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à travers l’enseignement d’un supposé solfège de la lecture

 


Texte initialement publié, le dimanche 6 mars 2016, sur le blog d’Eveline Charmeux. Eveline considère ce texte de Laurent comme complétant admirablement [son] billet d’humeur du samedi 27 février 2016, intitulé Devenir lecteur ? Y’a des machines pour ça.
Il prolonge et complète l’article précédent de Laurent Carle, Hugo, qu’est-ce qu’une bonne école ?.

 

 
Un texte de Laurent Carle
Psychologue scolaire




« Partir de la musique pour en découvrir le langage et ses techniques est plus formateur qu'une étude analytique abstraite, élément par élément, desséchante par définition, dont l'usage démontre qu'elle tourne souvent le dos au but à atteindre : la connaissance et l'apprentissage de la musique » (Ministère de la culture, texte de la réforme du solfège, 1977).

 

Réussir à l’école. Y réussir sa vie ou s’y perdre.

Appeler les électeurs aux urnes un jour par an ne suffit pas à faire une démocratie. Le droit de vote à 18 ans ne fait pas un démocrate. La démocratie demande des citoyens adultes et formés à la vie sociale. L’école du XXIe siècle est loin d’être devenue ce qu’elle devrait être depuis toujours, une institution où l’on apprend ensemble parce qu’on est plus intelligent à plusieurs et que le but d’une communauté éducative républicaine est de former des citoyens plutôt que des consommateurs. Hélas, pour les prédicateurs de l’élitisme à la française, religieusement écoutés, l’école serait plutôt le temple sacré hors sol de la consécration des concurrents méritants, les premiers de classe, dont la victoire s’arrache dans le silence du travail solitaire, dépouillé de toute interaction entre pairs. « Chacun pour soi, le maître pour tous » serait la formule appropriée pour un système scolaire public « républicain ». La citoyenneté n’y est pas au programme, la fraternité, encore moins. Elles fausseraient les classements. Quand on exhorte les élèves au travail et à l’effort, ce n’est jamais pour les inciter à la recherche en équipe, encore moins au partage. Au sommet du mât de cocagne, l’accès aux privilèges « républicains », promis aux gagnants. Selon ces objectifs, on forme des dirigeants et des chefs sélectionnés d’après leurs performances de consommateurs de savoirs. Le système récompense les chalands zélés qui ont su remplir sans aide le chariot de leurs emplettes. Si on est l’heureux élu de la Grâce, gagnant prédestiné, on y rencontre les dieux et un destin épique, sinon on passe à côté de la chance, nommée ascenseur par les gardiens du temple. Quel que soit le résultat, on n’y rencontre pas ses semblables. Sélection et formation aristocratiques des élites passent avant l’enseignement démocratique pour tous.

Dans ce centre commercial distributeur de savoirs, à quel entraîneur sélectionneur, sur quel créneau horaire et dans quel espace, confier l’éducation à la citoyenneté et à l’altruisme ? Les moralistes des conduites d’apprentissage nous en dissuadent. Ce serait du pédagogisme, voire du droitdel’hommisme, une insulte intolérable faite aux familles patriciennes qui gèrent en bon père de famille la transmission de leurs privilèges, de génération en génération. Si on confrontait les potaches en général, et en particulier ceux qui se laissent aller, à plus d’exigences, les clercs idéologues nous promettent qu’on augmenterait significativement, par une mystérieuse alchimie mathématique, le nombre de gagnants, comme si le nombre de places de premiers était extensible au-delà de un et si celui des postes aux concours pouvait être défini et adapté en fonction des « résultats scolaires ». Et tant pis si, les mal classés n’étant pas « bons élèves », on produit ainsi une forte culpabilité chez les perdants, ce qui ne change rien à leurs performances mais les plonge dans la confusion de l’ignorance coupable. Tant pis si on pollue l’intelligence à tous les niveaux du système scolaire, y compris chez les bons élèves. Les classes préparatoires ne peuvent accueillir tous les Français. Sinon ce ne serait plus ces aréopages d’excellence que le monde nous envie. Il va de soi que, dans un système ultra sélectif, éliminer les faibles avant le début de la compétition permet d’effectuer la sélection en fin de tournoi sur un nombre réduit de concurrents. La stratégie consiste donc à fermer la porte du stade aux enfants les moins équipés en compétences de base. Le verrouillage des portes se nomme « méthode de lecture » pour élèves de CP. La « méthode » présente la lecture comme une oralisation, une mise en sons des lettres de l’alphabet que les mots de la langue utilisent comme matériau pour se coucher sur papier. Les manuels de « lecture » scolaires homologués portent en filigrane le sous-titre : « Lire, c’est réveiller les sons dormant sous les signes ». Les professionnels du solfège ne disent pas le nom des consonnes mais leur bruit prononcé dans le souffle afin de persuader le jeune enfant naïf et ses parents crédules que les lettres n’ont pour fonction que l’émission de bruits. Ceux qui se cassent le nez sur ces portes sont, hasard curieux de la naissance, les enfants des classes populaires dont les parents ne maîtrisent pas l’écrit en général, la lecture en particulier. Chez les enfants de parents lecteurs, la culture se transmet par héritage. Chez les enfants de pauvres, c’est l’enseignement scolaire de la « lecture » qui propage l’illettrisme. Aucun adulte proche ne pouvant leur souffler comment tricher avec les règles et le « code » de déchiffrage enseignés, on peut leur faire avaler cette énorme couleuvre : « Ne devine pas, déchiffre sans chercher le sens de l’écrit ! Tu comprendras quand tu sauras lire. » Cette injonction lui donne à entendre que :

