Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
(Site créé et animé par Daniel Calin)

 

Oui ou non,
peut-on dire que le niveau en orthographe baisse chez les élèves ?

 

 
Un texte d’Eveline Charmeux
À propos de l’ouvrage de Danièle Manesse et Danièle Cogis, Ortho­graphe : à qui la faute ?


Autres textes d'Eveline Charmeux  Voir sur ce site les autres textes d’Eveline Charmeux.
Un livre d'Eveline Charmeux  À lire : Eveline Charmeux, Enseigner l’orthographe autrement (Sortir des idées reçues et comprendre comment ça marche), Chronique sociale, Lyon, 2013.

 

Au terme d’une enquête auprès de près de 3 000 élèves, Danièle Manesse et Danièle Cogis font apparaître que « l’écart entre les résultats des élèves de 1987 et ceux de 2005 est en moyenne de deux niveaux scolaires. Les élèves de cinquième de 2005 font le même nombre de fautes que les élèves de CM2 il y a vingt ans. Les élèves de troisième de 2005, le même nombre d’erreurs que les élèves de cinquième de 1987. »

Cette enquête reproduisait à l’identique, selon le même protocole, une enquête précédente menée en 1986-1987 par les chercheurs André Chervel et Danièle Manesse sur le niveau orthographique des élèves de 10 à 16 ans à partir d’une comparaison à un siècle de distance, s’appuyant sur les dictées collectées entre 1873 et 1877 par l’inspec­teur général Beuvain d’Altenheim. Les résultats de cette comparaison étaient alors en faveur des élèves de 1987.

« La comparaison des résultats entre 1987 et 2005 témoigne d’une chute importante du niveau. Les erreurs ont considérablement augmenté : là où les collégiens en faisaient huit en 1987, ils en font treize en 2005. Là où les élèves de CM2 faisaient douze erreurs, ils en font dix-huit. En 1987, 50 % des élèves faisaient moins de six fautes. Ils ne sont plus que 22 % en 2005. »

À qui la faute ? disent les auteurs.

Si remarquable que soit cette étude, et sans vouloir le moins du monde en minimiser l’intérêt, je souhaiterais pourtant ici émettre quelques réserves sur les conclu­sions qui en sont tirées, notamment dans les médias.

Peut-on raisonnablement parler de baisse de niveau en orthographe au vu de ces résultats sur des dictées ?

Cette question en appelle aussitôt deux autres :

Beaucoup de choses ont changé depuis vingt ans, surtout les enfants, leurs centres d’intérêts, leurs lectures. Et écrire sous la dictée reste une activité particulièrement artificielle, dont les nombreuses variables indépen­dantes ne peuvent être facilement neutralisées. C’est du reste tout le problème des tests, en général, dont les conditions de passation sont infini­ment plus déterminantes que le contenu des items.


On objectera que l’enquête qui avait précédemment comparé les perfor­mances des enfants de 1987 et de 1877, faisait alors apparaître un net progrès : les enfants de 1987 étaient évidemment fort différents de ceux de 1877, et pourtant...

On peut répondre qu’il y avait peut-être, chez les élèves, plus de points communs dans la manière de vivre les activités de l’école entre 1877 et 1987, que dans les vingt années qui ont suivi. En tout cas, les raisons de formuler cette hypothèse sont suffisamment plausibles pour installer des points d’interrogation dans les conclusions évoquées plus haut...

Si l’on aborde maintenant la première des deux questions posées ci-dessus, et si l’on y répond en affirmant que des résultats en dictées donnent une information fiable sur la maîtrise de l’orthographe, c’est l’affir­mation la plus contestable du monde.

Dictée et orthographe : quels rapports ?

Comme nous le rappelions dans un des articles du site, l’orthographe est un savoir surtout opératoire (savoir écrire sans erreurs), et non un savoir conceptuel, même si la connaissance théorique joue un rôle important. C’est du reste une des spécificités de cette discipline scolaire par rapport aux autres.

Un savoir qui se décompose en six formes de savoir :

  1. savoir à quoi sert l’orthographe et être convaincu de son utilité
  2. avoir, par des activités de « démontage », découvert et clarifié les divers niveaux et modes de son fonctionnement
  3. avoir intériorisé cette connaissance et l’avoir transformée en moyen d’écriture
  4. pouvoir l’utiliser spontanément et automatiquement dans toute activité de production écrite
  5. être physiquement gêné par une erreur d’orthographe
  6. en cas de doute, savoir où se trouve la solution et savoir la trouver en moins de 20 secondes.

