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Théorie de l’extensio et Union européenne

 

 
Un texte d’Eugène Michel


 

Selon la théorie de l’extensio, la vie a pour principe fondamental l’élargissement incessant du champ relationnel, ce qui est rendu possible, chez les animaux, par l’acquisition successive des quatre outils neuronaux : les sens, les gestes, la parole et l’écrit.

On comprend dès lors que les pays soient classiquement expansionnistes, comme nous l’avons montré dans notre article Théorie de l’extensio et croissance économique.

Cependant, au moins trois obstacles surviennent : les distances, les frontières naturelles et la diversité des langues. Leur cumul a provoqué jusqu’à maintenant l’effondrement des empires, que ceux-ci aient émergé à partir des langues grecque, latine, arabe, mongole, chinoise, anglaise, française, espagnole, portugaise, russe ou allemande.

La stabilité des pays de taille modérée est en général proportionnelle à leur protection par des frontières naturelles et à l’utilisation d’une langue principale.

Plusieurs pays de taille très importante se sont toutefois constitués. Chine, Inde, Etats-Unis, Indonésie et Brésil dépassent les 200 millions d’habitants. Et si l’on met en rapport population et surface, les grandes puissances sont : Chine, Inde, Etats-Unis, Russie et Brésil qui regroupent environ la moitié de la population mondiale, passée de 1,7 milliard en 1914 à plus de 7 milliards en 2015. Sur la même période, le nombre de pays indépendants a été de 53 Etats en 1914, 72 en 1945 et il approche les 200 aujourd’hui.

 

Situation de l’Union européenne

On imagine la difficulté pour mettre d’accord entre eux les vingt-huit pays de l’Union européenne, dont dix-huit ont opté pour l’euro, la monnaie commune.

Sur ces vingt-huit pays, vingt-deux appartiennent à l’espace Schengen qui permet la libre circulation des citoyens, ensemble auquel s’ajoutent quatre pays : la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. L’espace Schengen crée une zone pacifiée qui présente une frontière de près de 50 000 km, dont 1/5e terrestre et 4/5e maritime. On comprend que les peuples voisins, persécutés par les guerres, veuillent la franchir.

En 2013, cinq pays étaient candidats à l’entrée dans l’Union européenne : la Macédoine, l’Islande, le Monténégro, la Serbie et la Turquie. L’homogénéité géographique ne réclamerait ensuite plus que six pays : la Norvège, la Suisse, le Liechtenstein, la Bosnie, le Kosovo et l’Albanie.

Les pays limitrophes de l’Union européenne actuelle sont la Norvège, la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie et la Turquie. Hormis la Norvège, on comprend les enjeux d’influences stratégiques. La Biélorussie étant russophone, on peut penser qu’il reste deux grands pays à tensions potentielles : tension Europe – Russie pour l’Ukraine et tension Europe – Russie – Moyen-Orient pour la Turquie. On notera que si la Turquie intègre l’Union européenne, ce sont, dans cette région, la Syrie, l’Iran, l’Irak, l’Arménie et la Géorgie qui deviendront frontaliers de l’Union européenne.

Dans le domaine économique, un point sur l’évolution du classement des 30 premières firmes multinationales (FMN) entre 2009 et 2015(1) permet de comprendre la nouvelle problématique mondiale qui impacte violemment l’Europe.

En 2009, parmi les 30 premières FMN, on compte 14 FMN Europe, 11 FMN USA, 3 Chine et 2 Japon(2). La surprise, c’est qu’à cette époque, la France est, avec 5 FMN, 2e après les USA.

Cinq ans plus tard, en 2014, il y a 8 FMN, au lieu de 3, hors triade Etats-Unis – Europe – Japon, dans les 30 premières. Les nouvelles venues sont Samsung (Corée du Sud), Gazprom (Russie), Petrobras (Brésil), Industrial et Commercial Bank of China, et Han Hai Precision Industry (Taïwan).

Cette année, en 2015, dans les 30 premières FMN, on compte une FMN de plus hors triade, dont cinq chinoises. Il n’y a plus que 2 FMN françaises. Le ratio qui était du dixième pour les entreprises hors triade Etats-Unis – Europe – Japon en 2009 est passé à presque un tiers en 2015.

