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La parole de l’enfant
De l’enfance muette à l’enfance déniée

 

 
Un texte de Daniel Calin


Publication originale  Ce texte de commande a été initialement publié dans le n° 36 de la revue Enfances & PSY, Éditions Érès, 2007, pages 136 à 143.
Publication originale  Il est maintenant disponible dans sa version originale sur le site CAIRN.INFO.

 

Résumé : Prendre au sérieux la parole des enfants est généralement perçu comme une des avancées caractéristiques de notre modernité. L’enfance émergerait d’un long passé de silence forcé, ou de babillages insignifiants. Nous nuancerons d’abord cette vision trop simple des relations traditionnelles à l’enfance, en indiquant leur complexité, comme en les resituant dans les réalités générales des sociétés agropastorales. Nous analyserons ensuite l’idéal contemporain de respect de la parole de l’enfant, à travers deux de ses manifestations caractéristiques : la pensée de Françoise Dolto et la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Nous montrerons les excès, voire les absurdités, de cette vision contemporaine de l’enfance. Nous conclurons en renvoyant dos à dos tant la dévalorisation traditionnelle de la parole de l’enfant que sa moderne idéalisation, au profit de la mise en avant de la dynamique d’humanisation qui nous semble être le cœur même de l’enfance.

Mots-clefs : droits de l’enfant, éducation, famille, psychanalyse
 

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Introduction

Il est d’usage de commencer une réflexion sur l’enfance par le rappel de l’étymologie du mot : selon le Dictionnaire de l’Académie française(1), le mot enfant est emprunté du mot latin infans, infantis, « celui qui ne parle pas, jeune enfant », lui-même dérivé du participe présent de fari, « parler », avec le préfixe in- à valeur négative. Le même dictionnaire poursuit : en bas latin, « garçon ou fille de six à quinze ans environ ». L’étymologie du mot va ainsi bien au-delà de l’évidence : si le bébé, jusque vers 18 mois, de fait, « ne parle pas », il n’en va évidemment pas de même pour l’enfant « de six à quinze ans », qui, lui, parle bel et bien. Ainsi, l’étymologie ne renvoie pas à la réelle incapacité à parler des très jeunes enfants, mais à la non reconnaissance sociale de la parole des enfants, même de longue date capables de parler, comme une parole à part entière, comme une parole sérieuse et digne d’intérêt. Elle renvoie à l’absence d’écoute des enfants par les adultes, non au silence des enfants.

 

L’enfant du silence

Non seulement on ne prêtait pas attention aux paroles des enfants, mais, de l’Antiquité grecque à l’aube du XXe siècle en France, il leur était même souvent, tout simplement, interdit de parler aux adultes(2). Traditionnellement, dans la plupart des familles françaises, en milieu rural comme en milieu bourgeois, les enfants ne devaient pas parler à table, quand ils n’étaient pas exclus de cette table jusqu’à l’aube de l’âge adulte. Comme il n’existait guère d’autres lieux de parole, cela équivalait à une interdiction de parler aux adultes.

Même si le droit canonique fixait précocement la majorité matrimoniale(3), à 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons, l’âge de la majorité a longtemps été par la suite fort tardif dans la France royale. L’ordonnance de Blois, en 1579, a fixé la majorité matrimoniale à 25 ans pour les filles et 30 ans pour les garçons, la majorité civile étant alors généralement à 25 ans, avec des variations selon les coutumes provinciales. La législation révolutionnaire uniformise ces règles et ramène les majorités matrimoniale comme civile à 21 ans pour les deux sexes. Le Code Civil napoléonien du ler germinal an XII conservera l’essentiel de cette réforme, en reportant toutefois à 25 ans la majorité matrimoniale pour les garçons. Il faudra attendre le Code Civil du 21 juin 1907 pour revenir à la règle révolutionnaire. La loi du 5 juillet 1974 ramènera, pour les deux sexes, les majorités matrimoniale comme civile à 18 ans. 30 ans, 25 ans, 21 ans, on le voit, le silence de l’enfance a longtemps largement débordé ce que nous appelons désormais l’enfance, c’est-à-dire la période du développement qui précède la puberté.