  1. lire ne peut se faire qu’après avoir appris la « méthode », méthode qui enseigne la lecture comme un procédé d’envoi du signal écrit, de façon mécanique et sous forme sonore, dans les oreilles ;
  2. ce n’est pas le lecteur qui met du sens sur les mots, c’est le bruit de ses lettres.

Car, dans l’école à la française, la lecture s’enseigne mais ne s’apprend pas. Son apprentissage est repoussé à l’extérieur et en dehors des heures de classe, de sorte que les enfants, venus s’instruire, s’égarent dans les consignes de la « méthode », bible officielle de la nomenclature des sons et des règles d’oralisation des signes, excluant la conquête de l’écrit pour ce qu’il est, une langue qui se lit avec les yeux. Devenu à son insu, par obligation professionnelle, censeur de lecture, le maître, aussi candide que l’enfant, croyant faire la chasse à la « devinette », interdit à l’apprenti de penser l’écrit. Le résultat ne se fait pas attendre, en fin d’école primaire, un élève sur quatre ne sait pas lire et, par conséquent, y répugne. L’abus didactique sur mineur de 6 ans est consommé. Plus tard, au collège, le prof de français, succédant au censeur, se fera directeur de lecture des textes au programme, réclamant une lecture réfléchie que l’école primaire avait interdite par respect des consignes de déchiffrage. Directeur de conscience naïf du secondaire, il tentera vainement d’imposer la lecture à l’élève qui, ne sachant pas lire, s’affole à la perspective de déchiffrer un livre entier. Qui ne sait pas lire n’accède ni aux savoirs enseignés, ni à la culture des bibliothèques. Éliminé d’office, il est perdant désigné, perdu à l’écrit, exclu du jeu démocratique, futur abonné pour télévision à publicité qui offre des cerveaux réceptifs aux annonceurs.

