Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
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Deux enjeux majeurs pour les enfants et l’école

 

 
Hubert Montagner, docteur ès Sciences
Professeur des Universités en retraite
Ancien Directeur de Recherche à l’INSERM
Ancien Directeur de l’Unité « Enfance inadaptée » de l’INSERM


Publication originale  Texte initialement publié sur Médiapart
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Je crains que les enseignants, éducateurs, pédagogues, militants des mouvements pédagogiques... les plus avertis, généreux, compétents et humanistes n’aient pas vraiment conscience que, dans une société de plus en plus complexe, exigeante, stressante, “déboussolante”, mouvante, méchante, violente et génératrice de peurs, il faut enfin sortir des a priori, clichés, routines, à peu près, dogmes, idéologies, chapelles, “certitudes bibliques”... portés par le XXe siècle. Surtout si on espère profon­dément que, sans exception, tous les enfants trouvent leur place à l’école, en particu­lier les plus fragiles, vulnérables, démunis, en échec et/ou en souffrance, sans oublier les enfants handicapés dont l’accueil est le plus souvent aléatoire et mal adapté à la “nature” des différents handicaps. Pouvons-nous accepter que, selon un rapport récent de l’OCDE, le système éducatif de la France soit l’un des plus inégalitaires (seule la Nouvelle-Zélande est jugée plus mauvaise “élève”) ? Pouvons-nous accepter que, selon les évaluations “PISA” sur le niveau des élèves, la France est le plus souvent classée dans la moyenne des pays européens, ou en dessous, parfois “en queue de peloton”, même si les critères et modes d’évaluation peuvent être discutés ? Pourtant, la grande majorité des enseignants français sont généreux et compétents dans l’exercice de leur métier, tout en étant désireux de donner le meilleur d’eux-mêmes avec beaucoup d’abnégation, malgré un contexte rendu difficile par la réduction drastique des moyens et par un autoritarisme hiérarchique croissant sans précédent. Beaucoup ne comprennent plus le sens de leur travail et de leur mission après les opérations “d’enfumage”, de mensonge, de destruction et/ou de mystification menées sans vergogne depuis quatre ans par le Ministère de l’Éducation Nationale. Ils ont le sentiment d’être méprisés et infantilisés par leur hiérarchie. In fine et au total, les victimes impuissantes de ce désastre sont toujours les mêmes : les enfants, surtout ceux qui cumulent les difficultés.

 

Il est donc urgent que, au-delà des protestations, du refus de la politique inégalitaire et injuste menée par le pouvoir politique, et des revendications justifiées, les forces vives de la nation se mobilisent, sans se tromper de cibles et d’objectifs. Devant le constat accablant que l’école de la France ne peut plus ou ne sait plus remplir ses missions, la priorité des priorités doit être de concevoir une école de l’espérance “complètement nouvelle” qui soit celle de l’épanouissement affectif, intellectuel, social, intellectuel, créatif (créateur), humaniste... pour tous les élèves, quelles que soient leurs particularités, celles de leur(s) famille(s) et celles de leur milieu social, culturel et “ethnique”. Plutôt que d’opposer épanouissement à apprentissage scolaire, il faut souligner leur nécessaire imbrication. En effet, selon le Larousse, s’épanouir, c’est “se développer dans toutes ses potentialités”. Pour que cela soit possible, il n’y a pas d’autre alter­native que d’organiser délibérément, et en premier lieu, la réflexion, le débat, les propositions... au bénéfice de l’enfant, en interaction avec l’enfant et autour de l’enfant, et non pas d’abord l’écolier ou l’élève.

 