Il convient toutefois de nuancer sérieusement cet aspect des traditions. Tout d’abord, cette interdiction de parler ne concernait que les hommes adultes : cet interdit renvoyait les enfants vers le monde des femmes, elles-mêmes exclues de la table autrement que pour servir, dans certaines régions tout du moins. Infantilisation des femmes, refoulement des enfants vers le monde des femmes : l’héritage des gynécées grecs a longtemps pesé sur l’ensemble du monde romanisé, et pèse encore lourdement dans certains pays(4). Il faut bien supposer que la parole circulait entre les femmes et les enfants, qu’une attention suffisante était portée à la parole des petits pour qu’ils entrent dans le langage. De plus, il faut probablement faire une place à part aux anciens : dans nombre de cultures traditionnelles, y compris en France, les grands-parents parlent plus aux enfants, et même avec les enfants, que les parents. Aujourd’hui encore, on peut souvent constater les problèmes posés par la fréquente disparition des grands-parents induite par l’urbanisation et l’émigration, jusque dans les difficultés d’accès à la parole et à la pensée de certains enfants, tout du moins quand cette disparition n’est pas suffisamment compensée par un réel rapprochement des parents et des enfants, par un vrai développement des conversations dans le cercle de famille ainsi restreint, ce que les conditions de travail des parents sont fort loin de toujours permettre, y compris dans des milieux socialement et culturellement favorisés. Enfin, dans nombre de sociétés tribales, il existe des parents « de plaisanterie », certaines catégories d’oncles, pour utiliser notre vocabulaire de la parenté, avec lesquels des relations familières sont admises et même encouragées par les coutumes. Grands-pères, oncles, voisins, amis de la famille, il n’est pas rare, même en milieu urbain, de voir occuper ce rôle social d’homme adulte « accessible », avec lequel il est possible de parler parce qu’il lui est loisible d’accueillir les paroles des enfants, voire de conduire avec eux de vraies conversations.

Un refoulement généralisé de la parole des enfants aurait eu pour effet de paralyser l’accès à la capacité même de parler. Les traditions sont donc souvent plus complexes que ne le voudrait l’imaginaire collectif qui s’est construit autour de l’enfant du silence. Il ne faut toutefois pas aller trop loin dans l’autre sens. Le monde rural a souvent été un monde de « taiseux ». Le film Il postino met bien en scène cette rudesse de la petite société îlienne qui lui sert d’arrière-plan. Il postino, c’est le choc entre l’art extrême de la parole d’un poète venu d’ailleurs et le silence des îliens. Les intellectuels d’aujourd’hui, qui sont plus des hommes de la parole que des hommes de l’écrit, médias et universités aidant, imaginent très mal le grand silence des sociétés agro-pastorales, la grande solitude des laboureurs et des bergers, la rareté des mots dans ce monde-là. Dans cet univers, le silence des enfants est d’abord le silence imposé par les tâches solitaires qui très tôt leur incombent. Ce sont les villes qui ont inventé l’agora et le forum, les marchés et les foires, tous ces lieux qui rassemblent et brassent les hommes et les femmes, et qui constituent le ferment d’un essor de la conversation. Hors des fêtes rituelles, le monde rural était un monde de travail solitaire, donc de silence.

 

L’avènement de l’opinion de l’enfant

Reste qu’en France, la parole des enfants, qu’elle soit marginalisée ou qu’elle soit admise comme un des amusements du cercle de famille, n’a longtemps guère été prise au sérieux. Je doute d’ailleurs que cela ait réellement changé dans l’intimité de nombre de familles d’aujourd’hui – et pas seulement du fait du vacarme télévisuel. Ce serait là un autre questionnement. Quelles que soient les nuances à apporter aux évolutions que nous allons voir, il reste cependant incontestable que les attitudes sociales à l’égard des enfants ont connu ces dernières décennies une évolution considérable. Il est tentant de prendre comme symbole et référence de ces changements la loi qui en 1974 ramène la majorité à 18 ans. Notons au passage que ce n’est pas un hasard si la même équipe politique(5) conduira une série de changements essentiels dans le statut de la femme : on rompt en même temps avec l’infantilisation des femmes et avec l’invalidation des enfants.

