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Dans le secteur médico-social, il est des évolutions qui parfois font violence aux professionnels tant elles font rupture avec les habitudes professionnelles au niveau culturel ou conceptuel (représentations) et au niveau des pratiques (modalités d’action). Deux de ces ruptures tiennent d’une part aux modalités de gestion des établissements et service (contrôles, évaluations, reporting, suivi d’activités, rareté des ressources...), d’autre part aux manières de se représenter les personnes en situation de handicap et leur place dans la société, l’inclusion (scolaire par exemple) en étant une manifestation.

Si je peux avoir parfois des réserves sur les modalités de gestion, nécessaires mais trop souvent aujourd’hui marquées du sceau d’une approche technocratique et bureaucratique abusive, je n’en ai pas concernant la seconde rupture, gage de l’émancipation des personnes en situation de handicap. Si l’intégration (et pour certains, par abus de langage, l’inclusion) a pu être considérée, et souvent à juste titre, comme une négation des différences et des particularités, l’inclusion, ou plutôt le principe d’une société inclusive, ou d’une école inclusive, ne peut plus être considéré comme tel. L’égalité des droits et des chances voulue dans la société inclusive engage à l’émancipation des personnes en situation de handicap.

Quant à la première rupture, celle concernant la « gestion », elle se trouve dans une contradiction paradoxale avec la visée affichée de tout management moderne, la visée du bien-être des professionnels comme condition du bon fonctionnement de l’entreprise. Et cette contradiction est elle-même parfois en contradiction avec la deuxième visée, celle des modifications des pratiques cliniques relative à l’émancipation des personnes en situation de handicap.

Devant la difficulté de la tâche, nombre d’institutions ou de services sacrifient cette dernière visée pour se consacrer à la gestion de la contradiction gestion administrative / bien-être des professionnels. Les bonnes pratiques de management d’aujourd’hui, plutôt que de tenter de cumuler la résolution des deux contradictions, vont bien souvent privilégier les changements versant gestion, avec la préoccupation d’un changement dans le bien-être (quand ce n’est pas dans le bonheur !), manière d’adoucir la rupture institutionnelle, et minorer (ou même ignorer) les changements nécessaires à l’émancipation (égalité de droits, libertés individuelles, etc. des personnes accompagnées).

Ainsi vont être laissées en l’état des modalités d’intervention qui vont se satisfaire de reproduire l’existant des pratiques professionnelles. Ainsi ne vont pas être interrogées les formes d’accompagnement (encore sous le signe des « prises en charge »). Ainsi la résistance à l’inclusion scolaire est-elle autorisée en raison des atteintes au bien-être des professionnels que procurerait justement cette inclusion.

Cette politique finit par mettre face à face la problématique du bien-être des professionnels et celle de la qualité d’intervention auprès des personnes, bien souvent au bénéfice de la première. Il y là comme un paradoxe éthique.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
13 septembre 2019

 
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