Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
(Site créé et animé par Daniel Calin)

 

De la lecture, et d’autres choses humaines

 

 
Un texte de Pascal Ourghanlian
Professeur des écoles spécialisé


Autres textes de Pascal Ourghanlian  Voir sur ce site les autres textes de Pascal Ourghanlian.
Pascal sur Le forum des enseignement spécialisés  Voir aussi les nombreuses et précieuses interventions de Pascal sur Le forum des enseignement spécialisés.
Présentation de Pascal Ourghanlian  Voir enfin la présentation de Pascal Ourghanlian et ses propositions d’intervention.
Polémiques sur la lecture  Sur les polémiques autour de la lecture ces dernières années, voir ma page : Lire, écrire : entrer dans la culture écrite.

 

A-t-on jamais assez dit que l’enfant, lorsqu’il apprend, réinvente le monde ? S’est-on assez soucié de lui laisser le temps d’éprouver par lui-même le grand chant des hommes ? Alors que l’histoire de l’écriture d’abord, celle de l’alphabet ensuite courent sur des milliers d’années, certains s’avisent qu’en deux ans, voire en deux trimestres, le petit d’homme peut parvenir à maîtriser les techniques de la lecture et, qu’une fois automatisées, ces dernières lui ouvrent l’accès au sens de ce qu’il lit. Sans qu’à aucun moment ne lui soit offert de reparcourir les chemins empruntés par les siens pour s’inscrire dans une communauté qui est aussi de rêves inaboutis, d’espoirs infondés et d’errances salvatrices.

Que ne sortons-nous pas de cette civilisation du temps pressé, du chemin unique, du refus du danger de l’apprendre vrai pour le confort de certitudes établies par d’autres ? Que n’appelons-nous pas de nos vœux des temps alanguis, des routes détournées, des falaises escarpées au grand vent du noroît ?

Pourquoi apprendre à lire serait chose aisée ? Pourquoi ce qui fonde l’humain dans l’homme – sans pour autant, l’histoire du siècle passé et sans doute celle des siècles à venir nous l’enseignent, faire que l’inhumain en soit banni – serait de découverte sans risque et d’usage sans peur ? Pourquoi la beauté du monde, telle que dite par les mots elle qui s’en passe souveraine­ment, ne serait-elle pas aussi, d’abord, ce qui fonde l’envie de lire, de la saisir par le verbe, elle qui se dérobe à chaque instant ?

Mais le recours à la littérature dans les programmes, me dira-t-on ? Pour quel usage rebelle ? De quelle manière autre que scolastique, stérilisante, définitivement morte ? Matière scolaire de plus, ou risque pris auquel on joue sa vie, on parie sa mort ? Pour s’éprouver le même en étant différent, ou pour capitaliser les points reçus en héritage d’un milieu auquel on devrait tout ? Pour se construire comme individu essentiellement solitaire, mais existen­tiellement solidaire, ou pour réussir mieux que le voisin ?

Les débats en cours, pour riches et nécessaires qu’ils soient – et qu’ils demeurent vue l’obsession de certains à ne rien céder –, portent-ils réelle­ment sur l’essentiel ? Que le langage est d’abord poésie, au double sens d’enchantement du monde et de fabrique de celui-ci. Qu’il est, dans le même temps, de l’artisan et de l’artiste. Qu’il ne sauve qu’autant qu’il dit la terre, et ceux qui la fréquentent. Qu’il « plante le réel / Au cœur / Des utopies » (Andrée Chédid).

Pascal Ourghanlian
Avril 2008

 
*   *   *
*

Informations sur cette page Retour en haut de la page
Valid XHTML 1.1 Valid CSS
Dernière révision : samedi 22 février 2014 – 20:25:00
Daniel Calin © 2014 – Tous droits réservés