La période antérieure a bien sûr préparé ces changements législatifs. Dès les années 1950, nos sociétés font tant bien que mal une place à l’adolescence, entre bandes adolescentes(6), flambée de la musique rock et essor puis généralisation de l’enseignement secondaire(7). Les mouvements contestataires, avant et après 1968, mettent à mal toutes les structures d’autorité. Certes, les enfants, au sens ordinaire actuel, ne sont pas dans la rue. Toutefois, la grande majorité des manifestants étudiants de 1968(8) ont moins de 21 ans : ce sont alors, juridiquement, des mineurs, même si leurs leaders ont souvent quelques petites années de plus(9). Dans la foulée de ces « événements », la loi d’orientation pour l’enseignement de novembre 1968, impulsée par le très centriste Edgar Faure, votée aussi bien à gauche qu’à droite, introduit des représentants des élèves dans les conseils d’administration et les conseils de classe des lycées. Plus tard, cette réforme sera prolongée dans les collèges. Toutefois, aujourd’hui encore, les enfants des écoles primaires ne participent pas aux conseils d’école, ni aux conseils de cycle, alors même que les pédagogues inspirés par Freinet pratiquent de longue date les conseils d’enfants, de diverses façons.

Si le statut légal des adolescents a vraiment changé au cours des dernières décennies, comme ont changé bon gré mal gré les attitudes familiales à leur égard, si ces changements ne peuvent guère apparaître que comme fondamentalement positifs dès lors que l’on adhère à des philosophies de la liberté et de la responsabilité, les choses sont nettement moins simples du côté des enfants stricto sensu. Je vais prendre comme témoignages caractéristiques de ces évolutions du rapport à l’enfance, d’une part les conceptions développées par Françoise Dolto dans ses livres orientés vers le grand public(10), et d’autre part la Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant adoptée par l’ONU en 1989 et ratifiée par la France en 1990.

Françoise Dolto, d’abord. On aurait pu s’attendre à ce que la pensée psychanalytique infléchisse très vite les attitudes adultes à l’égard des enfants et de leur parole. En enracinant les problématiques essentielles de la vie psychique des adultes dans la petite enfance, la pensée freudienne incite a priori puissamment à prendre au sérieux tout ce que vivent et disent les très jeunes enfants. En réalité, l’influence de la pensée psychanalytique en ce domaine a été pour le moins ambivalente. La pensée psychanalytique a incontestablement influencé les pratiques éducatives, tant familiales que professionnelles, dans le sens d’une plus grande attention à la personnalité des enfants, en particulier à toutes leurs formes d’expression, surtout dans le domaine affectif. Toutefois, dans le domaine des abus sexuels, les psychanalystes, comme les psychiatres et psychanalystes influencés par la psychanalyse, ont au contraire joué un rôle catastrophique, renvoyant systématiquement à la fantasmatique œdipienne les paroles des enfants et retardant la prise de conscience collective de la réalité et de l’ampleur de ces abus. On sait que Freud avait d’abord rattaché les névroses, en particulier l’hystérie, à une expérience infantile de « séduction ». Puis, à partir de 1896, il a abandonné cette théorie de la séduction, faisant finalement des récits de séduction de ses patientes un fantasme, un souvenir-écran(11), et s’opposant ultérieurement à toute tentative pour accorder une place possible à la théorie de la séduction, comme l’a fait très tôt Ferenczi. D’une façon plus générale, la pensée freudienne s’est façonnée sur des paroles d’adultes névrosés à propos de leur enfance, qui plus est dans le cadre très particulier de la cure analytique, et non sur une approche directe des enfants(12). C’est beaucoup plus tard, avec Anna Freud et Melanie Klein, que des psychanalystes se tourneront directement vers des enfants en souffrance, mais sur la base de théories déjà élaborées, avec le risque évident que ces paroles d’enfant soient alors perçues à travers le prisme des théories déjà en place dans l’esprit de leurs analystes.

