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Théorie de l’extensio et bonne santé neuronale

 

 
Un texte d’Eugène Michel
 


 

La théorie de l’extensio propose une description du développement individuel en réalisant une synthèse des connaissances. En tant que démarche scientifique, elle aide à comprendre le monde, y compris nous-mêmes. Elle offre à chacun une méthode pour diriger sa vie, en particulier dans les moments délicats que sont l’adolescence, la parentalité, la retraite, le grand âge, et lors de toute rupture, qu’elle soit corporelle, affective, professionnelle ou géographique.

Également, puisque des fonctionnements sont identifiés, les perturbations du passé peuvent être analysées. L’extensio peut inspirer des démarches thérapeutiques, ou bien sûr préventives.

La pratique épanouie des quatre outils neuronaux que sont les sens, les gestes, la parole et l’écrit, en s’impliquant dans des problématiques motivantes, génère une bonne santé neuronale qui permet d’éviter les stress excessifs, les addictions et les dépressions.

Nous étudions ici le cas du grand âge.

Entre 60 et 80 ans, les risques de diminution du champ relationnel sont importants. Cela commence par le domaine collectif avec la retraite, puis le domaine familial se réduit peu à peu. La personne risque de se replier sur son individualité au moment où ses aptitudes corporelles, en particulier sensorielles, faiblissent. Un engrenage peut survenir :

Autrement dit, chacun des éléments liés au fonctionnement neuronal s’amenuise. Or l’histoire des neurones est de stabiliser sélectivement les synapses lors de l’épigenèse, c’est-à-dire pendant la stimulation juvénile. Il est ensuite impératif que cette stimulation se prolonge tout au long de la vie, en s’affinant et se complexifiant par augmentation de l’expérience, de la connaissance, de la mémoire, des appétences et des refus.

La maladie d’Alzheimer est une pathologie dont le caractère épidémique actuel n’est pas pour étonner. En effet, l’étape individuelle, qui est une augmentation inévitable du champ relationnel liée à l’écrit, présente l’inconvénient majeur, parmi d’autres, de risquer de dédouaner la famille et la collectivité vis-à-vis de l’affaiblissement des personnes âgées. Cet inexorable délaissement a des conséquences désastreuses qui remettent familles et collectivités en face de leurs responsabilités.

Un manque d’utilisation des synapses entraîne un grippage de la machinerie moléculaire provoquant la dégénérescence neuronale. L’édifice va s’effondrer au ralenti comme un château de sable miné à sa base qui est constituée par le sensoriel-gestuel et par l’enjeu mémoriel des problématiques à résoudre grâce à la parole et l’écrit. La mémoire immédiate se dégrade lorsqu’il n’y a plus d’enjeux, et réciproquement, le déclin de la mémoire immédiate empêche l’établissement d’enjeux.

Cet engrenage n’est pas une fatalité. On peut devenir centenaire en pleine forme mentale. La théorie de l’extensio laisse penser que chaque personne gagne à veiller à sa bonne santé neuronale, ainsi qu’à celle de ses proches, non seulement à tout âge, mais en particulier lors du vieillissement sensoriel.

Il s’agit alors de mettre en œuvre les quatre outils neuronaux que sont les sens, les gestes, la parole et l’écrit dans une alternance entre habitudes et créativité. Rappelons que ces quatre outils se développent en gigogne : les sens priment, puis les gestes se précisent : un jeune enfant apprend à tenir un objet, puis, vers sa première année, à marcher. Ensuite vient la parole vers les deux ans. Le geste d’ostension, c’est-à-dire de montrer du doigt, est un signe de mise en place du langage construit. Enfin, l’écriture s’acquiert lentement tout au long de la maternelle grâce au graphisme et à la reconnaissance visuelle des mots connus oralement. L’écriture cursive et la lecture apparaissent vers l’âge de six ans.

Les adultes qui n’écrivent pas ne se rendent pas compte à quel point ils fragilisent déjà la structure neuronale construite tout au long de leurs études en primaire et secondaire et, de plus en plus, supérieures. La pratique de l’écriture est inévitable dans le cursus scolaire, elle correspond donc nécessairement à une édification synaptique. Se priver d’écrire après un certain âge, c’est déjà se placer dans un affaiblissement neuronal. Ce que nous écrivons là apparaît comme une découverte fondamentale résultant de la théorie de l’extensio : du fait de l’édification épigénétique du système neuronal, la bonne santé neuronale oblige à la pratique pour toute la vie de ce qui a permis l’édification neuronale ! C’est évident pour les sens, les gestes et la parole-écoute, cela devient également vrai pour l’écriture-lecture.