Cette politique « éducative » ne fait pas que dégager, au profit des privilégiés, les pistes qui mènent à la voie royale du pouvoir, elle prive de culture et de compétence sociale, et politique, les déshérités, un quart de la population. C’est une chose de tenter d’apprendre le déchiffrage au CP, puis de s’embourber jour après jour dans les ornières de la « méthode » jusqu’en dernière année d’école primaire. C’en est une autre d’y entrer lecteur précoce et de se promener avec aisance dans les « livres de lecture » et les leçons quotidiennes données par le maître. Deux mondes s’y côtoient sans se connaître. Les premiers, bernés, ne savent pas que les textes, opacifiés par la « méthode », sont lisibles directement à l’œil nu ; les lecteurs ignorent que leurs camarades sont égarés dans un brouillard artificiel. Les uns et les autres ne seront jamais renseignés par l’école sur la fonction de l’intelligence dans l’acquisition de la lecture. Même chez les seconds qui apprennent à lire en lisant, parce qu’ils sont nés dans une famille de lecteurs, avoir été entraînés à mettre leur intelligence en veilleuse pour « installer des mécanismes » laissera des traces psychiques : penser uniquement quand c’est expressément demandé et payé (noté). Et encore… ! Les premiers ne sauront jamais ce qui les a empêchés d’apprendre à lire, les seconds, qu’ils ont appris malgré la méthode. Ces ignorances additionnées partagent les Français entre lecteurs autonomes et déchiffreurs handicapés, dits illettrés, mais les réunissent dans le même brouillard pédagogique que la prolifération des manuels, dits « méthodes », et des publications de travaux « scientifiques », validant a priori leur efficacité didactique, épaissit d’année en année. Dans lequel de ces deux groupes se trouvent les enseignants, les fabricants de méthodes, les conseillers en didactique, les écrivains, les philosophes, les experts, les chercheurs en science de la cognition, les théoriciens de la dyslexie ? La réponse se trouve dans la question. Pourquoi l’enseignement et les pratiques de lecture scolaire n’ont-il pas évolué depuis deux siècles et comment se fait-il que la pédagogie de la lecture, la vraie, soit bannie de l’école ? Même réponse. L’enseignement programmé de la syllabation est plus qu’une source d’échec et d’élimination, c’est une catastrophe nationale. Les médiocres résultats des Français aux tests PISA de l’OCDE ne semblent pourtant pas alerter les gens de pouvoir. L’intérêt national passerait-il après celui des classes dominantes ? Pourquoi la pédagogie de la lecture inspire-t-elle moins les pouvoirs publics que celle de la musique ?

Dans cette brume épaisse où on se perd avec une boussole, on ne distingue pas lire de déchiffrer, ni apprendre d’enseigner. Nul ne sait si la « méthode », choisie par le maître, est un outil pour celui qui enseigne ou pour celui qui apprend. Quelques opportunistes malins, pas si cons que ça, savent tirer profit de ce flou tenace, des lamentations sur la « baisse du niveau » et la perte des « valeurs », des jugements moraux justificatifs de l’inégalité républicaine, qui enfoncent définitivement dans l’opprobre, par qualificatifs appropriés, les « mauvais élèves ». Les champions de l’égoïsme scolaire, requalifié « élitisme républicain », tirent leur épingle du jeu en se faisant passer pour secouristes. Comment ?

  1. Vendre des méthodes de « lecture », fautrices d’échec, qui servent de béquilles en didactique de la lecture, clefs en mains, aux enseignants sans formation, arnaqués,
  2. Vendre des gadgets pour « mauvais lecteurs » dans la société de consommation, du chacun pour soi, de « l’ascenseur républicain », l’alibi, et du « mérite », la bonne conscience des chantres des inégalités sociales, en rabâchant que celui qui ne fait pas d’effort n’aura rien,
  3. Accepter des « missions d’étude » pour trouver la réponse marchande à l’illettrisme (sans lequel il n’y aurait pas d’élites), agréée par le ministère.

On gagne sur tous les tableaux en faisant commerce de remèdes pour les poisons qu’on commercialise dans la même boutique, avec l’agrément des pouvoirs publics. Trois sources de revenus confortables et de célébrité.

On pourrait penser que les « pédagogues de l’instruction et de l’élitisme pour tous » (tous premiers !), pour qui l’école fut un parcours de gloire, s’emmêlent les pinceaux dans leurs contradictions. Mais non, ils se nourrissent de la confusion qu’ils engendrent. Proposer des solutions de rebouteux aux problèmes que l’on a créés, ça marche toujours. C’est la clef du succès des bateleurs.

 

Quelle alternative à l’inégalité ?

La vocation première et naturelle, mais ignorée depuis toujours, d’une institution éducative laïque est de fonder sa philosophie et ses pratiques quotidiennes sur ces qualités, spontanées chez les enfants, que sont l’empathie et l’altruisme, sur leur besoin d’aider les camarades et de coopérer à une tâche commune. Développer les compétences sociales des petits humains est la seule parade efficace contre la compétition individuelle stérile et sa conséquence logique, l’échec scolaire de masse, préjudiciable autant à la nation qu’aux perdants. Or, l’école à la française a fait de l’entraide et de la mutualité des délits répréhensibles, des maladies dont il faudrait guérir les enfants. En fait, ce sont simplement des situations pédagogiques contraires aux valeurs bourgeoises. La France serait un immense terrain de sport où les individus s’affrontent à armes égales. On s’y prépare dès le Cours « Préparatoire ».

