Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
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Au-delà du consensus inclusif, s’appuyant sur la célébration permanente de l’école ou de la société inclusive, et reconnaissons-le, sur un certain nombre de dispositifs réglementaires et organisationnels la favorisant, il y a de nombreuses résistances à cette orientation. Parmi celles-ci, on en trouve de très fortes dans les organismes chargés de l’accompagnement des personnes handicapées et chez les professionnels qui y travaillent.

Dans un établissement médico-social, tout converge pour que les personnes handicapées soient considérées comme des personnes « spéciales », ne relevant pas tout à fait du monde normal, leur monde normal à elles étant celui de l’institution spécialisée. Il y a en quelque sorte une psycho-bio-médico-socialisation des populations, qui peut aller jusqu’à justifier de les extraire du rôle social qu’on pourrait attendre des personnes de leur âge.

Ainsi dans un institut spécialisé recevant des jeunes sourds en dispositifs externalisés dans un établissement scolaire peut-on observer des pratiques issues des temps, révolus, où les jeunes étaient en classe spécialisée à l’intérieur de l’institut. Une semaine de classes verte ou de mer est proposée spécifiquement aux élèves sourds, plusieurs jours d’activités culturelles spécifiques sont organisés pour les seuls élèves sourds, les empêchant ainsi d’aller aux cours avec les autres élèves. Quand les collégiens sont en congés pour raison d’organisation d’examens, les élèves handicapés sont quand même présents (c’est le prix de journée !). Là où les élèves de l’établissement scolaire font l’acquisition de compétences sociales (dites transversales dans les livrets de compétences), les élèves handicapés bénéficient d’un atelier spécifique, mentionné « thérapeutique » et donc considéré comme un soin et non comme l’exercice d’un rôle social.

Le parcours d’un enfant handicapé dans une institution ou un service médico-social relève davantage d’un parcours de soin que d’un parcours de vie ou d’un parcours de scolarisation. Tout simplement parce que la notion de handicap reste encore très engluée dans la notion de déficience, voire réduite à elle, et induit des représentations et des pratiques « défectologiques ».

L’orientation vers un établissement spécialisé est encore davantage référée à la déficience (importance du guide-barême) qu’au projet de vie. Le rattachement des établissements médico-sociaux aux ARS (Agences Régionales de Santé) rattache leur organisation au modèle du fonctionnement hospitalier et calque leurs préoccupations sur les problématiques de santé, de parcours de santé, de coopération sanitaire, au même titre que dans les EHPAD avec le rôle du médecin coordonnateur du parcours de santé (on voit bien que, dans cette situation, la probléma­tique se justifie davantage). Les médecins par exemple ont encore dans ces établissements une place qui ne se justifie plus à certains égards, mais qui imprègne encore les réponses concrètes apportées par les professionnels. L’appartenance au secteur médico-social engage des réponses relevant du soin et du thérapeutique, légitimant en retour cette appartenance : « il y a du soin parce qu’on est du médico-social ».

La projection de cette arrière-fond idéologique dans le fonctionnement des établissements médico-sociaux instaure des réflexes professionnels et organisationnels défavorables à l’inclusion, synonyme d’une certaine normalisation qui démédicaliserait le parcours des jeunes et leur procurerait, ainsi qu’à leur famille, un sentiment de meilleure participation sociale.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
13 novembre 2018

 
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