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Enseignement aux jeunes détenus

 

Circulaire n° 98-106 du 25 mai 1998


B.O.E.N. n° 23 du 4 juin 1998
R.L.R. : 501-8
NOR : SCOE9801038C
MEN – DESCO – JUS

Texte adressé aux recteurs ; aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale ; aux directeurs régionaux des services pénitentiaires ; aux directeurs régionaux de la protection judiciaire de la jeunesse.


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La formation représente un enjeu primordial pour les jeunes détenus : c’est pour eux une condition de leur réinsertion sociale. Plus que d’autres encore, les jeunes détenus sont concernés par l’objectif d’accès à une qualification défini pour l’ensemble des jeunes par la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation.

Les enquêtes menées par l’administration pénitentiaire montrent que les trois quarts des mineurs et jeunes détenus sont sans diplôme ni qualification professionnelle et que la moitié d’entre eux se trouve en situation d’illettrisme. Sur le plan des apprentissages, les études conduites par les services de la protection judiciaire de la jeunesse sur ses publics délinquants mettent en évidence des dysfonctionnements cognitifs importants : troubles du langage oral et écrit, difficultés à symboliser et à se dégager du contexte immédiat, incapacité ou refus à évaluer des risques, à relier les actes avec leurs conséquences sociales ou pénales ou à prendre en compte la dimension des règles et des lois.

À ces données psycho-pédagogiques caractéristiques des publics délinquants, il convient d’ajouter les troubles sérieux du comportement et les difficultés d’ordre psychologique et psychiatrique que présentent des jeunes incarcérés pour des délits ou des crimes plus graves (atteinte aux personnes, infraction à la législation sur les stupéfiants...).

Pour l’ensemble de ces raisons, l’action pédagogique auprès des mineurs et jeunes détenus est un enjeu essentiel, même si les difficultés scolaires récentes de la plupart d’entre eux engendrent souvent des résistances, voire une opposition à l’égard d’une scolarisation classique. Le temps d’incarcération des mineurs, bien que sa durée moyenne reste de quelques mois, peut favoriser un changement d’attitude à l’égard de la scolarité qui, d’abord vécue comme source d’échec et d’insatisfaction, peut devenir un cadre de référence et de reconstruction.

L’action pédagogique en milieu pénitentiaire doit donc s’adapter à la diversité des publics jeunes et à l’évolution des conditions de la détention :

L’enseignement doit aussi contribuer à une prise en charge globale assurée par l’administration pénitentiaire (hébergement, rythmes de vie, diversification des activités) ; les enseignants sont donc appelés à participer à une équipe d’encadrement stable et coordonnée poursuivant des objectifs communs de réinsertion.

 

1 – La place de l’enseignement dans l’organisation des « quartiers mineurs »

Le « quartier mineurs » est sous la responsabilité du chef d’établissement pénitentiaire, qui désigne parmi les personnels pénitentiaires un responsable, régulateur de la vie quotidienne du quartier, qui a un rôle de référent à l’égard des jeunes et vis-à-vis des membres de l’équipe. Il veille à faciliter la transmission des informations et à établir la concertation entre tous les intervenants, tout en préservant le rôle et la spécificité de chacun, dans son champ de compétence.

La création des secteurs d’hébergement réservés aux mineurs implique donc que chaque établissement concerné :

1) Mette progressivement en place une équipe pluridisciplinaire constituée de l’ensemble des intervenants, sans omettre les surveillants en poste fixe, capables de prendre en compte tous les aspects de l’incarcération des mineurs.

2) Élabore un projet spécifique dans lequel s’inscrivent le référent et l’équipe pluridisciplinaire. Ce projet de fonctionnement doit situer le rôle et les champs de compétences respectifs de tous les intervenants et comporter une définition précise des règles de vie et des activités.

Au niveau local, les services de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse veillent à associer les services de l’éducation nationale aux commissions de suivi des mineurs, organisées régulièrement conformément aux principes formulés dans la circulaire AP-PJJ du 4 février 1994.