Françoise Dolto va adopter une démarche radicalement inverse, au moins en apparence, en supposant chez l’enfant le plus jeune, nourrisson inclus, sinon une capacité à parler, du moins la capacité à entendre une parole adulte, à se l’approprier et à y « répondre » à sa façon. L’air du temps a laissé prendre au sérieux les « conversations » entre Dolto et des nourrissons et les effets thérapeutiques supposés de telles « paroles ». Or, Dolto est avant tout une intellectuelle catholique. Pour elle, la capacité à penser et « parler » est l’inscription de Dieu en tout être humain, le Verbe divin auquel « participe » l’âme humaine. Dès lors, elle est plus qu’innée, elle est même antérieure à la conception de l’individu(13). C’est ce qu’elle pose à travers son concept de narcissisme primordial : « J’entends par là le narcissisme du sujet en tant que sujet du désir de vivre, préexistant à sa conception »(14). On passe ainsi, très loin en réalité des théories freudiennes ou même lacaniennes sur la construction du sujet psychique, à une vision métaphysique de l’être humain, qui efface toute distinction entre l’enfant le plus jeune et l’adulte le plus intellectualisé. Non seulement la parole de l’enfant n’est plus niée, mais elle est lui est d’emblée pleinement accordée. Il est quand même étonnant que des représentations aussi éloignées de toute pensée un tant soit peu rationnelle ou contrôlable aient pu devenir une vulgate dans une bonne partie des milieux psychanalytiques.

La Convention Internationale des Droits de l’Enfant(15) (CIDE) est perçue, à juste titre pour l’essentiel, comme une contribution importante à la construction d’un État de droit mondial. Elle établit un ensemble complet de droits des enfants, avec lesquels on ne peut guère être qu’en plein accord, que la communauté internationale s’est presque toute entière engagée à mettre en œuvre, ce dont on ne peut que se réjouir(16). Ceci posé, la CIDE comporte malgré tout quelques articles qui laissent pour le moins songeur, si l’on veut bien les lire en pensant sérieusement à ce qu’impliquerait leur mise en œuvre effective. En effet, l’article 13 de la CIDE accorde aux enfants le droit à la liberté d’expression, l’article 14 leur accorde le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’article 15 leur accorde les droits à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique. Ces trois articles n’admettent comme restriction à ces libertés que celles qui limitent ces mêmes libertés pour les adultes, essentiellement les nécessités du respect d’autrui et du respect de l’ordre public. Autrement dit, concernant les libertés fondamentales de pensée, d’expression et d’association, la CIDE met les enfants dans une position identique à celle des adultes. Ce ne sont plus les « droits de l’enfant », c’est l’abolition des fondements mêmes de la notion d’enfance. On aurait pu à la rigueur admettre la transposition de ces libertés fondamentales à des « enfants », définis comme l’ensemble des moins de 18 ans, si de tels droits avaient été conditionnés à leur maturation progressive. Tel n’est pas le cas. Bizarrement, on ne trouve une telle précaution que dans l’article 12, qui accorde « à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité » (souligné par moi). Autrement dit, la CIDE nuance le droit d’expression des enfants lorsqu’ils s’expriment sur des problèmes qui les concernent directement(17), mais elle ne retient pas cette nuance pour leur accorder les libertés fondamentales ordinaires des adultes ! On comprend mal comment toute la communauté internationale, avec les lourdeurs organisationnelles que cela implique, ait pu laisser passer de telles aberrations(18). On pourrait objecter ici que c’est l’esprit de la CIDE qui compte, et que cet esprit est globalement respectable. En réalité, la CIDE appartient au domaine du droit, et du droit écrit, dont elle est un des sommets historiques, avec les autres grandes conventions internationales. Or, en ce domaine, c’est la lettre qui compte, qui fait droit, les juges ne pouvant se référer à l’esprit d’une loi que lorsque son texte laisse une marge d’interprétation. A contrario, ces trois articles de la CIDE sont d’une parfaite clarté et ne laissent aucune marge d’interprétation. À leur lecture, on voit mal comment des juges pourraient justifier des restrictions aux libertés qu’ils accordent, autres que celles qui limitent les mêmes libertés pour des adultes, sans se mettre eux-mêmes hors du droit défini par ce texte.

