rencontrons des enfants qui ne sont pas encore, ou pas complètement, ou plus dans le pacte symbolique. Symboliser c’est pouvoir se représenter l’objet absent. C’est le vécu corporel intégré mentalement et transformé en images mentales, en représentations. Les enfants de CLIS sont souvent en-deçà de la définition conventionnelle de signes, qu’ils réfèrent à leurs pulsions ou à leurs craintes. Comment dès lors, trouver les moyens à la fois de dédramatiser leurs pulsions et d’accéder au sens communément partagé : « le sens des mots de la tribu » ?

L’art fait alors apparaître tout un « espace intermédiaire » : celui du jeu chez Winicott. Or le jeu nous ramène à l’art. Si tout jeu n’est pas art, tout art est pour une bonne part jeu. L’art est une mimésis que l’on peut rappeler sans crainte de la voir se déchaîner en violence puisqu’elle est ludique, donc prise dans les réseaux de règles et de codes qui sont là pour remettre en mémoire que les hommes se sont déjà réconciliés et qu’ils ont convenu ensemble pour la construction de l’aventure culturelle. Le « corps totémique » est ici une réconciliation avec soi-même, avec les autres.

c) Être élève en CLIS : apprendre par corps ?

Selon Pierre Bourdieu, il y a une manière de comprendre avec le corps qui se situe en-deçà de la conscience et sans avoir le mot pour le dire. Les modalités de l’apprentissage se différencieraient donc des procédures de l’activité réflexive cognitive. Cependant, prendre pour objet d’étude la connaissance « par corps » ne doit pas nous faire oublier que ce qui est appris ainsi nous vient d’autrui, par familiarisation avec certains usages du monde, qui sont eux-mêmes concomitants aux usages du langage et engagent des formes de réflexivité. La « prise de conscience » corporelle se réalise à travers l’acquisition de savoir-faire mentaux et corporels particuliers, comme « l’écoute » de soi et des autres, c'est-à-dire la capacité à reconnaître et à interpréter les indices sensitifs, perceptifs et visuels de « l’état de corps » à partir duquel les enfants réalisent leurs mouvements. Maîtriser son geste pour sculpter, travailler avec son corps, ces actions ont montré qu’il est possible de changer les habitudes motrices, de défaire les blocages et d’acquérir de nouvelles habiletés, validées par mon encouragement ou l’intérêt d’un pair.

Maurice Berger(33) met très en avant le rôle premier du corps dans l’organisation du « magma » de l’enfant qui vient de naître. Sa perception du monde est corporelle et c’est par le fait d’être touché, caressé qu’il va entrer dans le monde. C’est peut-être une étape du développement qui a manqué à certains enfants de ma CLIS, placés en famille d’accueil ? « Le corps constitue la base et le support privilégié du sentiment d’identité... l’image de soi au sens propre, y tient une place très importante. Le corps marque à la fois l’individualité (je suis moi) et la singularité (je suis différent des autres). », précise aussi Yannick Joyeux(34), comme si, en complément de Berger, le corps était toujours présent, ici et maintenant, dans la construction de soi.

L’impact du travail autour du corps, de part la sculpture, a permis aux enfants de se retrouver dans une sorte de réappropriation de l’intime où le dépassement de l’angoisse qui les accompagne a été visible.

 
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Conclusion

L’art à l’école est beau, gauche, doux, violent et fragile, ce qui lui donne un charme inexplicable, j’adore le mettre dans tous les sens. Enseigner n’est pas grave, c’est important. Essayer de comprendre comment les enfants de ma classe fonctionnent : essentiel. Ouvrir des possibles, concevoir des deve­nirs à ces enfants, c’est prendre en compte l’humanité, modestement mais génialement. C’est se dire que personne ne peut définir la société à venir, c’est s’attacher à la douceur et non au dogme : la pensée unique définie dès 1995 par Ignacio Ramonet. Laisser de la place, du temps aux questions, c’est faire des choix pour et par les autres, c’est prendre en compte la spécificité de chaque enfant accueilli pour s’adapter. Je suis avec la CLIS, fourre tout de différences sans diagnostic, il faut s’organiser avec, donc s’adapter : hymne à la contingence.

La dynamique de ce projet a favorisé la cohésion du groupe. « Je suis en CLIS » n’est plus tabou mais une ouverture de possibles par la mise en expression de la pensée : pratiques artistiques, sculpture, observation d’œuvres, verbalisation, écriture... Le chemin de l’école se trace, l’évolution des enfants leur permet de l’emprunter, la joie associée aux pratiques artistiques : un élément facilitateur, à corps perdu.