 

2 – La projet d’enseignement

2.1 Dès la première semaine d’incarcération

Un accueil et une information (orale et écrite) indiquant les formations possibles, les parcours et leurs modalités, seront assurés. Un document présentant les activités proposées doit pouvoir être communiqué aux autres intervenants de l’établissement comme aux familles des jeunes détenus.

Même lorsqu’ils ne restent que quelques semaines, tous les jeunes doivent se voir offrir la possibilité d’un bilan personnel. Un repérage systématique de l’illettrisme sera pratiqué par les enseignants, à l’aide des tests et logiciels développés dans le cadre de l’observatoire interministériel sur l’illettrisme en prison.

Le positionnement pédagogique assuré par les enseignants sera complété par des actions de bilan avec l’aide des différents partenaires susceptibles d’apporter leur concours.

2.2 Les méthodes pédagogiques

Le choix des méthodes pédagogiques relève de la responsabilité des enseignants. Il leur appartient de rechercher des activités et des démarches pédagogiques adaptées et diversifiées qui prennent en compte les besoins spécifiques de chaque jeune, leur parcours antérieur et la durée prévisible de détention.

Une attention toute particulière devra être apportée aux jeunes en plus grande difficulté et notamment en situation d’illettrisme. Il convient de rechercher des outils efficients et motivants (outils informatiques ou audiovisuels, base de données pédagogiques accessible sur un support multimédia, ludothèque-bibliothèque, journal de détenus...). Quelques outils pédagogiques expérimentés et évalués dans les quartiers mineurs sont listés dans une fiche jointe en annexe.

Les corps d’inspection s’attacheront, avec les responsables des unités pédagogiques régionales, à mener une réflexion collective et des concertations régulières en ce domaine.

2.3 Cursus

Même dans le cas de détentions courtes, l’enseignement proposé en milieu pénitentiaire doit permettre au minimum de ne pas rompre un cycle de préparation à un examen et de le poursuivre.

Il revient au responsable local d’enseignement, informé dès l’accueil, de procéder aux inscriptions des candidats engagés dans un cursus diplômant. Les services académiques veilleront à faciliter leurs démarches.

Lorsque la certification ne peut être atteinte pour diverses raisons (déstabilisation, temps d’incarcération...), un document récapitulatif des parcours de formation suivis doit être élaboré afin d’assurer une liaison avec l’extérieur. Un livret type élaboré à l’échelon national par le ministère chargé de l’éducation nationale et le ministère de la justice, joint à la présente circulaire, sera expérimenté au premier semestre 1998.

Le livret de formation sera attesté par le responsable de l’unité pédagogique régionale. Il permettra un suivi pédagogique mais ne saurait constituer un élément de certification.

 

3. L’organisation des enseignements

3.1 Rôle du responsable de l’enseignement

Conformément à la circulaire éducation nationale-justice d’avril 1995, un responsable local d’enseignement coordonne sur chaque site pénitentiaire l’ensemble des moyens d’enseignement disponibles, élabore avec son équipe le projet pédagogique et articule les activités d’enseignement avec celles des services socio-éducatifs.

Pour la prise en charge des mineurs détenus, le responsable local d’enseignement assure, dans le cadre de l’équipe pluridisciplinaire, la liaison avec les éducateurs et les structures dont le jeune dépend et transmet aux instances compétentes les informations utiles :

3.2 Modalités de scolarisation

Si une prise en charge pédagogique spécifique est indispensable pour les détenus mineurs, elle n’interdit pas leur participation à des cours pour adultes, en particulier lorsqu’un jeune a un projet précis ou lorsque les effectifs sont trop faibles pour constituer un groupe d’enseignement pour les seuls mineurs.

Les activités d’enseignement proposées dans le document d’accueil prennent la forme d’interventions hebdomadaires définies, courtes et fréquentes, étalées sur un minimum de quatre jours.

Il convient d’assurer la scolarisation des jeunes engagés dans des études et d’avoir une politique incitative à l’égard de tous les jeunes détenus, même au-delà de 16 ans, pour qu’ils pratiquent un ensemble d’activités hebdomadaires pédagogiques, éducatives et sportives. L’obligation scolaire est ainsi mise en œuvre de manière adaptée ; elle prend son sens dans le cadre de la prise en charge globale assurée par l’administration pénitentiaire et dans le souci de l’adhésion du jeune à un projet de formation.

