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L’une des conditions du développement de la scolarisation des jeunes handicapés dans une perspective inclusive est que leurs interlocuteurs scolaires (enseignants et administration des établissements scolaires) puissent connaître leurs besoins et leurs ressentis. La formation des acteurs sur la question du handicap et de l’accès aux droits des personnes handicapées constitue un volet crucial de cette connaissance.

Un autre aspect, qui importe tout autant, est l’expression directe des personnes concernées, qui fait d’ailleurs l’objet d’une des « Préconisations du CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire) en faveur d’une école inclusive pour les élèves en situation de handicap » en février 2016 : « Donner régulièrement la parole aux élèves et bénéficier de leur expertise, individuelle et collective, quant à leurs attentes, leurs besoins, la conception et la mise en place d’un environnement scolaire accessible et des actions nécessaires, pour une évaluation à terme de leur efficacité en termes d’apprentissages, de réussite scolaire, et de qualité de vie. »

Cette prise de parole, qui demande peu de moyens, est loin d’être utilisée à la hauteur souhaitable. Certes les élèves handicapés peuvent s’exprimer sur la situation d’inclusion lors de certaines instances, les conseils d’enfants ou les conseils de classe par exemple. Mais leur parole reste marginale, périphérique au projet de l’établissement scolaire, et ne surgit bien souvent que lorsqu’il y a un problème, rarement par anticipation. Des modalités de délibération et de rencontres seraient pourtant tout à fait envisageables et pertinentes pour rendre plus inclusif l’établissement scolaire.

Ce sont parfois les modalités mêmes des dispositifs de scolarisation inclusive qui empêchent la prise en compte de l’expression de cette parole en tant que contribution à la philosophie inclusive.

Dans les modalités d’externalisation des unités d’enseignement dans un établissement scolaire, les personnels médico-sociaux sont en général assez nombreux. Ils effectuent, souvent pour de bonnes raisons, parfois inconsciemment pour de « mauvaises » raisons, la médiation entre le milieu ordinaire et le dispositif spécialisé. Dans ce contexte, les jeunes prennent bien la parole, on la leur donne volontiers (surtout quand il s’agit des dysfonctionnements de l’inclusion). Mais cette parole est adressée à leurs encadrants spécialisés, charge à ceux-ci de les transmettre à qui de droit dans l’établissement scolaire. Les effets concrets sont quasiment les mêmes (quoique souvent une demande transmise institutionnellement n’a pas les mêmes effets qu’une demande exprimée directement par un usager/client/élève).

Mais la symbolique philosophique et éthique n’est pas la même : utilisant des médiateurs, les élèves sont placés en quelque sorte à la frontière de l’établissement scolaire, comme une « institution partenaire ». Faire partie de l’établissement scolaire exigerait qu’ils s’adressent directement, individuellement ou, mieux, collectivement, aux responsables de l’établissement scolaire, qu’ils ne fassent pas comme s’ils avaient d’autres responsables que ceux de l’établissement scolaire. La philosophie inclusive pâtit de cette médiation obligée de spécialistes et d’institution spécialisée, et autorise à ne pas mettre concrètement l’inclusion comme partie prenante du projet d’établissement.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
29 mai 2018

 
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