L’aménagement des temps scolaires

Se focaliser uniquement sur l’enfant en classe et à l’école n’a pas de sens, car le donneur de temps universel est l’alternance du jour et de la nuit qui synchronise la succession au cours des 24 heures des activités corporelles, sociales et intellectuelles pendant la “phase éclairée”, et du repos réparateur qui permet pendant le sommeil la reconstitution physiologique et psychique des ressources nécessaires au “bon fonctionnement” cérébral et corporel des personnes. Un projet d’école ne peut donc ignorer comment les différents temps des enfants-élèves s’imbriquent au sein des 24 heures, et toutes les 24 heures, comment ils peuvent “se contrarier” ou, au contraire, se “potentialiser” mutuellement, voire se sublimer : temps familiaux, temps entre la maison et l’école, temps d’arrivée et d’accueil à l’école, temps scolaires du matin, temps de la pause méridienne, temps scolaires “post-méridiens”, temps familiaux, sociaux, culturels, sportifs, écologiques... après l’école, temps d’arrivée et d’accueil à la maison, temps du dîner, temps de la tendresse et de la préparation au sommeil, temps du sommeil. Evidemment influencé par les temps qui le précèdent, chaque temps influence lui-même les suivants. De façon incontour­nable, c’est la succession des temps qui, tous les jours et d’un jour à l’autre, façonne et structure à tous les âges le “fonctionnement” corporel et cérébral des enfants, en particulier quand ils deviennent écoliers (élèves). On ne peut donc concevoir les temps en classe et à l’école, y compris dans les démarches, méthodes et stratégies de transmission du savoir et des connaissances (globalement, la pédagogie), si on ne prend pas en compte les fatigues, épuisements (encore plus évidents avec la semaine de quatre jours combinée en France aux plus longues journées du monde), stress, maltraitances, états d’anxiété (anxiété de performance), angoisses, blocages affectifs, angoisses, peurs, inhibitions... “importés” du milieu familial. Ils influencent forcé­ment la “personne-enfant” dans toutes ses dimensions et dans ses différents lieux de vie. Ils “impactent” en particulier les fonctions, mécanismes, processus, phéno­mènes... biologiques, psychophysiologiques et psychiques qui sous-tendent les acqui­sitions et apprentissages des enfants en situation scolaire. C’est-à-dire la sécurité affective (cœur et moteur du développement individuel), la confiance en soi et dans autrui, l’estime de soi, l’attention et l’écoute, la réceptivité et la disponibilité, les interactions sociales, les conduites de tout ordre, les processus de socialisation, la libération des processus cognitifs, l’imaginaire, la mobilisation des ressources intellectuelles dans le traitement des informations et l’élaboration de la pensée. Inversement, les enfants-élèves “transportent” à la maison les fatigues, épuisements, stress, maltraitances (eh oui, il y en a)... vécus pendant les temps passés en classe et dans l’école, et générés en particulier par des “rythmes scolaires” insensés. Malheu­reusement, nous ne sommes pas capables de penser l’organisation et le fonction­nement de l’école en intégrant ces évidences. C’est la cécité, la surdité, la paralysie, l’immobilisme, l’égoïsme et les intérêts particuliers qui prévalent, à moins que cela ne soit l’impuissance.

 