On pourrait former les enseignants à la socio-pédagogie :

  1. comment gérer sa classe en coopérative de production et de consommation de savoirs
  2. et créer un climat mutualiste d’échanges, d’entraide, de travail en équipe et de travaux de groupe.

Instaurer la démocratie scolaire dans une école sociale : liberté, égalité, fraternité, rien de tel pour prévenir l’échec des plus lents, des plus fragiles, démunis et naïfs ! Oui, mais sans échec, pas d’élimination, pas de sélection, dans un système scolaire où la compétition en vue du recrutement dans les grandes écoles commence à 6 ans. La sélection « au mérite » nécessite la compétition et la compétition interdit le « copiage ». Pour que les gagnants l’emportent, il faut des perdants et un juge arbitre rigoureux. Le plus tôt est le mieux. D’où les méthodes phonologiques de syllabation, avec « bons points », pour ceux qui, par miracle, arriveraient à lire par la voie indirecte : faire le bruit des lettres, comme recommandé par les experts, avant de chercher le sens des mots. Les didacticiens de la « phonologie », du « code » et du « décodage » font croire aux maîtres de lecture et aux jeunes enfants que les lettres sont toutes porteuses d’un phonème unique, invariable, antérieur aux mots qui l’utilisent. Dans leurs méthodes de déchiffrage, il n’y a pas de son changeant, qui varierait selon le contexte de la phrase, ici et maintenant. Ni son changeant, ni lettre muette, ni majuscule, ni saut de ligne, ni saut de page. Pas d’implicite, point de « sous-entendu » entre les lignes et sous les mots ! La phonologie commande et passe avant l’intelligence. La lecture scolaire, même « silencieuse » après coupure du volume du son, est exclusivement sonorisée. Penser l’écrit avec les yeux est impensable parce que le cerveau humain, aveugle, ne percevrait que les messages sonores, obligeant le « lecteur » à se faire locuteur et auditeur de sa voix.

L’éducateur donne la priorité à l’enfant, à ses besoins, à ce qu’il sait déjà ; le « formateur », au sens littéral, ne se soucie que de la mise en œuvre de sa méthode sur d’anonymes individus dont il ne sait rien et ne veut rien savoir. Ni citoyen, ni personne, ni enfant, ni humain, juste un cerveau à l’école. Pour les savants à l’esprit « géomètre », réussir, ce n’est pas savoir lire – d’ailleurs, ils ne se posent pas la question : qu’est-ce que lire ? –, c’est être capable de faire ce que leur méthode préférée transmet : un enseignement systématique et structuré des correspondances entre les lettres et les sons. Ils confondent l’ordre et la raison. S’ils étaient experts en didactique de la bicyclette, ils diraient : « Non seulement ils parviennent à nommer toutes les pièces de la bicyclette montrées avec la baguette du magister sur une planche de mécanique, mais également à comprendre la destination de chacune. Faire de la bicyclette, c’est en démonter les pièces et les nommer à voix haute. » La mécanique acquise, ça roule tout seul.

Or, personne, sauf l’enfant floué, ne déchiffre les mots « avant de comprendre ce qu’il lit » comme l’enseignent Alain Bentolila, Stanislas Dehaene et leurs confrères méthodistes. Déchiffrer un écrit est la recette de l’échec en lecture. Car les lettres, enchâssées dans les mots, au service du sens, désobéissent sans vergogne au « code » : « Les vendeurs plient et emballent avec un lien en ruban les achats de leurs clients ». Si j’enlève une lettre à lient, j’ajoute un son : lien. Si j’ajoute une lettre à lient, j’ajoute deux sons : client. Apprendre les « règles de correspondance » entre les signes graphiques et des sons labiles fait dérailler. Naïf est qui s’y fie ! Les enfants égarés par la stupidité de la démarche d’apprentissage, préconisée par les phonistes et approuvée par la plupart des parents, finissent par renoncer à apprendre à déchiffrer… et à lire, puisqu’on leur dit que c’est pareil. L’école leur fournit alors deux réponses :

