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Organisation de l’instruction publique
Loi Daunou

 

Décret du 3 Brumaire an IV (25 octobre 1795)


Source : Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens, avis du Conseil d’État, publiée sur les éditions officielles du Louvre, de l’imprimerie nationale, par Baudouin, et du bulletin des lois (de 1788 à 1830 inclusivement, par ordre chronologique), chez A. Guyot et Scribe libraires-éditeurs, Paris, 1835.
Accessible en ligne ICI.

N.B. : L’orthographe originale a été respectée.


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Titre Ier. Écoles primaires

Art. 1er. Il sera établi dans chaque canton de la République une ou plusieurs écoles primaires, dont les arrondissemens seront déterminés par les administrations de département.

2. Il sera établi dans chaque département plusieurs jurys d’instruction : le nombre de ces jurys sera de six au plus, et chacun sera composé de trois membres nommés par l’administration départementale.

3. Les instituteurs primaires seront examinés par l’un des jurys d’instruction, et sur la présentation des administrations municipales ; ils seront nommés par les administrations de département.

4. Ils ne pourront être destitués que par le concours des mêmes administrations, de l’avis d’un jury d’instruction, et après avoir été entendus.

5. Dans chaque école primaire, on enseignera à lire, à écrire, à calculer, et les élémens de la morale républicaine.

6. Il sera fourni par la République, à chaque instituteur primaire, un local tant pour lui servir de logement que pour recevoir les élèves pendant la durée des leçons.

Il sera également fourni à chaque instituteur le jardin qui se trouverait attenant à ce local.

Lorsque les administrations de département le jugeront plus convenable, il sera alloué à l’instituteur une somme annuelle, pour tenir lieu du logement et du jardin susdits.

7. Ils pourront, ainsi que les professeurs des écoles centrales et spéciales, cumuler traitement et pensions.

8. Les instituteurs primaires recevront de chacun de leurs élèves une rétribution annuelle qui sera fixée par l’administration de département.

9. L’administration municipale pourra exempter de cette rétribution un quart des élèves de chaque école primaire, pour cause d’indigence.

10. Les réglemens relatifs au régime des écoles primaires seront arrêtés par les administrations de département, et soumis à l’approbation du Directoire exécutif.

11. Les administrations municipales surveilleront immédiatement les écoles primaires, et y maintiendront l’exécution des lois et des arrêtés des administrations supérieures.

 

Titre II. Ecoles centrales.

Art. 1er. Il sera établi une école centrale dans chaque département de la République.

2. L’enseignement y sera divisé en trois sections.

Il y aura dans la première section :

1° Un professeur de dessin ; 2° un professeur d’histoire naturelle ; 3° un professeur de langues anciennes ; 4° un professeur de langues vivantes, lorsque les administrations de département le jugeront convenable, et qu’elles auront obtenu à cet égard l’autorisation du Corps-Législatif.

Il y aura dans la deuxième section :

1° Un professeur d’élémens de mathématiques ; 2° un professeur de physique et de chimie expérimentales.

Il y aura dans la troisième section :

1° Un professeur de grammaire générale ; 2° un professeur de belles-lettres ; 3° un professeur d’histoire ; 4° un professeur de législation.

3. Les élèves ne seront admis aux cours de la première section qu’après l’âge de douze ans ;

Aux cours de la seconde, qu’à l’âge de quatorze ans accomplis ;

Aux cours de la troisième, qu’à l’âge de seize ans au moins.

4. Il y aura près de chaque école centrale une bibliothèque publique, un jardin et un cabinet d’histoire naturelle, un cabinet de chimie et physique expérimentales.

5. Les professeurs des écoles centrales seront examinés et élus par un jury d’instruction.

Les élections faites par le jury seront soumises à l’approbation de ladite administration.

6. Les professeurs des écoles centrales ne pourront être destitués que par un arrêté de la même administration, de l’avis du jury d’instruction, et après avoir été entendus.

L’arrêté de destitution n’aura son effet qu’après avoir été confirmé par le Directoire exécutif.

7. Le salaire annuel et fixe de chaque professeur est le même que celui d’un administrateur de département.

Il sera de plus réparti entre les professeurs le produit d’une rétribution annuelle qui sera déterminée par l’administration de département, mais qui ne pourra excéder vingt-cinq livres pour chaque élève.