Il s’agit donc, non d’une connaissance au sens strict du terme, mais de la mise en place d’un comportement intégré où la connaissance a une part importante, mais ne constitue, ni le départ, ni l’arrivée du travail d’apprentissage.

D’autre part, il apparaît que ce comportement est lié à une forme d’habitudes :

La dictée qui, depuis 1882, est conseillée, voire imposée, dans les textes d’instruc­tions officielles comme activité essentielle à la fois d’apprentissage et d’évaluation, n’a que peu à voir avec l’activité d’écriture. Ne serait-ce que pour cette raison, elle ne peut avoir d’efficacité sur la véritable maîtrise de l’orthographe, celle qui apparaît – ou non – dans la production des écrits.

Elle n’a, en effet, rien à voir avec l’énonciation écrite, puisque le texte écrit n’est pas produit par l’élève ; et elle a peu à voir avec le sens de la langue écrite, puisque l’un des premiers reproches faits à cet exercice scolaire a été d’inviter les enfants à écrire du non sens ou du non compris. Tous les enseignants ont dans leurs souvenirs des exemples comme ceux-ci, que l’équipe INRP de Nancy rappelait déjà en 1981 :

« On a maintes fois souligné combien la performance orthographique constituait pour l’enfant une épreuve complexe et délicate. L’enfant qui écrit doit réaliser d’une manière constante et continue une synergie de fonctions mentales exigeant de sa part une tension psychique élevée. Dans le cas d’un texte dicté, il doit d’abord écouter et comprendre un message. L’enfant qui ne saisit pas le sens de ce qu’on lui dicte écrit un peu n’importe quoi. On trouve par exemple : des hommes sans cibles (des hommes sensibles), les cars le fit tomber (l’écart le fit tomber)... »

Et pour ma part, j’ai envie d’ajouter à ces exemples une anecdote, assez exemplaire, lors du dernier concours d’entrée à l’École Normale en classe de seconde, à Toulouse en 1972, où le texte de la dictée, un texte superbe de Camus sur la Hollande, contenait la phrase suivante :

« Vous imaginez sans doute les Hollandais comme une tribu de syndics, dont le seul lyrisme serait de pratiquer, sous de larges chapeaux noirs, des leçons d’anatomie ? Non... »

Cette admirable phrase, parfaitement incompréhensible pour un adolescent toulousain de quinze ans, a abouti dans plusieurs copies à la formule suivante :

« Vous imaginez sans doute les Hollandais comme une tribu de sadiques dont le seul lyrisme... »

Orthographe justifiée ensuite dans les questions qui demandaient le sens de cette phrase (!!) par l’explication suivante : « des leçons d’anatomie sont évidemment nécessaires à des sadiques, pour exercer leur talent... » !!!

Où l’on voit que la dictée oblige certains élèves à un travail d’intelligence dont il n’est pas évident qu’il soit véritablement profitable ici. Comme l’ajou­taient les collègues de Nancy en 1981 :

« Pendant longtemps, trop de textes de dictée ont constitué ainsi une véritable provocation à l’incohérence. »

Et pourtant, la dictée a la vie dure. Elle a résisté sans dommages à d’innombrables remises en question et analyses pour traverser triomphale­ment le siècle un quart d’existence de l’école laïque gratuite et obligatoire.

Or – et cela parallèlement fait sourire –, depuis cette date, on a pu lire, ici ou là, et de façon quasi continue, exactement les mêmes plaintes qu’aujourd’hui. Le comble de l’amusement apparaît lorsqu’on découvre que, l’existence même de l’orthographe étant très récente (à la création de l’école, elle avait à peine un siècle), on a commencé à parler de baisse de niveau en orthographe pratiquement tout de suite : on trouve, dès les premières années du 20e siècle, des rapports déplorant les insuffisances en ce domaine chez les élèves comme chez les enseignants !

Le moins qu’on puisse dire alors, c’est que la dictée manque singulière­ment d’effica­cité pour la maîtrise de l’orthographe.

Il est pourtant facile de rappeler la différence entre écrire sous la dictée et connaître le fonctionnement de l’orthographe : c’est, très exactement, la différence entre un moyen et un but : ce n’est pas une mince différence.