3.3 Suivi du dispositif d’enseignement aux mineurs

Les commissions de suivi régionales, placées sous la présidence conjointe des recteurs et des directeurs des services pénitentiaires, sont chargées du bilan des pratiques et des politiques pédagogiques conduites dans le cadre des unités pédagogiques régionales. Il est souhaitable qu’y soient associés les magistrats chargés du suivi des mineurs.

Une synthèse de la politique menée régionalement en direction des mineurs sera adressée par les unités pédagogiques régionales, en fin d’année scolaire, aux deux ministères concernés.

La ministre de la justice, garde des sceaux
Élisabeth GUIGOU
La ministre déléguée, chargée de l’enseignement scolaire
Ségolène ROYAL


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Annexe 1

Textes de référence

« L’orientation est le résultat du processus continu d’élaboration et de réalisation du projet personnel de formation et d’insertion sociale professionnelle que l’élève de collège, puis de lycée, mène en fonction de ses aspirations et de ses capacités.

L’affectation est de la compétence de l’inspecteur d’académie pour les formations implantées dans le département. »

« Compte tenu de l’enjeu particulier de la formation pour les jeunes détenus, il appartient à l’ensemble des personnels concernés, qu’ils relèvent de l’administration pénitentiaire ou de l’éducation nationale, d’adapter les formations aux contraintes liées à la durée généralement courte de leur détention et de développer les moyens de nature à susciter leur motivation. »

« la finalité fondamentale de l’enseignement est de contribuer à ce que la personne se dote des compétences nécessaires pour se réinsérer dans la vie sociale.

Pour tous les jeunes adultes en détention, l’enseignement poursuit plusieurs objectifs :

« L’insertion professionnelle des jeunes constitue une priorité nationale majeure. Il incombe au système éducatif d’améliorer la préparation de tous les jeunes, quel que soit le cursus scolaire suivi, à leur entrée dans le monde professionnel, en leur permettant d’accéder à la qualification et en assurant un accompagnement personnalisé.

Au niveau départemental, l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale, est chargé d’impulser et de suivre la mise en œuvre de la mission d’insertion dans les établissements et les districts ou bassin de formation ou d’emploi. »


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Annexe 2

Base pédagogique pour l’enseignement aux jeunes détenus

Plusieurs dispositifs pédagogiques ont été expérimentés depuis plusieurs années en partenariat entre le ministère de la justice, le ministère du travail et le ministère chargé de l’éducation nationale, pour l’enseignement aux public jeunes et adultes de faible niveau.

Parmi les outils qui ont présenté des qualités tant pour l’efficience des apprentissages fondamentaux, la motivation suscitée que pour l’adaptation sur des temps courts de formation en milieu pénitentiaire, on peut retenir :

Le fichier lecture « LETTRIS » Nathan

Le fichier « LETTRIS » propose des activités organisées sur quatre axes (l’oral, la lecture, l’écriture et la clarté cognitive) et une progression sur 14 thèmes adaptés au monde adulte. Il doit permettre :

La méthode « Objectif Lire » Hachette

Elle comporte 5 modules.

Chaque module est centré sur des objectifs :

Des outils d’évaluation doivent permettre à l’apprenant de savoir à tout moment où il en est de son projet de formation.

La méthode « Livre Accès » Magnard

Composée de 4 livres et de 4 fichiers pédagogiques, cette collection s’adresse aux adolescents et jeunes adultes qui connaissent des difficultés de lecture et écriture.

Les livres (vivre son âge, vivre son corps, vivre en société, vivre au travail) rassemblent des productions culturelles différentes : articles de presse, chansons, textes littéraires.

Les fichiers poursuivent l’objectif d’une maîtrise de la langue indispensable à une qualification de niveau V.

L’outil vidéo « En 1 mot », association AFIM

Composé d’une série de 35 petits films de fiction d’une durée d’environ 5 minutes, « En 1 mot » est le support à des activités pédagogiques ayant pour objectifs principaux de :

L’exploitation pédagogique des films est organisée en modules courts de 24 heures travaillant simultanément la maîtrise du langage, l’analyse de l’image et les remédiations cognitives.