Le rapport superficiel et bâclé de la “Conférence nationale sur les rythmes scolaires”, une imposture évidente, illustre parfaitement cette réalité affligeante... En effet, il ignore notamment que le fond de la question de l’aménagement des temps de l’enfant et de la nécessaire rénovation ou refondation du système scolaire, est la prise en compte de l’ensemble des temps qui se succèdent au cours des 24 heures. Autrement dit, ce rapport ne sert à rien, ou alors il autorise toutes les interpré­tations et manipulations. Il est stupéfiant que les personnes, associations et organisations soucieuses des besoins, équilibres, intérêts et réussites des enfants, de tous les enfants... et de la nation, n’aient pas “bronché” devant une telle mystification, diluée et habilement mise en scène par le Ministre de l’Education Nationale, Monsieur Luc Chatel, aidé par un apparatchik aux ordres, le co-Président de la Conférence Monsieur Christian Forestier dont l’art consommé d’enterrer les questions qui dérangent lui vaut d’être régulièrement nommé Président consensuel de telle ou telle commission, conférence... “Ministre des apparences”, Monsieur Luc Chatel se dévoile (un peu) dans une interview au Journal du Dimanche du 4 mars 2012 en disant “Sur les rythmes scolaires, nous aurions pu avancer plus vite”. Mais, pourquoi n’a-t-il pas avancé plus vite alors que le rapport reprend mot pour mot, phrase pour phrase, données pour données, explications pour explications... ce que les scientifiques ne cessent d’expliquer depuis plus de vingt ans dans des livres, mais aussi dans des articles  publiés par des périodiques à comité de lecture, et donc validés par des pairs internationaux ? Il n’y a en effet aucun fait nouveau, aucune donnée nouvelle, aucun désaccord de fond... entre le rapport n° 3028 publié par la “Commission des Affaires Culturelles” de l’Assemblée Nationale après l’audition au printemps 2010 des scienti­fiques concernés, et le rapport de la “Conférence nationale sur les rythmes scolaires” remis au Ministre en juin-juillet 2011, co-rédigé, je suppose, par Monsieur Christian Forestier. Étant donnée la convergence réitérée des recherches, études, analyses et avis des scientifiques, le Ministre disposait dès le début de 2010 d’un délai supérieur à deux années par rapport aux élections présidentielles de 2012 pour mettre en place un vrai débat avec les différents acteurs concernés (enfants... toujours oubliés, adolescents... souvent oubliés, parents, ensei­gnants, RASED, syndicalistes, militants pédagogiques, élus...). Il avait suffisamment de temps pour aboutir à un compromis crédible, et pour proposer un calendrier de modifications des temps scolaires avant la rentrée de septembre 2012. En fait, le Ministre Luc Chatel a enterré le rapport de la “Conférence nationale sur les rythmes  scolaires”. Sa stratégie est clairement dilatoire car cet enterrement arrange tous ceux dont le confort égoïste et les intérêts particuliers sont dérangés par un nouvel aménagement du temps scolaire (enseignants, parents, associations...). Par comparai­son, Monsieur Luc Chatel a trouvé le temps d’ouvrir précipitamment et à grands sons de trompe des assises sur le harcèlement à l’école (“school bullying”), alors que personne n’est capable de définir clairement ce qu’il faut entendre par ce vocable venu du Québec, en particulier les scientifiques qui ont observé et filmé les interactions entre enfants dans les cours d’école. Pourquoi ne pas avoir pris le temps de bien comprendre les conduites des enfants-élèves avec leurs pairs avant d’assimiler des comportements disparates à des harcèlements (selon le Larousse, harceler, “c’est soumettre à des attaques incessantes”) ? Il peut s’agir en effet le plus souvent de provocations, de rodomontades, de “faire-semblant”, de jeux de rôle, d’attitudes théâtrales, d’activités ludiques qui simulent des attaques...  (je me demande comment des ques­tionnaires et enquêtes peuvent permettre d’identifier et encore moins de quantifier les conduites réellement vécues comme des harcèlements par les “harceleurs”, les “harcelés” et les témoins des “harcèlements”, par rapport à celles qui sont imaginées, fantasmées ou “théâtralisées”).

 

L’absence de réaction à la publication en juin-juillet 2011 du rapport de la “Conférence nationale sur les rythmes scolaires”, révèle ou confirme que l’école dans son organisation, son mode de fonctionnement, ses articulations “rouillées” avec les familles et la société, son immobilisme... n’est pas pensée pour l’enfant, perpétuel oublié de tous les “changements”. Comment un projet d’école cohérent au bénéfice des enfants, des familles, des enseignants et des autres acteurs concernés, pourrait-il être élaboré dans une telle vacance ou vacuité de pensée ? À moins qu’il ne s’agisse de paresse, de laxisme, d’hypocrisie, d’égoïsme et/ou de lâcheté. Il est temps de considérer l’école comme un écosystème, c’est-à-dire un lieu de vie qui repose sur l’articulation des temps familiaux, des temps scolaires et des “tiers-temps” (les autres temps”, également importants pour d’autres acquisitions que celles développées dans le milieu familial et en classe) au cours des 24 heures. Et non comme un îlot d’instruction déshumanisé en dehors du temps... et des personnes, battu par les tempêtes des intérêts individuels et les velléités trompeuses de pouvoirs irresponsables ou uniquement soucieux de leurs intérêts. Pourtant, il y a des modes d’organisation, des modes de fonctionne­ment, des stratégies, des solutions... concrets et réalisables, bien évidemment dans l’écoute réciproque, la concertation et le respect mutuel des uns et des autres.

