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Chronique 13
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Un texte de M. Barthélémy
 

Coup de fil gêné du Principal : « M. Barthélémy, je suis embêté, je suis obligé de faire un conseil de discipline pour l’un de vos protégés ».

J’ai cette chance d’avoir, en quatre ans, noué des relations de confiance avec les IEN et les principaux, qui n’hésitent pas à m’appeler lorsqu’ils doivent statuer sur le sort d’un des élèves handicapés dont je suis référent. Par principe, je ne participe pas aux conseils de discipline, préservant mon rôle de tiers de toute confusion, sauf lorsqu’il y a une demande explicite de la famille, de l’établissement et du service de soins.

Hervé est un jeune très sévèrement dyslexique (en 5ème, son niveau de lecture est évalué à celui que l’on attend d’un élève au milieu du CP !), dont les troubles sont majorés par des difficultés orthoptiques de convergence et de balayage. Sa scolarité primaire a été un calvaire, dont les stations, de passage de classe en passage de classe, l’ont conduit vers le Golgotha du collège avant qu’un diagnostic soit posé. Une invalidité supérieure à 50 % a été posée par la MDPH (chose rare chez nous), un projet personnalisé mis en œuvre, avec accompagnement par une AVS (à mi-temps !). Dans ce collège, des formations internes ont été faites à deux reprises sur les troubles spécifiques du langage, les enseignants sont bienveillants, la différenciation entre de plus en plus dans les mœurs. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Sauf que... Hervé vient de « péter un câble », il vient d’agresser violemment camarades et surveillants qui faisaient obstacle, par leur seule présence, à son envie irrépressible de faire le mur. Chacun restant focalisé sur les troubles instrumentaux, personne n’a vu, la pré-adolescence venant, les difficultés restant majeures et la situation familiale se dégradant, qu’Hervé était en train de plonger dans une dépression grave. Un père « hors course » depuis longtemps, un beau-père très présent, une mère dépassée n’ont pas permis à Hervé de se construire une représentation positive de lui-même. Il n’est qu’un « gros nul », qu’une « sous-larve », personne ne l’aime, il n’a aucune raison de continuer « à se faire ch... dans ce p... de collège ».

La sanction est inévitable, nécessaire. Il convient maintenant qu’elle soit proportionnée, adaptée, « bénéfique », qu’elle ait vertu éducative. Qu’elle soit couplée aux soins nécessaires, à l’accompagne­ment psychologique et familial indispensable. Là, je suis moins optimiste. Je ne suis pas certain que l’on sache faire. Les temporalités de chacun sont trop désynchronisées. Hervé a besoin d’une réponse immédiate. Le collège doit préserver sa collectivité. Les soins sont à évaluer, et trouver une place... L’accompagnement de la famille ne se décrète pas.

Je vais tenter de jouer mon rôle : dans « conseil de discipline », il y a conseil. Je vais essayer de remplir ma mission de continuité et de cohérence du parcours scolaire. Ni avocat, ni assistante sociale, ni juge, ma position, somme toute « confortable », doit être mise à la disposition de chacun pour qu’il joue son propre rôle, sans perdre de vue le seul bénéfice d’Hervé.

« Confortable ». Mais j’appréhende...

M. Barthélémy
18 novembre 2008

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Pour écrire à M. Barthélémy : “monsieurbarthelemy–AROBASE–gmail.com” (...en remplaçant bien sûr “–AROBASE–” par “@”)

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