De Dolto à la CIDE, on constate que les dernières décennies du XXe siècle ont certes rompu avec les longues traditions de l’enfance muette, mais au prix du basculement dans des excès inverses difficilement compréhensibles. L’explication est peut-être plus simple qu’il n’y paraît. On peut voir dans la tradition de l’enfance muette comme dans ces regards « modernes » sur l’enfance deux manifestations opposées du déni de l’enfance même. Réduire l’enfance au silence, refuser tout crédit à sa parole, autrefois. Mettre l’enfant sur le même plan que les adultes, lui accorder des capacités psychiques et des droits sociaux identiques à ceux des adultes, aujourd’hui. De l’enfance muette à l’enfance déniée. Mais ne s’agit-il pas toujours au fond de la même chose, de la même incapacité des adultes à comprendre la réalité essentielle de l’enfance qui me semble être sa dynamique constitutive ?

Notre enfance est cette phase de notre vie par laquelle nous devenons humains, elle est le processus de notre humanisation. Notre humanité ne nous est donnée d’emblée que sous la forme d’un potentiel très ouvert, non prédéfini, auquel seule l’histoire collective des êtres humains donne forme au fil de son déroulement, et qui ne sera jamais fixé avant que cette histoire ne prenne fin. Comme le potentiel d’un individu ne se fixe qu’au jour de sa mort.

Réduire l’enfant au silence, c’est risquer de lui barrer ce devenir. Mais prescrire seulement l’écoute et le respect de la parole de l’enfant, c’est le supposer déjà humain, et le charger du poids insupportable pour lui de la responsabilité que cela implique. L’affaire d’Outreau montre que charger l’enfant à lui seul de la mise en accusation des adultes est aussi dangereux, et probablement aussi destructeur pour lui(19), que lui interdire toute mise en cause de la respectabilité des adultes.

La parole de l’enfant n’est ni à réprimer ni à respecter, elle est à construire. Poser la parole de l’enfant comme une donnée, c’est s’abstraire de la charge d’éduquer. De la pédagogie Freinet à la philosophie à l’école(20), les praticiens inventifs de l’école savent bien les difficultés et les complexités de ce processus de construction de la capacité à former une pensée en l’exprimant, en la « formulant », pour la frotter à la pensée des autres. Cela exige certes que l’adulte éducateur ouvre à l’enfant un espace d’expression, mais aussi qu’il organise cet espace, qu’il assure les régulations nécessaires à la protection des paroles qui émergent dans cet espace, qu’il nourrisse, enfin, cet espace des apports de la culture, de l’histoire collective de la pensée. Au cœur de l’enfant, sauf catastrophes, la force la plus forte est le désir de grandir, l’élan vers ce qu’il n’est pas encore, alliée à l’intime conviction de la nécessité pour lui de s’adosser à la guidance bienveillante des adultes pour parvenir à prendre cet envol.

Daniel Calin
2007

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Éléments bibliographiques

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Notes

(1) Dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition, version informatisée disponible en ligne.

(2) Cette interdiction, plus ou moins rigoureuse, est à vrai dire fort banale dans les traditions culturelles, d’un bout à l’autre de la planète, malgré quelques notables exceptions. Dans nombre de cultures, il est même interdit de regarder « dans les yeux » les hommes adultes, sauf lorsque ce regard est sollicité.

(3) Âge auquel on peut se marier sans l’autorisation de ses parents. Il est généralement supérieur à l’âge auquel le mariage devient possible avec autorisation des parents, appelé « âge nubile ».

