Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
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Un regard psychologique autour des enjeux des projets individualisés

 

 
Un texte de Claire Anatole
Psychologue scolaire


Origine du texte  Ce texte a été écrit pour servir de support lors d’une intervention à la table ronde du 23 février 2006 organisée au cours du stage : Le projet individuel : une réponse à des besoins particuliers, stage sous la direction de Monsieur l’Inspecteur AIS centre de Seine-et-Marne, M. Tourneroche.
Autres textes de Claire Anatole  Voir les autres textes de Claire Anatole publiés sur ce site.
Un livre avec Claire Anatole  Claire Anatole a participé à l’ouvrage collectif Psychologie de l’éducation (Tome 3 – Cas d’enfants – Situations d’école, situations d’élèves), sous la direction de Serge Netchine, col. Lexifac-Psychologie, Bréal, 2009.

 

Introduction

Psychologue scolaire, je travaille au sein d’un RASED dont le secteur d’intervention comprend environ 1 500 élèves âgés de 3 à 11 ans. Les trois acteurs du Réseau d’aide (rééducateur, maître d’adaptation et moi-même) concourons à une réflexion partagée autour de la difficulté d’apprentissage et des souffrances infantiles.

À ce titre, je suis amenée à participer activement à la réflexion autour de l’accueil des enfants présentant des besoins spécifiques et pour lesquels sont rédigés les projets individualisés. Plus généralement, mon action est centrée autour de ces enfants qui, selon le jargon psychologique, sortent du cadre des variations à la normale, ces enfants qui par leur différence questionnent les attentes institutionnelles classiques et bousculent le quotidien du pédagogue.

Cela va de l’accueil d’enfant présentant des troubles envahissants de la personnalité à la difficulté d’accompagner un enfant ayant un trouble instrumental simple : une dyslexie par exemple. Le traitement global de la question m’est apparu particulièrement délicat tant ces situations renvoient chacune à la singularité des partenaires et au contexte institutionnel. Néanmoins trois axes de réflexion m’ont semblé pertinents et pouvant trouver un écho dans les pratiques pédagogiques.

J’aborderai d’abord ce qui se joue dans cette rencontre avec la différence, avec l’altérité et ceci tant du point de vue du groupe classe, de l’adulte enseignant que du point de vue de l’enfant dans sa rencontre avec la « normalité ».

Ensuite, j’insisterai sur la valeur de cette mise en écrit d’un projet pour cet élève. Acte nécessaire et aux conséquences mesurables et concrètes et dont l’absence me semble très dommageable.

Enfin, je soulèverai devant vous une partie de mon questionnement actuel autour de la mise en pratique de ces projets individualisés et sur la place que je souhaiterai être mienne dans ce cadre.

 

1°) Rencontre avec l’altérité

Le projet individualisé existe car à un moment donné un enfant est venu marquer une rupture avec les attentes institutionnelles. Cette rencontre n’est pas nouvelle, me répondrez-vous, et date du premier acte pédagogique. Je remarquerai que l’institu­tion­nalisation des projets individualisés ici témoigne des efforts pour entendre cette rupture et y donner réponse.

Ces enfants obligent à penser différemment nos pratiques et leurs handicaps leur souffrance ou leur dys … invitent le pédagogue à innover.

Accueillir un enfant dit « à besoins spécifiques » dans sa classe n’est et ne sera jamais anodin. C’est une affaire de rencontre entre un enfant et un groupe, un enfant et un adulte, un enfant différent avec la norme (accentuant parfois la prise de conscience de sa différence et intensifiant la blessure narcissique), et enfin la rencontre toujours singulière avec un «  symptôme » plus ou moins supportable selon chacun.

Mon premier regard de psychologue questionnera (lors des observations en classe) cette rencontre. Autrement dit, les troubles de l’enfant peuvent-ils s’exprimer au sein du groupe classe sans le déstructurer ? L’enfant peut-il avoir du plaisir dans son vécu scolaire, peut-il supporter ce rapport à la normalité sans en souffrir plus que nécessaire ? Et l’enseignant est-il dispo­nible pour contenir le symptôme et accompa­gner l’enfant vers un possible ?