 

La prise en compte des différences de développement entre enfants dans la conception d’une école plus juste et plus intelligente

Lui aussi universel, un autre questionnement illustre l’incapacité de la France à rénover ou refonder son école : on pense et on fait comme si les enfants étaient programmés génétiquement, socialement et/ou culturellement pour devenir entre six et sept ans des “élèves-écoliers” “domestiqués” que l’on a déjà enfermés dans les apprentissages dits fondamentaux. Ainsi, l’un des objectifs explicites des jardins d’éveil était de préparer dans ces structures les enfants âgés de deux à trois ans à se préparer à l’école maternelle (Pour quoi faire ? Comment ? Avec quels principes et à travers quelles activités ? Pour quelles acquisitions, “pré-apprentissages” ou  apprentissages ? Com­prenne qui pourra). Et non pas à se préparer aux apprentissages fondamentaux de l’école élémentaire, cette mission devant, selon les rédacteurs, être assumée par l’école maternelle... comme cela est prévu par les textes officiels. En prenant cette précaution d’écriture et de présentation, les parlementaires et la Ministre voulaient éviter que les jardins d’éveil soient perçus comme des structures concurrentes de la petite section de l’école maternelle alors que, bien évidemment, le projet politique était d’aboutir à sa suppression... pour des raisons comptables et idéologiques. En effet, admis dès l’âge de deux ans dans un jardin d’éveil (payant), les enfants pouvaient (peuvent) y rester pendant 18 mois, et être ensuite inscrits (gratuitement) dans une école maternelle à l’âge de trois ans et demi. La probabilité est élevée que, à la demande et sous la pression des parents, ils soient accueillis “directement” dans la moyenne section comme s’ils venaient d’une petite section, avec le plus souvent l’accord explicite ou tacite des enseignants, soucieux de réduire l’effectif de la petite section, souvent trop élevé et difficile à gérer, en tout cas le matin (on peut les comprendre). Ainsi était “démontré” qu’on pouvait se passer de la petite section.

 

S’agissant de l’école maternelle dans son ensemble, les objectifs, missions, “finalités”, perspectives... sont donc, officiellement, de préparer les enfants aux apprentissages dits fondamentaux, comme si cela était “naturel”, “normal”, programmé, prédéterminé, “biblique”... et comme si  le vocable “apprentissages fondamentaux” avait du sens (qu’est-ce qui est fondamental et qu’est-ce qui ne l’est pas ?). Au nom de qui et au nom de quoi, en se fondant sur quels arguments, sur quelles recherches, sur quelles théories, sur quels besoins de la société... les enfants âgés de deux à quatre ans, de quatre à cinq ans, de cinq à six ans doivent-ils être considérés comme des pré-écoliers ou des pré-élèves ? En les formatant dans une « logique apparente de bon sens », on leur vole une partie de leur vie d’enfant, même si le talent et l’imagination des enseignants d’école maternelle leur permettent de prendre du plaisir dans des activités récréatives, ludiques... et d’apprendre “autre chose” que du “fondamental”. On les appauvrit dans leur spontanéité, leurs capacités d’exploration, leur créativité, leurs capacités d’ex­pression... et leur pensée (seuls les enfants des nantis et des “sachants” peuvent s’ajuster, se mouler et se plier au système actuel... parce qu’il est “cultivé” à la maison). Est-ce que le formatage dans et par les apprentissages dits fonda­mentaux prépare pour autant les enfants à un “parcours” de réussite affective, intellectuelle, sociale, civique, intellectuelle, créative, huma­niste... ? Ignore-t-on que tous les enfants peuvent révéler et structurer toute la gamme de leurs ressources intrinsèques à tout moment dès lors qu’ils peuvent explorer, modifier et réorganiser librement les objets, les mobiliers, les lieux de vie... s’approprier les espaces dans toutes leurs dimensions, scellant ainsi l’alliance du corps et de la pensée, “expérimenter” sans retenue leurs habiletés corporelles, gestuelles et manuelles, (ré)inventer sans limite les activités ludiques, les stratégies de communi­cation, les langages et les façons de penser au cours des interactions avec les pairs et avec les différents partenaires qu’ils rencontrent ? Mais aussi, imaginer sans consigne ni limite de nouvelles activités et de nouveaux jeux qu’ils chargent d’imaginaire, de symboles et de règles, et encore découvrir qu’ils sont capables de construire, d’induire, de déduire, de penser... L’école doit donc créer les conditions “existentielles”, relationnelles, sociales, temporelles et spatiales qui permettent à chaque enfant de libérer quand il est prêt, ou quand il a envie d’être prêt, les possibilités, potentialités, compétences et ressources cachées, non lisibles, pas encore structurées et fonctionnelles, “en jachère”... qu’il porte forcément en lui (les capacités du cerveau sont illimitées), quelles que soient les apparences.