À ceci près que, si la dictée est un moyen d’apprendre l’orthographe, c’est certainement le plus mauvais, car on voit mal comment le fait de devoir écrire une graphie inventée, parce que inconnue ou oubliée, pourrait aider qui que ce soit à apprendre l’orthographe.

Nous avons déjà naguère éclairé cette différence capitale (voir l’édito n°8 [n’est plus en ligne]).

En fait, elle est une activité à la fois inutile, dangereuse pour l’ortho­graphe et qui consomme, en pure perte, un temps précieux, dont on a terri­blement besoin pour apprendre l’orthographe sérieusement.

Donc, si les résultats sont toujours mauvais (sans décadence ni progrès), à qui la faute ?

Deux réponses :

  1. au temps perdu à faire des dictées
  2. aux pratiques d’enseignement de l’orthographe, qui sont truffées d’erreurs linguistiques et pédagogiques.

1– Pourquoi peut-on dire que faire des dictées, c’est du temps de perdu ?

Parce qu’elle n’est ni un moyen d’apprendre l’orthographe, ni un moyen d’en évaluer la maîtrise.

Et rappelons au passage qu’elle ne peut être les deux à la fois, comme on le pense généralement : impossible d’être à la fois un moyen d’apprentissage et un moyen d’évalu­ation : peut-on maigrir avec une balance ou se soigner avec un thermomètre ?

La dictée est-elle un exercice d’évaluation ?

Un exercice d’évaluation est d’abord un instrument de mesure de ce qui a été effectivement acquis. Qui dit « mesure » dit « étalonnement » précis, par rapport à une référence rigoureusement définie. La dictée, qui est notée par une curieuse opération de soustraction, répond particulièrement mal à l’exigence de mesure : cinq fautes dans une dictée confèrent la note zéro (donc nulle) à une performance qui contient au moins 95% de bon...

Peut-on parler d’évaluation en ce cas ?

Quant à mesurer ce qui a été effectivement appris, la dictée en est bien incapable : comment un texte d’auteur, même s’il contient quelques allusions au travail effectué antérieurement, pourrait-il en mesurer des acquis, perdus que sont ceux-ci au milieu de tant d’impondérables extérieurs au travail ?

La dictée peut-elle être un exercice d’apprentissage de l’orthographe ?

Certes, la correction des erreurs est le plus souvent la forme la plus efficace d’apprentissage. En mathématiques, par exemple, c’est en remontant le raisonnement effectué par l’élève qu’on a le plus de chances de l’aider à progresser. Il en est de même pour tous les domaines où la solution est le résultat d’un raisonnement. Or, l’analyse du fonctionnement de l’ortho­graphe, arbitraire, comme tout ce qui touche au langage (F. de Saussure l’a prouvé depuis fort longtemps) met évidence qu’aucun raisonnement ne permet de trouver la graphie de « théâtre » ou de « apéritif », si l’on n’a jamais vu ces mots ou si on les a oubliés.

Et même si l’on prétend que l’étymologie grecque et latine de ces mots permet de déduire leur orthographe, c’est une affirmation bien discutable.

Rien ne peut être déduit ici : même si je suis assez érudit pour rattacher le mot « théâtre » au grec θε′ατρον, et le mot « apéritif » au latin aperire (ouvrir), rien ne me permet d’affirmer que c’est vrai, ni que l’orthographe sera « théâtre » et « apéritif ».

En fait, le seul raisonnement ici – et qui n’est accessible qu’à ceux qui ont étudié le latin et le grec... – est une recherche de probabilité, et n’a rien à voir avec un raisonnement déductif. Ajoutons que le th- de théâtre n’est pas sa seule difficulté, pas plus que le nombre de -p- d’apéritif. En fin de compte, ce qui tranche, c’est la mémoire visuelle que l’on a ou non de l’image de ces mots. Donc, demander aux enfants de réfléchir pour écrire, c’est commettre une grave confusion, entre réfléchir et... se souvenir, lesquels sont en réalité le contraire l’un de l’autre. Quand il s’agit de se souvenir, aucune réflexion ne peut venir en aide à une mémoire défaillante, chacun le sait bien, pourtant !

Pire, demander à un enfant de réfléchir pour trouver l’orthographe d’un mot, c’est le confirmer dans une représentation erronée du fonctionnement de l’orthographe : on sait, notamment depuis les travaux d’E. Feirrero, qu’un petit enfant pense que les mots doivent ressembler agrave; ce qu’ils veulent dire. Si bien que sa réflexion va naturellement le conduire à imaginer l’ortho­graphe en fonction de cette représentation (et pas tellement en fonction de sa prononciation, contrairement à ce que d’aucuns pensent, laquelle, au passage, ne pourrait le conduire qu’à des erreurs deux fois sur trois !).

