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Chronique 29
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Un texte de M. Barthélémy
 

Brice est un adorable bambin de bientôt 4 ans, malicieux, souriant, vif-argent, scolarisé en petite section de maternelle depuis la rentrée, presque à mi-temps en alternance avec la crèche. La trisomie 21 dont il pâtit a conduit la MDPH à préconiser un plan de compensation dans lequel la scolarité est aménagée par un PPS, et un accompagnement par une auxiliaire de vie scolaire prévu à plein temps de son temps de présence à l’école. Décision nécessaire et judicieuse : cette pathologie conduit souvent à ce que les enfants qui en sont atteints soient particulièrement « curieux », dans l’exploration, prêts à s’échapper pour aller découvrir plus loin, au moins lorsqu’ils sont très jeunes, et un adulte supplémentaire pour veiller à la sécurité de Brice n’est pas de trop...

La scolarisation se passant relativement bien, Brice étant capable, grâce au cadrage de l’AVS et aux compétences de l’enseignante à différencier et à prendre en compte ses besoins spécifiques, le projet évolue normalement vers une extension du temps d’école. Se pose alors la question des nouvelles articulations à trouver avec la crèche : les parents travaillent, la nounou n’est pas disponible tous les midis, la crèche accueille Brice dès 11 h. 30.

La maman de Brice demande que, le jour supplémentaire d’école, un taxi l’accompagne de l’école à la crèche. Les taxis de l’Inspection Académique ne couvrent que les trajets domicile-école, les transports Sécurité Sociale n’assurent que les trajets vers les lieux de soins. Seule solution pour répondre à cette demande : demander à la MDPH une augmentation de l’AEEH pour couvrir les frais de cet unique transport hebdomadaire – ce qu’elle refuse, arguant du faible éloignement de l’école à la crèche (moins de 400 m) et de l’absence d’entraves motrices aux déplacements de Brice. Arguments, me semble-t-il, raisonnables et entendus, au moins en apparence, par la famille.

Le problème n’étant pas résolu, considérant que cette augmentation du temps d’école répond vraiment à ses possibilités actuelles et à ses besoins, j’indique à sa maman que, dans le cadre de ses missions et sur son temps effectif de travail, l’AVS pourrait conduire Brice de l’école à la crèche. Je rédige l’avenant au PPS en ce sens pour le faire valider par la MDPH. Coup de fil de la maman : que se passerait-il si l’AVS avait un accident avec sa voiture en conduisant Brice à la crèche ? Je lui indique qu’il n’est pas question pour l’AVS de prendre sa voiture, mais qu’elle accompagnera Brice à pied (400 m, même trottoir, deux intersections). La capacité de Brice à supporter la fatigue liée à ce trajet sera évaluée au bout de quelques fois. Je précise à la maman qu’elle peut aussi venir en poussette le jour en question pour que l’AVS aille à la crèche en poussant Brice, poussette que la maman récupèrerait le soir.

Quelques jours passent. Nouveau coup de fil : « Monsieur Barthélémy, pensez-vous que je puisse faire une demande à la MDPH pour qu’elle me rembourse une deuxième poussette que je pourrais laisser à l’école ? ».


Comment dire ? Les bras m’en sont tombés. Le parcours du handicap est souvent un parcours du combattant. La souffrance des familles, réelle, s’exprime parfois de manière inattendue. Mais là, j’ai envie de dire : trop, c’est trop.

Compenser les conséquences du handicap, c’est mettre en place des moyens pour rendre accessibles l’« ordinaire » à ceux qui en seraient privés. Mais à confondre devoir et dû, accompagnement et assistanat, on instrumentalise le handicap et on risque, à très court terme, de l’enfermer lui aussi dans la seule logique du « toujours plus » du capitalisme et de l’individualisme ambiants.

Au détriment de ceux pour lesquels la loi de 2005 a été pensée : les enfants, les jeunes, les adultes qui ont à se battre pour que soient préservés leurs droits, leurs chances, leur participation et leur citoyenneté.

M. Barthélémy
07 avril 2009

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Pour écrire à M. Barthélémy : “monsieurbarthelemy–AROBASE–gmail.com” (...en remplaçant bien sûr “–AROBASE–” par “@”)

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