Dans ce projet, ma place a parfois été sensible, en équilibre précaire dans un entre-deux entre l’artiste et les élèves. Ne pas succomber au « tout culturel » a été aussi un combat régulier tant je l’aime ! L’inutilité de pratiques artistiques s’est également posée tant mon métier est soumis à la force des mathématiques et du français dans une logique d’apprentissage mécanisée, répétitive, avec des évaluations chiffrées qui sont difficilement adaptables au champ des arts visuels. Instabilité donc d’un positionnement émancipateur, mais joie de mettre sa pensée en mouvement, d’accepter en fin de compte d’être pris en défaut de connaissance devant l’artiste et les enfants, dans la classe. Mais c’est ici l’occasion pour les élèves et moi de mobiliser les ressources créatives permettant de chercher les réponses aux questions aux­quelles il faut faire face et ainsi affronter l’aventure de contrées inconnues, risquer pour ne pas aggraver, oser la pensée. Le champ pédagogique s’enrichit alors de la dimension artistique qui s’attache toujours à toute démarche d’interrogation créative, en territoire inexploré. Renoncer à la maîtrise, être dans l’accompagnement de l’altérité. Être en question donc. En question notamment vis-à-vis de la « révolution numérique » et du retrait corporel qu’elle semble imposer même si la mixité des formes d’expression artistique ouvre un chantier passionnant. En question aussi, et toujours, vis-à-vis des adaptations à mettre en place pour ces élèves extra-ordinaires.

« La création est une manière de regarder positivement le handicap, car elle ne se place pas sur le terrain du manque, mais sur celui de l’être même, dans son expressivité globale et sur celui de l’affirmation de son existence et de sa capacité de « faire œuvre ». C'est-à-dire d’exister, à travers l’œuvre, en avant de soi. (...) L’œuvre d’art est une quête du soi qui n’est pas là d’avance : elle n’est qu’à l’état de possibilité. L’œuvre est un événement qui ouvre un monde, en nous transformant. La conquête du soi consiste en devenir autre et non pas revenir au même. »(35)

L’art à l’école est beau, gauche, doux, violent et fragile, ce qui lui donne un charme inexplicable, j’adore le mettre dans tous les sens...

Xavier Rabay
Mémoire initialement publié sur le site ASH 82

 
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Bibliographie

 
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Annexes

Critères d’évaluation pris en compte.

 

Évaluation du produit
  OUI NON
Les travaux sont placés à la vue de tous
Les critères de choix collectifs ont été respectés    
Mises en rapport avec une ou plusieurs œuvres d’art    
Distinction entre réalisations simples et réalisations plus élaborées    
Regroupements possibles : même organisation spatiale, même technique...    
Aspect formel des réalisations
Formes, matières et couleurs en rapport avec une œuvre d’art    
Formes, matières et couleurs innovantes    
Dans l’utilisation des formes, matières et couleurs y a t il des démarches originales qui semblent donner plus d’intensité aux réalisations ?    
Aspect configuratif
Formes identifiables ?    
Rapport avec une œuvre d’art abordée ?    
Toutes les techniques proposées ont-elles été utilisées ?    
Nouvelles initiatives ?    
Aspect expressif
Y a-t-il des réalisations totalement originales ?    
Cette originalité est-elle liée à un élément ?    
Cette originalité est-elle liée à la globalité du travail ?    

Évaluation de l’actant

Évaluation individuelle
Au niveau des comportements observés, l’enfant :
  OUI NON
A été capable d’opérer des choix, de les manifester, de les signifier    
A pris plaisir à opérer ses choix    
S’est conformé à ses choix    
A su exploiter, tirer parti des effets fortuits au cours de son travail    
A été capable de s’exprimer sur son travail, sur celui des autres    
A persévéré et a su mener son travail à terme    
A été capable d’établir des comparaisons avec les productions des autres, ou avec des œuvres connues    

Cette évaluation sera possible en observant l’enfant en activité. L’efficacité des méthodes employées par l’élève – l’enfant choisit, mais peut aussi modifier, adapter, détourner un procédé – peut être un critère possible.

Utiliser ce critère permet d’évaluer la capacité de l’enfant à s’organiser et à s’adapter, mais aussi à s’interroger sur le degré de guidage adapté à chacun, essentiel en CLIS.

Les critères relatifs au degré d’investissement de l’élève :

Je valorise ici l’effort, l’authenticité, la persévérance, mais m’interroge aussi sur la pertinence du problème posé aux élèves.