Je m’efforce à la plus grande prudence dans mes objectifs, n’ignorant pas combien toute rencontre n’est faite que d’imprévu et combien l’accueil de ces enfants nécessite une mise à distance importante des attentes de chacun. La maîtrise est ici utopique car tout ne se jouera pas dans l’espace pédagogique.

Cette rencontre est parfois préparée, avec une anticipation mentale, parce que le handicap ou le symptôme est connu et reconnu. D’autres fois, l’école fera office de révélateur quand cette différence émerge de la rencontre avec le milieu scolaire banal. J’ai alors une pensée amicale pour les enseignants de maternelle et de fin de Cycle II qui font bien souvent le terrible travail d’accompagner une famille vers la révélation et l’acceptation d’une difficulté. Et comment ne pas ressentir une empathie bienveillante pour cet enfant et sa famille qui soudain rencontre sa propre altérité.

Mais revenons à cette rencontre avec la différence.

Les enjeux psycho-affectifs sont considérables, je ne peux pas vous les décrire en détail ici, mais imaginez la résonance affective d’avoir dans votre classe un enfant myopathe par exemple.

Les risques de réactions défensives face à quelque chose qui nous renvoie à la souffrance d’un enfant sont multiples et peuvent aller du mater­nage à la banalisation de la différence. On observe parfois également une mise en échec inconsciente comme l’a démontré le célèbre effet Pygmalion ou encore des actes involontaires de margina­lisation. Aucune de ces réactions défensives n’est souhaitable, mais aucune n’est pour autant condamnable car ne serait-il pas utopique de croire que l’enseignant puisse vraiment en faire l’économie ? Me revient en mémoire un exemple « d’intégration » (terme adapté à l’époque) d’un enfant présentant des éléments autistiques qui souleva tellement d’empathie chez sa jeune enseignante que cette dernière ne put s’empêcher de le materner en classe, allant contre le besoin vital de l’enfant de tiers séparateur. Les deux acteurs de cette intégration furent en souffrance toute l’année.

La tentation bien humaine de réparation est tout autant coûteuse pour l’adulte que terriblement dangereuse pour l’enfant qui devient le support d’enjeux affectifs qui le dépassent.

Ne perdons jamais à l’esprit que chaque fois que nous mettons « une béquille » dans le but louable d’aider un enfant, nous lui signifions dans le même temps qu’il y a un risque qu’il tombe. Je pourrai évoquer ici une récente équipe éducative où un enfant atteint d’une pathologie neurologique mineure et qui poursuivait sans encombre ses apprentissages, était accompagné de pas moins 5 prises en charge thérapeutiques différentes. Je vous laisse deviner le principal problème rencontré par l’enseignante chez son élève … : le manque d’autonomie.


Il semble nécessaire, indispensable, que l’enseignant ne soit pas seul dans l’accueil de ces enfants, d’où la valeur première du projet individualisé qui est celle de créer du lien, du partenariat et d’ouvrir un espace de discussion autour de la rédaction de ce projet de scolarisation.

 

2°) Élaboration du projet, passage à l’écrit

Les fonctions essentielles de ce projet individualisé, outre les visées pédagogiques, sont donc pour moi :

L’absence de projet individualisé concourt :

Mon travail de psychologue dans ce temps d’élaboration du projet est alors de favoriser l’émergence d’une parole autour de la pratique, de prévenir les tentatives de réparations, de concourir à la réflexion autour du possible et de rechercher un aménagement de l’espace pédagogique au plus près des besoins de l’enfant et de maintenir coûte que coûte le principe de réalité (pas de sauveur en pédagogie).

 

3°) Quelques questions ouvertes qui émergent de ma pratique actuelle dans l’accueil des enfants à besoins spécifiques dans les classes

 

Cette rapide présentation, j’espère, vous invitera à penser l’accueil des enfants à besoins spécifiques sous un angle différent ou plus psychologique. Je reste à votre disposition pour partager ce questionnement et le faire avancer.

Claire Anatole
Mars 2006

 
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Dernière révision : samedi 15 février 2014 – 19:30:00
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