8. Pourra néanmoins l’administration de département excepter de cette rétribution un quart des élèves de chaque section, pour cause d’indigence.

9. Les autres réglemens relatifs aux écoles centrales seront arrêtés par les administrations de département, et confirmés par le Directoire exécutif.

10. Les communes qui possédaient des établissemens d’instruction connus sous le nom de collège, et dans lesquelles il ne sera pas placé d’école centrale, pourront conserver les locaux qui étaient affectés auxdits collèges, pour y organiser, à leurs frais, des écoles centrales supplémentaires.

11. Sur la demande des citoyens desdites communes, et sur les plans proposés par leurs administrations municipales, et approuvés par les administrateurs de département, l’organisation des écoles centrales supplémentaires, et les modes de la contribution nécessaire à leur entretien, seront décrétés par le Corps-Législatif.

12. L’organisation des écoles centrales supplémentaires sera rapprochée, autant que les localités le permettront, du plan commun des écoles centrales instituées par la présente loi.

 

Titre III. Des écoles spéciales.

Art. 1er. Il y aura dans la République des écoles spécialement destinées à l’étude :

1° De l’astronomie ; 2° de la géométrie, de la mécanique ; 3° de l’histoire naturelle ; 4° de la médecine ; 5° de l’art vétérinaire ; 6° de l’économie rurale ; 7° des antiquités ; 8°des sciences politiques ; 9°de la peinture, de la sculpture et de l’architecture ; 10° de la musique.

2. Il y aura de plus des écoles pour les sourds-muets et pour les aveugles-nés.

3. Le nombre et l’organisation de chacune de ces écoles seront déterminés par des lois particulières, sur le rapport du comité d’instruction publique.

4. Ne sont point comprises parmi les écoles mentionnées dans l’article 1er du présent titre les écoles relatives à l’artillerie, au génie militaire et civil, à la marine et aux autres services publics, lesquelles seront maintenues telles qu’elles existent, ou établies par des décrets particuliers.

 

Titre IV. Institut national des sciences et des arts.

Art. 1er. L’Institut national des sciences et des arts appartient à toute la République ; il est fixé à Paris : il est destiné: 1° à perfectionner les sciences et les arts par des recherches non interrompues, par la publication des découvertes, par la correspondance avec les sociétés savantes et étrangères ; 2° à suivre, conformément aux lois et arrêtés du Directoire exécutif, les travaux scientifiques et littéraires qui auront pour objet l’utilité générale et la gloire de la République.

2. Il est composé de membres résidant à Paris, et d’un égal nombre d’associés répandus dans les différentes parties de la République ; il s’associe des savans étrangers, dont le nombre est de vingt-quatre, huit pour chacune des trois classes.

3. Il est divisé en trois classes, et chaque classe en plusieurs sections, conformément au tableau suivant :

4. Chaque classe de l’Institut a un local où elle s’assemble en particulier.

Aucun membre ne peut appartenir à deux classes différentes ; mais il peut assister aux séances et concourir aux travaux d’une autre classe.

5. Chaque classe de l’Institut publiera tous les ans ses découvertes et ses travaux.

6. L’Institut national aura quatre séances publiques par an. Les trois classes seront réunies dans ces séances.

Il rendra compte, tous les ans, au Corps-Législatif, des progrès des sciences et des travaux de chacune de ces classes.

7. L’Institut publiera tous les ans, à une époque fixe, les programmes des prix que chaque classe devra distribuer.

8. Le Corps-Législatif fixera tous les ans, sur l’état fourni par le Directoire exécutif, une somme pour l’entretien et les travaux de l’Institut national des sciences et des arts.

9. Pour la formation de l’Institut national, le Directoire exécutif nommera quarante-huit membres, qui éliront les quatre-vingt-seize autres.

Les cent quarante-quatre membres réunis nommeront les associés.

10. L’Institut une fois organisé, les nominations aux places vacantes seront faites par l’Institut, sur une liste, au moins triple, présentée par la classe où une place aura vaqué.

Il en sera de même pour la nomination des associés, soit français, soit étrangers.

11. Chaque classe de l’Institut aura dans son local une collection des productions de la nature et des arts, ainsi qu’une bibliothèque relative aux sciences ou aux arts dont elle s’occupe.

12. Les réglemens relatifs à la tenue des séances et aux travaux de l’Institut seront rédigés par l’Institut lui-même, et présentés au Corps-Législatif, qui les examinera dans la forme ordinaire de toutes les propositions qui doivent être transformées en lois.

