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Pour un entretien avec Eugène Michel

 

 
Un texte d’Eugène Michel
Un dialogue imaginaire avec lui-même à propos de Théorie de l’extensio, Edilivre, 2012.


 

– Pourquoi considérez-vous que la publication de votre théorie est un événement ?

– À ma connaissance, pour la première fois, un déroulement logique de l’évolution humaine est proposé. Les précurseurs ont été Buffon, Comte, Condorcet et Norbert Elias.

– Et donc ?

– C’est très rassurant ! On y voit plus clair. Les orientations individuelles ou collectives deviennent lisibles. De plus, toute compréhension d’un fonctionnement permet d’envisager des thérapies. La théorie de l’extensio est utile pour l’éducation, le management, le thérapeutique, la politique.

– Cela fait beaucoup !

– En fait, dans chaque domaine, tout est déjà connu. Simplement, la théorie de l’extensio est une démonstration qui relie chaque domaine.

– Vous prévoyez des résistances ?

– Que ça ! Freud disait qu’il voyait la nouveauté d’une de ses idées aux résistances qu’elle soulevait.

– D’où viendront ces résistances ?

– Des universitaires d’abord. C’est une résistance passive. Ils ne s’estiment pas concernés par les raisonnements indépendants.

– Les médias permettent un décloisonnement.

– Oui, mais dans le grand public, l’obstacle est celui des étapes que décrit la théorie. La réalité est que chaque habitant est plongé dans une étape principale : la famille, la collectivité ou l’individu. Cette étape est sa passion. Il n’aime pas qu’elle soit relativisée par rapport à d’autres étapes.

– Pourtant, vous n’attaquez personne.

– La théorie de l’extensio est une description contemplative du monde. Là aussi, c’est un obstacle. L’agressivité est plus appréhendable.

– Vous accuse-t-on de matérialisme ?

– Non. Je ne prends pas part à ce débat. En revanche, je crée le concept de dualisme flou. Dans le dualisme flou où nous nous trouvons, cette idée elle-même est incompréhensible puisque justement tout est flou. Chacun serait fâché de penser qu’il ne choisit pas ce qu’il pense : le dualisme flou est la conséquence d’une éducation traditionnelle dualiste. Il est intrinsèque au vocabulaire. C’est vexant !

– Pour vous, chacun peut penser ce qu’il veut.

– Oui, tant qu’il respecte autrui. Chacun pense en fonction de l’étape où il se trouve. On remarque le plus souvent une cohérence des systèmes de pensée.

– On a l’impression qu’il n’y a pas de réfutation possible à votre théorie.

– C’est comme un théorème, c’est difficile à réfuter. Mais il suffit de nier les prémisses. La théorie de l’extensio part de l’idée que la vie est la création d’un intérieur par rapport à un extérieur. Eh bien, j’ai trouvé un auteur qui refuse ce postulat de base. Dans ce cas, on reste au stade de la fusion, il n’y a aucune étape possible. La théorie est alors nulle et non avenue.

– Mais après la quatrième étape, individuelle, quelle étape pensez-vous va venir ?

– Une étape fondée sur la créativité et la solidarité. Cependant la théorie dit qu’il faut un outil nouveau. A l’heure actuelle, je ne suis pas capable de le définir. Je suis trop moi-même dans les quatre premiers outils : les sens, le geste, la parole et l’écrit. Ce sont les nouvelles générations qui vont le faire émerger. Pour ma part, je trouve que rien ne presse : l’étape individuelle se met en place lentement, et il y a déjà d’importants écarts entre générations et entre pays.

– Vous croyez que cela peut faire un clash ?

– Le risque est élevé, mais en même temps, la concertation augmente, grâce justement à l’amélioration des quatre outils. Ce qui est certain, c’est que la théorie de l’extensio montre que les guerres entre pays ne sont pas une solution.

– Vous dites que votre théorie a de grandes conséquences sur plusieurs domaines. Mais concrètement, comment pensez-vous qu’elle puisse être prise en compte ?

– Je ne crois pas qu’elle puisse l’être directement. Il faut d’abord que des personnalités s’y intéressent petit à petit et voient le bénéfice qu’elles en tirent pour elles-mêmes et pour leur recherche. En fait, c’est dans le management qu’il peut y avoir des retombées immédiates : le management de soi et le management de l’entreprise. Un coach m’a interviewé récemment, ce n’est pas un hasard. Dans les autres domaines, les chercheurs peuvent trouver un encouragement à approfondir certaines pistes plutôt que d’autres. La théorie de l’extensio est un peu un mode d’emploi pour la recherche !

– Avec l’inventus ?

– Oui. Le principe fondamental dit que l’extensio résulte de l’incessante émergence de l’inventus dans l’habitus.

– Mais alors, comment imaginez-vous que votre théorie va se diffuser ?

– Lentement !

 
Eugène Michel
Septembre 2012

 
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Dernière révision : mercredi 19 février 2014 – 17:45:00
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