C’est l’art de culpabiliser, puis de pardonner, les victimes de la tromperie, dans le but d’individualiser l’étiologie de l’échec, pour ne pas éveiller de soupçon sur la responsabilité de l’enseignement. Mais la mansuétude des thérapeutes de la « lecture » n’atténue en rien les effets délétères de la rééducation par le déchiffrage. A la satisfaction générale de ceux qui ne voient dans l’école qu’un musée des valeurs et dans l’enseignement de la lecture qu’une alphabétisation, aucune réponse ne met en question la stratégie unique de « lecture » enseignée. Car les idées reçues du XIXe siècle, faisant leur chemin en sous-sol, ont gagné la totalité de l’opinion publique. L’idéologie a fait son œuvre : la syllabation est aujourd’hui l’unique procédé de lecture reconnu par l’école. Pendant les quarante dernières années, dans leurs tentatives de démocratisation de l’école, Rouchette, Haby, Savary, Legrand, Jospin, pour s’en tenir à cinq réformateurs seulement, se sont heurtés successivement aux gardiens de la cité interdite. L’alliance du conservatisme et du corporatisme bloque tout progrès pédagogique quels que soient le contexte historique et la majorité qui gouverne. Si c’est toujours l’obscurantisme qui gagne, soit la démocratie n’est pas le projet social de l’école, soit l’école n’est pas l’émanation de la république, soit les élèves ne sont pas des enfants mais des adultes en miniature en conflit avec l’intérêt des majeurs.

Quand les réformateurs sont mis au ban, déchus de leur légitimité, les marchands installent leurs bancs dans le temple. Vendre des outils de réparation anesthésiants, qui apprennent à perdre plutôt qu’à apprendre, pour concurrents en panne d’apprentissage sur voie de garage, immobilisés sur la touche, à l’infirmerie ou à la porte du stade, est une aubaine pour les entrepreneurs du soin scolaire. Ils perdraient leurs sources de revenus et de popularité si l’école française devenait une institution républicaine, éducative, coopérative, d’entraide entre pairs. Car les enfants coopérateurs auraient tôt fait de s’apprendre à lire ensemble sans déchiffrer, fi des méthodes de « lecture » à l’unité élémentaire de langue, qui ne leur livrent rien, ni identification, ni sens. Identifiez les mots homographes « Nous portions les portions » sans les lire, par le seul bruit des lettres sonorisées avant lecture ! Avec gadgets et sentences morales, les méthodes sont là pour empêcher les enfants de coopérer et de lire.

Telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, dans sa promotion de la compétition comme seul stimulant et unique but de l’apprentissage, dans la sacralisation des valeurs du passé et l’immobilisme de ses « méthodes », l’école reste un frein à l’évolution de l’humanité. Les « valeurs » de la bourgeoisie marchande se sont imposées aux professionnels de l’enseignement aux dépens des valeurs humanistes que défendait Victor Hugo, un « utopiste », droitdel’hommiste, « pédagogiste » avant l’heure, qui réclamait l’éducation laïque pour tous et l’abolition de la peine de mort. Vivant de nos jours, il subirait les sarcasmes qui condamnent les boucs émissaires « responsables de l’échec scolaire ». Petits métiers à succès et produits commerciaux ou médicaux de dépannage fleuriront longtemps rue des écoles. La démocratie sociale, le bonheur d’apprendre en communauté, la vie, la vraie, attendront la disparition des écoles de prestige pour héritiers et de leurs classes prépa. Car, élevés dans le culte de l’égoïsme individuel et/ou de classe, une fois au pouvoir ou aux affaires, fils de bourgeois ou parvenus au mérite, bardés de diplômes, les élites, hostiles au partage, comme appris à l’école, ne ressentant aucune empathie pour ceux qui souffrent, en bas, se refusent à toute réforme qui démocratiserait l’enseignement. Ce serait démolir ce qui permet la reproduction de la division du travail au profit des dominants. Ce serait trahir l’éducation reçue, son clan et ses valeurs, que les politiques, de droite ou de gauche, par ignorance ou opportunisme, reprennent à leur compte de génération en génération. Il y a de l’avenir pour les vendeurs de gadgets et l’égoïsme de classe.

Laurent Carle
Mars 2016

 
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