L’affaiblissement neuronal provoqué par l’éventuel manque d’écriture reste peu visible car il s’agit du sommet de la pyramide. Mais au lieu d’élever peu ou prou ce sommet tout au long de la vie, on le laisse s’effriter. Pire encore si la lecture n’est pas pratiquée. On peut même s’inquiéter de l’effet sur l’oralité, en particulier dans le registre de la discussion, puisque celle-ci s’acquiert en relation avec l’écriture-lecture.

Or, au grand âge, c’est aussi la base de la pyramide qui est attaquée par le déficit sensoriel : baisse de la vue et de l’ouïe, diminution du goût et de l’odorat. La peau moins souple freine la sensibilité tactile et thermique. Puis le geste s’appauvrit, aussi bien par la diminution des activités professionnelles que par les problèmes articulaires, lombaires ou autres.

Demeure la parole. Mais pour parler de quoi, et avec qui ? Du passé, avec un proche qui se dévoue !

Pour bien comprendre ce qui se passe, nous devons aborder l’autre aspect fondamental de la théorie de l’extensio : la motivation du développement. La théorie de l’extensio insiste sur le fait que ce n’est pas par fantaisie ludique que s’effectue l’épanouissement neuronal vers les quatre outils, sens, gestes, parole et écrit, mais dans la nécessité existentielle d’élargir le champ relationnel. Et cette nécessité provoque une problématique sans cesse renouvelée, qui se complexifie sans arrêt.

Le système neuronal s’est développé au cours de l’évolution parce qu’il favorise la résolution des problématiques vitales de plus en plus complexes. De sorte que la mise en jeu des quatre outils neuronaux doit nécessairement être portée par l’affirmation de problématiques essentielles pour la personne, et cela dans l’acquisition des trois étapes successives d’extension que sont l’étape familiale, l’étape collective et l’étape individuelle, également en gigogne puisqu’elles découlent des outils neuronaux.

Chez les personnes âgées, on constate sans surprise que le risque de déclin d’utilisation des outils neuronaux est contemporain de l’amenuisement relationnel qui commence par l’étape collective, puis remonte à l’étape familiale. L’endormissement hormonal (la production hormonale est inséparable du sensoriel et les neurones sécrètent eux-mêmes des hormones), l’exclusion de toute compétition, la réduction du temps à venir n’arrangent rien. Dans un tel contexte d’isolement, seules les personnes âgées très fortes dans leur étape individuelle, donc dynamiques, en particulier dans l’écriture-lecture, et se donnant elles-mêmes des objectifs fondamentaux, peuvent espérer continuer de s’épanouir.

À ce stade, il convient de rappeler le principe premier de la théorie de l’extensio : l’extensio résulte de l’incessante émergence de l’inventus dans l’habitus. Le travail persévérant de résolution des problématiques s’effectue dans un chassé-croisé permanent entre la conformité et l’originalité. On peut dire que la nourriture des synapses réside dans l’alternance continuelle entre les habitudes et les innovations… partagées.

On peut ainsi prévoir que la santé neuronale découle :

  1. Du refus énergique de décrocher des implications humaines, et donc du travail continuel de détermination des problématiques majeures pour soi-même dans les deux domaines familiaux et collectifs.
  2. De la volonté expresse de poursuivre les avancées dans l’individualité, et donc de ne jamais abandonner une passion personnelle exercée à l’âge adulte si ce n’est pour en ajouter d’autres.
  3. De la prise de conscience que les quatre outils neuronaux doivent être mis en œuvre délibé­rément dans une continuelle alternance entre imitation et créativité, et cela non pas par simple fantaisie, mais pour concourir à la résolution des problématiques.

Il nous reste à parler de la mémoire. Celle-ci est manifestement réalisée par les neurones, mais on peut dire que tout le corps est un système mémoriel. Le corps stabilise ce qui est significatif pour lui, c’est sa mémoire, inscrite dans les molécules par les formes qu’elles composent, leurs localisations et leurs mouvements. Si la mémoire est le corps, il n’en reste pas moins que les neurones sous-tendent la mémoire décisionnelle analytique. La perte des problématiques entraîne l’inutilité du recours à la mémoire neuronale, et donc l’arrêt de son accumulation. La mémoire immédiate va laisser la place à la mémoire ancienne et les réseaux neuronaux correspondant vont s’estomper par carence de production moléculaire.

Négliger l’un des outils neuronaux marque le début d’une souffrance neuronale et d’une obsolescence cellulaire, visibles par la réduction relationnelle, la rigidification idéologique et l’assè­chement de la mémoire immédiate qui n’a plus d’objet.

Eugène Michel
Octobre 2018

 
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