 

L’idéologie “déterministe” du “parcours scolaire” des enfants est une aberration car elle contient l’idée implicite que, dans la petite enfance, tous les humains ont le même “scénario de développement”, c’est-à-dire les mêmes successions “d’émergences”, d’acquisitions et d’apprentissages d’un âge à l’autre et selon le même “rythme” ou tempo. En conséquence, le postulat est que tous les enfants peuvent (doivent) être prêts à libérer leurs possibilités, potentialités, compétences, ressources... aux moments et dans les situations que les adultes ont décidés pour eux, en se fondant sur des routines, des moyennes et des certitudes non démontrées qui n’ont aucun sens ni signification. Selon ce mythe qui relève du “religieux” (c’est un dogme), les enfants doivent être façonnés (pour ne pas écrire conditionnés) d’un âge à l’autre pour s’accrocher au “fil conducteur” plus ou moins linéaire ou en zigzag, et imposé arbitrairement, qui mène à la “quasi-obligation” d’apprendre à lire, écrire et compter avant la fin du cours préparatoire. C’est le credo immuable de l’école de la France. Il est invraisemblable qu’on ne sache pas (ou qu’on ne veuille pas) tenir compte des importantes différences dans les “scénarios de développement” des enfants. Pourquoi faut-il rappeler sans cesse que l’âge est un indicateur de la croissance corporelle, morphologique, anato­mique, physiologique, psychologique et intellectuelle... qui ne se confond pas avec le développe­ment individuel, “carte d’identité” de chacun, quelle que soit la “part” des facteurs génétiques, des influences de l’environnement, des “auto-apprentissages”, des “auto-transformations”, des expériences individuelles et du vécu ? On raisonne comme si la précocité de la mise en situation d’apprentissage scolaire déterminait la réussite scolaire... C’est évidemment faux. On vit dans l’idée fausse que plus tôt on apprend, mieux et plus tôt on réussira à l’école... et que, au fond, la réussite au baccalauréat, à l’université... doit déjà se préparer à deux ans, trois ans... (selon la même idée déterministe, on se propose de repérer à ces âges les “graines de violence” dont la germination donnera les “plantes vénéneuses” de la délinquance). De déterminismes en détermi­nismes décrétés,  va-t-on dériver peu ou prou vers un système de sélection naturelle ?

 

On ne peut faire l’économie d’un tel débat si on veut donner à chaque enfant une chance maximale de se réaliser dans ses différentes possibilités, potentialités, sensibi­lités, compétences, ressources, ambitions... tout en acquérant de nouvelles, quelles que soient ses particularités, et quelles que soient les particularités de sa famille et de son milieu familial, social et culturel. Pour cela, il faut enfin comprendre que le fonctionnement cérébral en imbrication avec le fonctionnement corporel ne doit pas être enfermé dans un carcan arbitraire, fut-il celui des apprentissages dits fondamentaux, mais qu’il doit être libéré, notamment et d’abord au cours de la petite enfance. L’organisation de l’école maternelle et de l’école élémentaire, leurs modes de fonctionnement, leurs stratégies d’accueil, leurs systèmes de communi­cation et de relation, leurs temps et leurs espaces doivent être conçus pour “donner” au cerveau de chacun un maximum de plasticité et autoriser ainsi un maximum de flexibilité des comportements, et donc d’évolution dans toutes les formes de conduites, d’acqui­sitions et d’apprentissages. Commençons par suppri­mer le cours préparatoire tel qu’il existe, et par instaurer un système cohérent et humaniste avec un minimum de ruptures déstabi­lisantes et un maximum de repères et de continuités, qui permette à chaque enfant de s’épanouir sans peurs, blocages affectifs ou inhibi­tions dans toutes ses dimensions... à son rythme et dans la sécurité affective... en revenant en arrière s’il en a besoin. Cela implique évi­demment qu’il faut repenser l’articulation entre les différentes classes de l’école maternelle et de l’école élémentaire, et entre les “deux écoles”. C’était au fond l’une des proposi­tions de Guy Georges, ancien Secrétaire général du Syndicat national des Instituteurs, avec “l’école fondamen­tale” (voir son livre “i majuscule comme instituteur”), une autre de ses propositions majeures étant de repenser l’articulation entre l’école élémentaire et le collège.

Hubert Montagner
Mars 2012

 
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