Et comme aucun raisonnement ne peut justifier les graphies en usage, la correction des erreurs orthographiques, même parfaitement menée, ne peut guère effacer l’empreinte d’une invention personnelle répondant à une logique, peut-être inadaptée, mais solide dans sa conception.

Oui, dira-t-on : et l’orthographe grammaticale ? c’est bien le lieu d’un raisonnement !

Pas du tout ! Ce qui relève du raisonnement pour le rôle grammatical de l’ortho­graphe, c’est... la grammaire ! Mais l’orthographe, elle, reste arbitraire, comme tout ce qui appartient à une langue. Si je dois écrire : « les enfants jouent », le raisonnement, que la règle m’invite à effectuer, me permet de savoir que le mot « joue » doit porter les marques de pluriel qu’exige son sujet. Mais le fait que ces marques soient les lettres -nt (dont vous noterez qu’il n’est jamais fait mention dans les leçons sur le pluriel, soit dit en passant...) et pas du tout la lettre « s », cela est purement d’usage et aussi arbitraire que de mettre un seul « p » à « apéritif ».

En fait, toute l’orthographe est d’usage : simplement il y a deux usages : l’usage lexical et l’usage grammatical.

En matière d’orthographe, seule la familiarisation avec l’usage, qu’il soit gramma­tical ou lexical, permet la certitude, et l’on peut dire que toute graphie erronée est une entrave à l’acquisition de l’usage. Dans ce domaine, l’erreur, loin d’être fructueuse, a de fortes chances d’être catastrophique. Aussi est-on de plus en plus conduits à penser que la meilleure pédagogie de l’orthographe est une pédagogie de la prévention des erreurs. D’où l’importance de provoquer le plus tôt possible une parfaite aisance de la documentation orthographique et du dictionnaire d’orthographe en particulier.

Quant aux autres types de dictées, plus ou moins rafistolées, comme :

La réponse à la question-titre de ce paragraphe est donc : NON ! La dictée ne peut pas être un moyen d’apprendre l’orthographe, bien au contraire !

2– Les pratiques d’enseignement de l’orthographe sont-elles responsables de la situation ?

Oui, et pour deux raisons majeures :

On s’obstine à enseigner l’orthographe comme une transcription de la prononciation.

Or, même si les travaux de N. Catach démontrent que, au plan linguistique, les signes de l’écrit transcrivent majoritairement les phonèmes de l’oral, ceci ne peut avoir aucune conséquence sur l’enseignement de l’orthographe, car les données à prendre en compte pour bâtir des hypothèses d’action pédagogique ne se limitent jamais aux travaux de la recherche fondamentale. Il faut prendre en compte aussi l’expérience des enfants et le fonctionnement de l’apprentissage chez eux.

Il faut se souvenir d’abord qu’un phonème, ce n’est pas du tout ce qu’on entend. C’est ce qu’on comprend, sous des perceptions auditives fort différentes, perceptions auditives qu’un enfant peut ne pas reconnaître d’un individu parlant à un autre.

Donc associer l’orthographe à ce qu’on entend est, pédagogiquement, une erreur.

D’autre part, on sait qu’une règle qui n’est pas toujours vraie est inutilisable et n’est donc pas une règle.

Par exemple, au début du mot « obtenir », j’entends rigoureusement la même syllabe qu’au début de « opticien ». Dans le premier cas, je vois un « b » et dans le second un « p ». C’est comme ça ! Rien à expliquer ; il faut le savoir, un point c’est tout.

Mon expérience dans les classes m’a prouvé que le fait d’abandonner complètement toute allusion à d’éventuelles relations entre la prononciation et l’orthographe (même là où il semble y en avoir) facilite grandement les choses pour les élèves. Les mots sont alors présentés comme les personnes : ils ont comme elles un visage (leur orthographe) et une voix (leur pronon­ciation), sans qu’on puisse établir de liens logiques entre les deux. Quand on ne connaît pas l’orthographe d’un mot, on se documente, et c’est tout. Il est infiniment plus efficace (surtout à long terme) d’entraîner les élèves à utiliser constamment le dictionnaire d’orthographe, que d’exiger d’eux qu’ils apprennent comment les mots s’écrivent. Du reste, ils l’apprennent beaucoup plus vite et de façon beaucoup plus solide en consultant très fréquemment le dictionnaire.