Au niveau des démarches et des réalisations, j’observe si l’enfant a été capable :


L’évaluation de la démarche (ce que l’on a vécu, ce que l’on explicite)

L’ évaluation se situe à trois moments : avant d’engager l’action pour programmer le déroulement et prévoir les moyens de réalisation ; pendant l’action, pour en ajuster l’organisation ou anticiper des évolutions possibles ; après l’action, pour en vérifier l’efficacité et le cas échéant tenir compte des résultats en vue d’actions analogues.

Critères d’évaluation quant aux productions des élèves :

La signification :

L’originalité :

Les qualités plastiques :

C’est en l’amenant à comparer les réalisations, à expliciter les différences, que l’enfant acquerra progressivement un vocabulaire spécifique.

 
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Notes

(1) L’éveil artistique des jeunes en France et en Europe, CES, 1991.

(2) Les arts à l’école, Pascale Lismonde, CNDP, 2002.

(3) Les arts ont-ils une place dans le socle commun ? in Cahiers pédagogiques n°464, juin 2008, p. 37

(4) Patricia Lamouche est conseillère pédagogique Arts visuels et coordinatrice départemen­tale « École et Cinéma », elle donne son avis sur les nouveaux programmes sur le site du Café pédagogique.

(5) Serge Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, Paris, 2004. 2e édition.

(6) Professeur à l’université Stendhal de Grenoble et chercheur au GRESEC.

(7) Lors d’une conférence pédagogique A.S.H. en 2006, Mme Ipas, IEN, après enquête, nous précisait qu’en Tarn-et-Garonne plus de 80% des enfants scolarisés en CLIS étaient issus de PCS très modestes.

(8) Formateur à l’IUFM de Toulouse

(9) Reliance n° 17 : Quelle vie culturelle et artistique ?, p. 10.

(10) Tous les prénoms des élèves ont été volontairement changés.

(11) Des élèves heureux, L’Harmattan, 1999, p. 140.

(12) Pascale Lismonde, Les arts à l’école, Folio CNDP, 2002.

(13) Éric Marie, directeur de l’Institut d’éducation spécialisée Mathis Jeune à Vaugneray (Rhône) in Reliance n°17 : Quelle vie culturelle et artistique ?, Éres, 2005.

(14) Philippe Brenot et Sophie Mijolla-Mellor in Topique n°104 : Psychanalyse et sculpture, L’Esprit du Temps, 2008.

(15) France Tustin, Le trou noir de la psyché, Seuil, 1989.

(16) Hélène Jousse in Topique n°104 : Psychanalyse et sculpture, L’Esprit du Temps, 2008.

(17) Yannick Joyeux, L’identité dans la classe, L’Harmattan, 2006.

(18) Idem.

(19) Christian Staquet, Le livre du moi, Chroniques sociales, 2001.

(20) Maurice Berger, Les troubles du développement cognitif, Dunod, 3e édition, 2006.

(21) Yves Bonnefoy, Giacometti, Flammarion, 1991.

(22) À partir de Pédagogie de l’inclusion, Nadia Rousseau et Stéphanie Bélanger, Presses Universitaires du Québec, 2005.

(23) Georges Jeanclos, Musée de Cambrai, 1988, catalogue d’exposition.

(24) Jacques Lacan, Séminaire « Le sinthome », cité par Denise Sauget dans L’écrit du corps, la clinique lacanienne, 2008/2, N° 14.

(25) Denise Sauget dans L’écrit du corps, la clinique lacanienne, 2008/2, N°14

(26) Charles Gardou et Emmanuelle Saucourt, La création à fleur de peau, Éres, 2005.

(27) Jacques Rancière, Le maître ignorant, Fayard, 1987.

(28) Arshad Malik, Enfant en difficulté scolaire et pédagogie de la contenance in Études Vietnamiennes n°4, 2000.

(29) Idem.

(30) Patrick Vignau, I.E.N. de la circonscription de Castelsarrasin, in Édito du nouveau site internet de la circonscription, mars 2009.

(31) Daniel Lagoutte, Les arts plastiques : contenus, enjeux et finalités, Paris, Armand Colin, 1990.

(32) Claude Reyt, Les arts plastiques à l’école, Armand Colin, 1998.

(33) Maurice Berger, Les troubles du développement cognitif, Dunod, 2006.

(34) Yannick Joyeux, L’identité dans la classe, L’Harmattan, 2006.

(35) Charles Gardou, Emmanuelle Saucourt, La création à fleur de peau, Éres, 2005.

 
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