 

Titre V. Encouragemens, récompenses et honneurs publics.

Art. 1er. L’Institut national nommera tous les ans au Concours vingt citoyens, qui seront chargés de voyager et de faire des observations relatives à l’agriculture, tant dans les départemens de la République que dans les pays étrangers.

2. Ne pourront être admis au concours mentionné dans l’article précédent que ceux qui réuniront les conditions suivantes :

ler Être âgé de vingt-cinq ans au moins ;

2° Etre propriétaire ou fils de propriétaire d’un domaine rural formant un corps d’exploitation, ou fermier ou fils de fermier d’un corps de ferme d’une ou de plusieurs charrues, par bail de trente ans au moins ;

3° Savoir la théorie et la pratique des principales opérations de l’agriculture ;

4° Avoir des connaissances en arithmétique, en géométrie élémentaire, en économie politique, en histoire naturelle en général, mais particulièrement en botanique et en minéralogie.

3. Les citoyens nommés par l’Institut national voyageront pendant trois ans aux frais de la République, et moyennant un traitement que le Corps-Législatif déterminera.

Ils tiendront un journal de leurs observations, correspondront avec l’Institut, et lui enverront, tous les trois mois, les résultats de leurs travaux, qui seront rendus publics.

Les sujets nommés seront successivement pris dans chacun des départemens de la République.

4. L’Institut national nommera tous les ans six de ses membres, pour voyager, soit ensemble, soit séparément, pour faire des recherches sur les diverses branches des connaissances humaines autres que l’agriculture.

5. Le Palais-National à Rome, destiné jusqu’ici à des élèves français de peinture, sculpture et architecture, conservera cette destination.

6. Cet établissement sera dirigé par un peintre français ayant séjourné en Italie, lequel sera nommé par le Directoire exécutif pour six ans.

7. Les artistes français désignés à cet effet par l’Institut, et nommés par le Directoire exécutif, seront envoyés à Rome. Ils y résideront cinq ans dans le Palais-National, où ils seront logés et nourris aux frais de la République, comme par le passé : ils seront indemnisés de leurs frais de voyage.

8. La nation accorde à vingt élèves, dans chacune des écoles mentionnées dans les titres II et III de la présente loi, des pensions temporaires, dont le maximum sera déterminé chaque année par le Corps-Législatif.

Les élèves auxquels ces pensions devront être appliquées seront nommés par le Directoire exécutif, sur la présentation des professeurs et des administrations de département.

9. Les instituteurs et professeurs publics établis par la présente loi, qui auront rempli leurs fonctions durant vingt-cinq années, recevront une pension de retraite égale à leur traitement fixe.

10. L’Institut national, dans ses séances publiques, distribuera, chaque année, plusieurs prix.

11. Il sera, dans les fêtes publiques, décerné des récompenses aux élèves qui se seront distingués dans les écoles nationales.

12. Des récompenses seront également décernées, dans les mêmes fêtes, aux inventions et découvertes utiles, aux succès distingués dans les arts, aux belles actions et à la pratique constante des vertus domestiques et sociales.

13. Le Corps-Législatif décerne les honneurs du Panthéon aux grands hommes dix ans après leur mort.

 

Titre VI. Fêtes nationales.

Art. 1er. Dans chaque canton de la République, il sera célébré, chaque année, sept fêtes nationales ; savoir :

Celle de la Fondation de la République, le 1er vendémiaire ; celle de la Jeunesse, le 10 germinal ; celle des Epoux, le 10 floréal ; celle de la Reconnaissance, le 10 prairial ; celle de l’Agriculture, le 10 messidor ; celle de la Liberté, les 9 et 10 thermidor ; celle des Vieillards, le 10 fructidor.

2. La célébration des fêtes nationales de canton consiste en chants patriotiques, en discours sur la morale du citoyen, en banquets fraternels, en divers jeux publics propres à chaque localité, et dans la distribution des récompenses.

3. L’ordonnance des fêtes nationales en chaque canton est arrêtée et annoncée à l’avance par les administrations municipales.

4. Le Corps-Législatif décrète, chaque année, deux mois à l’avance, l’ordre et le mode suivant lesquels la fête du 1er vendémiaire doit être célébrée dans la commune où il réside.


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