(4) En réalité, dès l’Empire Romain, les pratiques ont été fort diverses d’une région à l’autre de ce vaste monde, malgré le brassage des populations induit par la romanisation. Les traditions romaines spécifiques étaient d’ailleurs beaucoup plus ouvertes aux liens entre hommes et femmes, comme entre adultes et enfants que la tradition grecque, probablement sous l’influence de la culture étrusque. L’ouverture exceptionnelle à l’enfance de la culture italienne a certainement de longues racines.

(5) De 1974 à 1976, Valéry Giscard d’Estaing est Président de la République, Jacques Chirac est Premier Ministre et Simone Veil Ministre de la Santé. Le départ de Jacques Chirac au profit de Raymond Barre marquera la fin de cette remarquable période de grandes réformes sociétales.

(6) La jeunesse dangereuse, déjà, les « blousons noirs » qui ont fait couler beaucoup d’encre des années 1950 aux années 1960, avant d’être remplacés dans la fantasmatique réactionnaire par les hippies et les gauchistes.

(7) L’obligation scolaire est portée de 14 ans à 16 ans en 1959.

(8) Les lycéens ne jouent encore qu’un rôle mineur, leur heure viendra plus tard.

(9) Né en 1945, Daniel Cohn-Bendit a 23 ans en 1968.

(10) En particulier La cause des enfants, Robert Laffont, 1985. Voir en ligne sa bibliographie complète.

(11) Sur cet aspect très problématique de l’évolution de la pensée de Freud, on peut se reporter à l’ouvrage, évidemment très controversé, de Jeffrey Moussaieff Masson, Le réel escamoté (Le renoncement de Freud à la théorie de la séduction), publié en 1984 par les Éditions Aubier Montaigne.

(12) Le très célèbre cas du petit Hans est une exception marginale. Freud n’a fait que croiser brièvement cet enfant. C’est une anecdote, certainement passionnante, mais pas un « cas » psychanalytique.

(13) Ce qui, d’ailleurs, relève plus de la mythologie platonicienne que du dogme catholique !

(14) Souligné par l’auteur : Dolto F. (1984), L’image inconsciente du corps, Le Seuil, Paris, page 50.

(15) L’article 1 de la CIDE définit ainsi l’enfant : « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». Définition on le voit fort large, qui n’accorde aucune place à la distinction pourtant forte, à juste titre, dans les représentations contemporaines entre enfance et adolescence. Ce qui déjà en soi pose problème.

(16) Même si « l’ordre mondial » en place s’accommode fort bien du piétinement des plus évidents de ces « droits » pour des centaines de millions d’enfants...

(17) Notre législation a intégré les exigences de cet article 12 par la loi nº 93-22 du 8 janvier 1993, qui a introduit dans notre Code Civil le nouvel article 388-1 qui pose : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut (...) être entendu par le juge (...). Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. (...) ». Avec les restrictions raisonnables de l’article 12 de la CIDE, donc. À ce jour, aucun texte législatif n’a « mis en musique » les articles en cause ici, ce qui ne les empêche en rien d’avoir force de loi chez nous, puisque cette Convention a été ratifiée par le Parlement français. À quand l’application de la CIDE dans les écoles et, pourquoi pas, dans les crèches ?

(18) Je m’inclus dans cette « surprise » : j’ai lu et relu la Convention Internationale des Droits de l’Enfant je ne sais combien de fois sans aucune réaction, avant que ces aberrations ne finissent par me sauter aux yeux. Sans que je comprenne à ce jour ni comment j’ai pu aussi longtemps m’aveugler, ni comment je me suis finalement désaveuglé.

(19) Les médias se sont beaucoup apitoyés sur les adultes innocents, qu’ils avaient largement contribué à lyncher quelques mois avant, mais ils sont restés pour le moins discrets sur le devenir des enfants plongés dans les tourmentes de cette histoire.

(20) Voir, par exemple, Lipman M. (1995), À l’école de la pensée, De Boeck Université, Bruxelles.
 


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Dernière révision : lundi 26 mai 2014 – 14:15:00
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