On enseigne des règles toutes faites, généralement fausses ou massivement incomplètes.

Les règles, telles qu’elles apparaissent dans les manuels (Bled ou autres), sont en effet la plupart du temps fausses. Deux exemples entre mille :

Qu’il s’agisse des mots commençant pas « af- », qui, comme l’affirme Bled, ont en général deux « f » sauf « afin » et « africain »... (Et « apha­sique » alors ???) ; ou de la règle du participe passé employé avec avoir, l’essentiel dont les enfants ont besoin est oublié.

Examinons cette célèbre règle, telle qu’on l’a apprise :

Le participe passé des verbes employés avec l’auxiliaire avoir s’accorde en genre et en nombre avec le complément d’objet direct du verbe si celui-ci est placé avant le verbe. Si celui-ci est placé après ou s’il n’y en a pas, le participe passé reste invariable.

Devant cette mélopée à laquelle plus d’un élève ne comprend pas grand-chose, deux erreurs assez grossières sautent aux yeux :

* D’une part, il est impossible que le complément d’objet direct du verbe soit placé avant le verbe.

Il faut, pour cela, qu’il y ait eu transformation pronominale ou interrogative. Il serait donc bon de le signaler aux élèves, et même de leur enseigner que ces variations de l’orthographe du participe passé sont une conséquence de la pronominalisation du COD, en intégrant ces remarques dans la leçon sur la pronominalisation, au lieu d’en faire une leçon d’orthographe coupée de tout autre contexte.

* D’autre part, cette prétendue « règle » oublie des exemples comme : « Des réussites ? oui, j’en ai eu » ; « Des chocolats ? Oui j’en ai mangé » ; « Des opérations ? Oui, j’en ai subi plusieurs », tous exemples où le COD du verbe est placé « avant » sous la forme « en », et où le participe reste invariable...

Il serait peut-être bon de permettre aux élèves de découvrir à quoi tient cette différence de fonctionnement, qui n’a rien d’une exception.

L’orthographe, comme la botanique, ne s’enseigne pas à partir de règles : c’est une science d’observation. C’est en observant comment fonction­nent les lettres dans les mots en français, comment leur présence ou leur absence permet de comprendre ce qu’on lit, que les enfants vont apprendre l’orthographe, en découvrant ainsi à quoi elle sert.

En fait, apprendre l’orthographe, c’est répondre à la question : « Comment la langue française utilise-t-elle les lettres de son alphabet pour permettre de reconnaître et de comprendre les mots en lecture ? », ce qui est aussi l’occasion de découvrir que les autres langues utilisent les mêmes lettres mais presque toujours à tout autre chose.

C’est là l’autre aspect dangereux d’un enseignement des règles toutes faites. Si les règles préexistent à l’usage, cela veut dire qu’elles sont univer­selles, et donc que les langues qui ne suivent pas les mêmes règles que nous ont tort...

Et voilà posées quelques bases supplémentaires au racisme et à la xénophobie...

En fait, les règles de fonctionnement du langage (grammaire ou ortho­graphe) sont arbitraires, comme nous l’a appris F. de Saussure. Et chaque langue a sa propre organisation orthographique...

Différences, relativité... Tiens ! Ces notions renvoient aussi à autre chose : où l’on voit que l’enseignement de l’orthographe va beaucoup plus loin qu’on ne pense ...

En pédagogie, si les contenus ont leur importance, c’est la manière de les faire acquérir aux enfants qui est capitale(1).

Pour l’orthographe, comme pour le reste, c’est l’enseignement qu’il faut amélio­rer, en essayant de ne pas attendre encore 125 ans pour y mettre un peu de « bon sens », selon une formule tellement à la mode aujourd’hui.

Eveline Charmeux
Février 2007

 
*   *   *
*
 

(1) Pour compléter tout ceci, on peut se reporter à l’ouvrage collectif de E. Charmeux, M. Grandaty et F. Roland, Une grammaire d’aujourd’hui, en 3 volumes, publié aux Éditions SEDRAP à Toulouse.

 
*   *   *
*

Informations sur cette page Retour en haut de la page
Valid XHTML 1.1 Valid CSS
Dernière révision : samedi 18 janvier 2014 – 17:15:00
Daniel Calin © 2014 – Tous droits réservés