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Dans les problématiques de l’école inclusive, revient de manière permanente la question de la formation des enseignants « ordinaires », non spécialisés, de leur formation pour pouvoir accueillir convenablement les élèves en situation de handicap. Tous les projets, les plans d’action, les systèmes de collaboration entre le secteur médical ou médico-social avec l’Éducation nationale mettent en avant cette nécessité de formation. Mais la question est peut-être une fausse question. Ou plutôt, ce qui est envisagé comme formation, ce sont bien souvent des formations sur les déficiences et leurs conséquences, et non sur la manière dont peuvent agir des enseignants avec des élèves hétérogènes et divers.

On a l’habitude, on peut l’observer partout et depuis longtemps, de former les enseignants, et d’une manière générale tous ceux qui gravitent autour de l’action engagée, de manière immuable et selon le même schéma : les causes de la déficience, les caractéristiques de la déficience, les incapacités qui en découlent, les différents inconvénients et désavantages sociaux qui en sont les conséquences, et, comme le disent les livres de médecine, les traitements nécessaires. Ce modèle de formation est quasi immuable, de la formation initiale des enseignants (information sur les différentes déficiences) aux formations dispensées aux enseignants qui accueillent des élèves en situation de handicap dans leur classe.

Mais en procédant ainsi, on prend le risque d’être contre-productif. Car que produit-on faisant cela ? On renforce l’idée que le handicap se réduit à la déficience et à ses conséquences, selon l’ancienne approche conceptuelle du handicap (causes -> déficience -> incapacité -> désavantage), sans réfléchir aux situations de handicap produites par une interaction entre les facteurs personnels et les obstacles que met l’environnement à la participation des élèves à l’école. On renforce l’idée que le handicap est l’affaire de la personne qui a une déficience. On renforce l’idée qu’une anomalie physiologique ou biologique est une « a-normalie », qu’il y a un écart entre nous et eux, que la déficience définit la personne qui la porte et que la situation de celle-ci dépend exclusivement de sa déficience.

Une telle formation confirme ou institue une frontière dont les bornes sont une déficience, une maladie ou un trouble, et on s’imagine que la connaissance de ces bornes va favoriser l’accueil. On doit sortir de l’illusion qu’en formant les enseignants et les autres acteurs à des compétences spécialisées on pourra résoudre le problème de l’accueil. Former à la déficience et à ses consé­quences comporte un risque de renforcer la ségrégation. Ce n’est pas en connaissant les caractéristiques de toutes les déficiences que les enseignants seront formés à répondre aux problématiques d’apprentissage de leurs élèves.

Les enseignants ont besoin de formation, certes. Mais pour bien accueillir des élèves en situation de handicap, c’est davantage à une formation à la différenciation pédagogique, à l’accueil de publics hétérogènes et divers, à l’expertise des diverses difficultés scolaire (qu’il s’agisse d’élèves handicapés ou non) qu’il faudrait penser, sans vouloir attribuer les difficultés à la nature de la déficience et, faute de connaitre celle-ci, se trouver impuissant à résoudre les difficultés.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
01 décembre 2017

 
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