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Chronique 3
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Un texte de M. Barthélémy
 

Morgan vient de faire son entrée au collège. Sa mère m’appelle pour me donner de ses nouvelles, me dire combien elle est soulagée, combien Morgan est content. Des coups de fil comme celui-ci, j’en reçois assez peu, ils sont le soleil d’une journée ordinairement assez sombre, je m’en délecte plusieurs jours de suite.

Morgan, je le suivais depuis trois années scolaires. Garçon assez frêle, toujours souriant, souvent espiègle, sa myopathie, stabilisée, ne l’empêchait pas de tirer profit de l’école, tant du point de vue des apprentissages que de celui des relations avec les autres, adultes ou camarades.

Une équipe de suivi avait été programmée en cours de CM1 pour commencer à évoquer l’entrée au collège (j’aime anticiper, pour aider les familles dans la prise en compte des besoins de leur enfant, et pour éviter toute rupture de parcours pour des raisons de délais non respectés ou de places non vacantes). Morgan avait demandé à être présent. Tout au long de la réunion, il s’était montré attentif aux points de vue de son enseignante, du kiné, de l’ergo, de ses parents, de la psychologue scolaire. La réunion allant vers son terme, je lui laissai la parole (j’essaie de clore les réunions sur les mots des parents ou ceux des jeunes, lorsqu’ils peuvent s’exprimer).

Morgan : « Vous disez tous que je réussis bien ? »

Sa mère : « Dites, Morgan, pas disez ».

Morgan : « Oui, bon, laisse-moi parler, c’est mon tour ».

Moi : « Vas-y Morgan, c’est toi qui termine la réunion, on ne te coupe plus la parole ».

Morgan : « Bon, alors moi, je veux dire ça : je réussis bien, j’ai des bonnes notes. Mais je suis fatigué. Parce que pour les avoir, ces notes, je suis à 200 %. Pour les autres, c’est facile. Moi, si mon corps reste mou, je n’écoute plus. Alors je dois faire que mon corps soit raide, alors je peux écouter, mais ça fatigue. Et en plus de l’école, j’ai tout le reste, le kiné, l’ordi, et tout. Moi, ce que je veux, c’est aller dans une école où les autres, ils sont comme moi. J’en ai marre de faire semblant d’être bon ».

La maman de Morgan s’effondre, je ne cache pas mes larmes. Je clos la réunion comme je peux, en disant qu’on reparlera de ce qu’il nous a confié et que c’est à nous, les adultes, d’en tenir compte. Et le CM2 a passé.

Morgan vient donc d’entrer au collège. Dans une UPI “champ moteur” où, bien que scolarisé dans une classe ordinaire, il retrouve des camarades en fauteuil ou non qui ont des besoins particuliers liés aux limitations que leur corps leur impose. À la fois, il a accès à une scolarisation à son niveau de réussite et il découvre des camarades “comme lui”. Comme il en avait fait le souhait.

Des histoires exemplaires comme celle de Morgan, je n’en vis pas tous les jours. Parce que ce qui est possible, parfois, dans les champs moteur ou sensoriels, l’est plus rarement dans le “champ mental” (qui forme 80 % de mes accompagnements). Parce que la conjonction entre la compréhension qu’un jeune a de ce qui lui arrive, l’accompagnement responsabilisant qu’une famille est prête à mettre en œuvre malgré sa souffrance et ses inquiétudes, la qualité des dispositifs et de l’accueil offerts par l’institution, cette conjonction est rare.

Précieuse. Et donc à cultiver...

Grâce à Morgan, au coup de fil de cinq minutes de sa maman, malgré les conditions de travail qui tardent à s’améliorer, cette année, peut-être, ne commence pas si mal...

M. Barthélémy
09 septembre 2008

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