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Posée ainsi, la question apparaît comme inopportune, en particulier depuis la loi du 2 janvier 2002, qui indique explicitement que les usagers, les parents, doivent déterminer eux-mêmes leur projet, et que les services sont là pour les accompagner dans leur projet. Et pourtant, quatorze ans après la loi de 2002, on trouve encore très ancrée cette idée qu’il s’agit de faire adhérer les parents au projet (éducatif, pédagogique, thérapeutique) des professionnels ; et que les « bons » parents sont ceux qui adhèrent aux projets des professionnels, qui se situent alors explicitement comme experts sachant, reléguant les parents à une place de « ne sachant pas ».

Dans une réunion, au sujet de Julie, 9 ans, en présence des parents, entre les professionnels de l’école et les professionnels d’un service médico-social, le chef de service de ce dernier : « En tout cas, les parents ont bien avancé. Il y a encore deux mois, vous n’envisagiez pas une orientation en IME (Institut médico-éducatif pour enfants avec une déficience intellectuelle). Nous avons beaucoup discuté, et alors aujourd’hui vous n’y êtes plus complètement opposés ! »

L’orientation en IME était une hypothèse évoquée, deux ou trois ans auparavant, à l’époque de l’arrivée de Julie en CLIS, orientation refusée par les parents qui avaient préféré donc cette CLIS avec l’appui d’un service. L’école s’est interrogée rapidement sur les bénéfices que Julie pouvait tirer d’un dispositif alternant temps d’inclusion dans les classes de l’école et temps de présence au sein de la CLIS. Le service également, sur l’observation en particulier que Julie ne correspondait pas à la population habituelle, et en préjugeant a priori du fait que Julie n’avait pas sa place dans une école. Julie, depuis 3 ans, a beaucoup évolué, l’école s’apprête à poursuivre son accueil, sans prétendre faire l’idéal, et en sollicitant le service pour de la complémentarité d’accompagnement.

Et non, malgré ses progrès, l’étrange Julie, dans l’esprit des professionnels spécialisés, continuait de relever d’un dispositif spécialisé d’IME, contrairement au sentiment spontané de ses parents, qui observaient aussi ses progrès, qu’ils auraient souhaité bien sûr plus rapides. La question était donc pour les professionnels du service : comment faire pour convaincre les parents de la légitimité, de la Vérité, d’une orientation en IME, puisque de leur point de vue, ces parents résistaient justement à cette évidence de leur propre projet d’orientation ?

Le chef de service du service médico-social voyait une évolution positive dans l’abandon que faisaient les parents de leur propre projet, dans l’adhésion des parents au projet de l’équipe d’experts. Les parents baissaient les bras, se résignaient enfin et rabattaient l’ambition qu’ils avaient eue depuis toujours, celle d’un développement le plus proche de la normale (quoi de plus légitime ?), ambition et espoir qui avaient fait de Julie l’enfant qu’elle était aujourd’hui, avec ses difficultés, mais aussi ses capacités nouvelles.

Quand s’interrogera-t-on sur la manière d’associer les professionnels au projet et à l’action éducative des parents plutôt que de continuer à vouloir faire adhérer à tout prix les parents à l’action éducative et thérapeutique des professionnels et de leurs équipes d’experts ?

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
6 juillet 2016

 
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