Plus précisément, dans les 50 premières FMN en 2015, on a 17 USA, 15 Europe (dont 4 France), 8 Chine, 3 Japon, 2 Russie, 1 Taïwan, 1 Corée du Sud, 1 Brésil, 1 Venezuela, 1 Mexique. On voit que le « Reste du monde », hors USA et Europe, dépasse maintenant l’Europe et même les USA, et ce n’est sans doute qu’un commencement !

Ainsi, la domination post-guerre 39-45 de la triade Etats-Unis – Europe – Japon s’est transformée peu à peu en un affrontement économique mondial, sous la menace d’une pénurie de pétrole.

 

Avenir de l’Union européenne

Au regard de la théorie de l’extensio, l’Union européenne peut être considérée comme une tentative d’extensio malgré l’obstacle de la diversité des langues et la volonté de respecter les identités nationales. Cette tentative audacieuse, innovante, résulte principalement du drame des deux guerres mondiales.

L’Union européenne est rendue possible par les distances peu importantes, par le progrès de la traduction des langues et par la diffusion de la langue anglaise. Grâce à cela, l’espace européen constitue la première économie mondiale.

Si la difficulté de la construction de l’Europe résulte de la nécessité de sortir des habitudes nationales tout en préservant les identités, qui pourrait douter de la nécessité de poursuivre ce projet complexe ?

C’est la compétition mondiale qui oblige l’Europe à se développer. Elle le fera sans doute en améliorant ses règnes de fonctionnement, en atteignant la plénitude géographique, en généralisant l’euro, en créant une solidarité entre Etats-membres, en signant des traités de coopération atlantique (avec les USA et le Canada), continental (avec la Russie), méditerranéen, etc.

 

L’union européenne jusqu’où ?

Les deux bordures de l’UE actuelles sont la Turquie et la Russie. La Fédération de Russie est le plus vaste pays du monde. Elle couvre une surface de 17 millions de km2 et sa longueur Ouest-Est est de 9 000 kilomètres. Les Monts Oural séparent le versant plus européen du versant plus asiatique.

La Turquie, quant à elle, marque une frontière culturelle hésitante entre Occident et Moyen-Orient. Sa situation stratégique entre Nord-Sud et Est-Ouest explique les enjeux. Mais on peut penser que ses massifs montagneux évitent une trop forte instabilité.

Pour imaginer l’évolution possible du monde, on peut se porter à plusieurs siècles dans l’avenir. En termes d’extensio, le facteur principal est la langue. Or, les langues principales actuelles sont, par ordre alphabétique, l’anglais, l’arabe, le bengali, le chinois, l’espagnol, le français, l’hindi, le malais, le portugais et le russe. Dans plusieurs siècles, si l’extensio se confirme, il est difficile de prévoir l’évolution des langues, mais il est probable que les grandes populations garderont leur langue, et que l’utilisation de la langue anglaise continuera sa généralisation.

En supposant que, dans deux ou trois siècles, l’enjeu du pétrole sera devenu du passé, la possibilité de rapprochements de la Russie et de la Turquie vers une Union européenne de plus en plus élargie semble alors dépendre de l’évolution de la langue anglaise dans ces pays. Même chose pour le Moyen-Orient.

Alors – disons dans cinq cents ans – les sept grands espaces économiques ayant une obligation de concertation mondiale pourraient être la Chine, l’Inde, l’Asie du Sud-Est, l’Europe-Russie, l’Afrique, l’Amérique du Nord, l’Amérique Centrale et du Sud.

Pour un avenir proche, plus les risques de pénurie des matières premières se multiplieront, plus l’Union européenne sera nécessaire, ainsi que son rapprochement avec la Russie et le Moyen-Orient.

Cependant, le danger serait de vouloir aller trop vite dans l’augmentation du nombre d’Etats-membres de l’Union européenne. Tout extensio doit être progressif et veiller à ne pas susciter de brusques conflits entre puissances.

Reconnaître le caractère inévitable de l’extensio chez les individus, les entreprises et les nations permet de comprendre que si la compétition est inévitable et qu’elle nécessite des coordinations sans cesse améliorées, les affrontements doivent être absolument évités par la prévention, la concertation, la négociation, le partage.

Eugène Michel
Décembre 2015

 
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(1) D’après les informations données par le site http://fortune.com/global500/.

(2) Revue « Problèmes économiques », La Documentation française, n° 3014, mars 2011.

 
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