Les mallettes de jeux pédagogiques, Groupe d’études ludopédagogiques

Le GEL propose des mallettes pédagogiques issues d’un travail de recherche et d’expérimentation ; en particulier dans le dispositif PAQUE, destiné aux jeunes de 16 à 25 ans non qualifiés. Chaque mallette comprend : un jeu complet, un document d’accompagnement pédagogique, et une disquette contenant une version informatique du jeu.

L’activité ludique apparaît comme un support pédagogique original et sérieux : il est un mode d’approche pédagogique privilégié et complémentaire dans des champs thématiques particuliers, dans le système des relations interpersonnelles, dans des comportements cognitifs et de décision.

Le dispositif multimédia REACT, (réseau d’accès à la connaissance pour tous), société TELID

REACT est un dispositif multimédia qui donne accès, sur CD-ROM, à des bibliothèques d’outils pédagogiques sélectionnés dont, entre autres :

Chaque bibliothèque correspondant à un thème particulier.

Le formateur consulte librement la base de données, choisit, personnalise et affecte les exercices en fonction des besoins de chaque apprenant et de son projet pédagogique.

Le dispositif favorise la création de parcours individuels de formation. À chaque exercice peut être associé un test conditionnant l’exercice ou la leçon suivante.

L’expérimentation de ces outils s’inscrit dans une tradition de recherche pédagogique des enseignants exerçant en milieu pénitentiaire.

De nombreux outils informatiques ont été utilisés dans ce contexte pour motiver les adultes et permettre également des démarches plus individualisées, en particulier :

De même ont été expérimentées des démarches de remédiation cognitive qui visent l’appropriation des mécanismes intellectuels fondamentaux plus que l’acquisition de « contenus de savoir ». Les objectifs sont aussi bien la prise de conscience par les apprenants de leurs difficultés, la correction des fonctionnements déficitaires que la reprise de confiance en soi.

Parmi les plus utilisés on peut citer :

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE


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Annexe 3

ACADEMIE :

VILLE :

Livret d’attestation du

parcours de formation générale

suivie par

Nom :

Prénom :

Date de naissance :

Lieu de naissance :

Informations sur les formations antérieures
Lieu de scolarisation :
France Etranger si à l’étranger, quel pays ? ...
France et étranger quel pays étranger ? ...
Niveau d’arrêt de la scolarité :
Diplôme le plus élevé obtenu :
Autres formations complémentaires postérieures à la scolarité :
types et niveaux des formations : Durée : validation obtenue :
     
     
     
 
Niveau de qualification repéré en début de formation :
 
Demande de formation formulée par l’intéressé :
 

 

NIVEAU ESTIMÉ DE
QUALIFICATION :
POSITIONNEMENT INITIAL
DATE : ......
Choix des
OBJECTIFS DE LA FORMATION
 
retenus pour la période
du ...... à ......
Domaines et capacités examinées Référentiels & outils utilisés Compétences repérées
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       
       

 

Évaluation à la date du : ......
Nouvelles compétences maîtrisées Situations & supports utilisés Précisions sur les situations d’évaluation
Observations qualitatives
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

 

PARCOURS DE LA FORMATION SUIVIE
Formations suivies Période
du ...... . au ...... .
Durée en heures
     
     
     
     
     
     
ÉVALUATION PAR LE RESPONSABLE DE LA FORMATION GÉNÉRALE
  insuffisante irrégulière partielle satisfaisante très
satisfaisante
assiduité          
implication dans l’activité          
participation au groupe          
réalisation des objectifs          
progression générale          
Appréciation générale

 

 

 

Validation officielle (examen ponctuel, unités capitalisables)
Nature de l’épreuve ... Date ... Résultats ...
Nature de l’épreuve ... Date ... Résultats ...
Propositions sur la poursuite de formation

Activités et formations proposées lors de l’entretien d’évaluation du ...
 
Adresse de l’organisme et/ou nom de la personne à contacter pour cette formation :
 
Date de clôture de la fiche :

Nom du responsable de l’Éducation nationale

Signature :
 


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Dernière révision : vendredi 02 février 2018 – 15:30:00
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