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Quand il s’agit de penser la participation des élèves sourds à l’école et les modalités de leur parcours de scolarisation, on se heurte toujours à la problématique du choix entre modalité individuelle et modalité collective.

Pour certains (parents ou professionnels), la participation des sourds ne peut être envisagée qu’individuellement, sur le mode de la scolarisation individuelle de proximité. Dès lors que cet enfant, éventuellement avec l’aide de ses prothèses (prothèses classiques ou implants cochléaires) et à l’appui d’une compensation (la Langue Parlée Complétée Codée intervient sur ce registre), parvient à la maîtrise de la langue orale (réception, expression, interactions) de manière satis­faisante et performante, cette hypothèse peut se concevoir, nonobstant les risques d’échec parfois encourus. Mais elle ne peut se concevoir selon la modalité individuelle lorsque cette maîtrise n’est pas suffisante ou lorsqu’est fait le choix de la langue des signes dans le bilinguisme : les conditions d’appropriation langagière ne sont pas présentes dans ces situations.

Dès lors qu’on envisage une inclusion collective (un groupe de jeunes sourds scolarisés dans un même établissement scolaire, au sein des classes de cet établissement ou sur des temps de regrou­pements des élèves sourds), les critiques ne manquent pas. La première critique est celle du risque de « communautarisme identitaire ». C’est cette raison qui plaidait pour la limitation du nombre de jeunes sourds dans un même établissement, ou même contre tout regroupement : « Attention à ne pas recréer un établissement spécialisé dans l’établissement scolaire. », « Ils seraient toujours entre eux, ça ferait un ghetto. », « ce n’est pas de l’inclusion, c’est créer les conditions de ségrégation. »

Pourtant, des élèves sourds signants ne peuvent pas être « intégrés » individuellement. Ils ont le besoin d’être en groupe (en inclusion collective, quelles qu’en soient les modalités) pour pouvoir développer leurs capacités, dans et à travers leur langue commune, sur les plans cognitif, affectif, social. Faute de pouvoir partager cette langue avec des pairs (et aussi bien sûr avec des adultes), le risque est grand d’une entrave à leur développement, d’un obstacle à leur participation sociale.

S’il y a tant de prévention quant à une inclusion collective, c’est peut-être que le concept d’in­clusion réfère encore en réalité à celui d’intégration. Celle-ci voudrait en effet que le candidat à la participation sociale rejoigne les caractéristiques de la population qu’il veut intégrer, alors que le concept d’inclusion veut que ce soit aussi l’environnement qui s’adapte pour justement accueillir ceux-là dans de bonnes conditions et à part entière. Il n’y a donc pas de contradictions à penser l’inclusion comme collective, en tant que réponse à un besoin individuel et social, une réponse à la contrainte de la construction d’une identité plurielle : comme sourd bien sûr, mais aussi comme élève de l’école, comme garçon ou fille, etc. L’inclusion se fonde ici sur un universalisme fondé sur l’égalité de la citoyenneté (dans sa diversité) et non sur l’effacement des différences.

C’est aussi ce qu’observe H. Hugounenq (Les sourds aux prises avec l’intégration, Ethnologie française, 2009/3, vol 39) dans un dispositif de regroupement de jeunes sourds : « Les élèves sourds n’apparaissent plus comme des élèves à intégrer, mais comme des élèves comme les autres, avec une particularité, leur langue ».

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
29 mai 2017

 
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