Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
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L’aide rééducative à l’école
Le chant du cygne

 

 
Un texte de Jacky Poulain
Rééducateur


Publication originale  Texte initialement publié dans Pratiques corporelles, n° 113, décembre 1996, page 44, repris dans Envie d’école, n° 10, mars/avril 1997.
Autres textes de Jacky Poulain  Voir sur ce site les autres textes de Jacky Poulain.

 

Voilà plus de 25 ans que j’exerce dans l’enseignement spécialisé. Classes Pratiques, classes de Transition, CCPN, Perfectionnement pendant plus de 12 ans, poste d’adaptation puis rééducateur depuis une dizaine d’années. Parcours somme toute très ordinaire pour celles et ceux de ma génération qui autorise – ni plus ni moins – à prendre la parole à partir de cette expérience-là.

« Le Chant du Cygne » parce que jamais les menaces sur l’AIS, les aides spécialisées et la rééducation en particulier n’ont été aussi pesantes.

« Les métiers de l’humain » (cf. Mireille Cifali) – je parle de l’école, dans l’école – ont-ils un avenir derrière eux ? Un grand nombre d’indices concordants le laisserait supposer, alimentant inquiétude, colère, amertume, lassitude, sentiment de révolte à voir la manière dont les choses se passent.
 

Les plus optimistes crieront – souriront ? – à l’alarmisme déplacé (« on en a vu d’autres ! ») ; les plus réalistes prendront en compte la multiplication, la multiplicité des indices annonciateurs d’une mise à mort programmée de l’aide rééducative à l’école :

Dans une sorte de parodie d’état des lieux (rapport de l’IG), tombent une à une, plus ou moins feutrées, les condamnations de l’idée de rééducation à l’école, ce à tous les échelons de la hiérarchie.

La rigueur, le sérieux du travail de recherche et d’élaboration autour de ce concept depuis plus de 20 ans (Centres de Formation, FNAREN) n’ont d’égal que l’indigence atterrante des arguments employés par les fossoyeurs de l’idée de rééduca­tion à l’école.
 

La clinique pratiquée dans cet entre-deux (ni tout pédagogique, ni tout thérapeutique), l’expérience accumulée pèsent bien peu aux yeux de « déci­deurs » ayant succombé au chant des sirènes d’un pédagogisme militant, adeptes d’un cognitivisme plus ou moins affiché, ennemis déclarés de toutes nos supposées fadaises psycho-péda-quelque chose (il y a quelques années, Yves de la Monneraye, sentant le vent venir, projetait un livre dénonçant « l’acharnement pédagogique »...).
 

Le Champ du Signe

Nous occupons – vaille que vaille – ce champ de l’entre-deux, espace intermé­diaire difficilement repérable et/ou lisible pour un grand nombre de partenaires scolaires ou péri-scolaires, difficilement compris, accepté par l’administration, la hiérarchie.

Le monde de l’école vit dans le(s) registre(s) du code, là où nous sillonnons le(s) champ(s) du signe (je laisse à d’autres le soin ou le plaisir éventuel de développer ; il semble qu’il y aurait à dire...), là où de simples décodages ne suffisent pas, là où quelques subtils réglages pédagogiques s’avèrent inopérants, nous sommes en charge de faire émerger du sens à des conduites d’échec par ailleurs inexplicables et ce dans un cadre strictement repéré, avec pour mission – à travers des « suivis » d’élèves – de faire évoluer des comportements, faciliter des adaptations.
 

Nous avons pensé – dans le soulagement – que les textes de 1990 estam­pillaient la rééducation, garantissaient sa place à l’école.

Quelques années plus tard, il semble que nous ayons à nous préparer à vivre de la désillusion.

Aurions-nous pris nos vessies pour des lanternes ?

Il est souhaitable de faire avec la réalité. C’est même notre pain quoti­dien, institutionnellement.

Il en est d’autant plus inacceptable de faire avec un prétendu réalisme au nom duquel on risque de mettre à mal ce dispositif original, espace d’écoute et de parole, lieu de remédiation au sens LARGE du terme. Il semble que l’époque soit à l’étroitesse : les symptômes ne manquent pas.
 

Je nous souhaite bon courage, et que les mauvaises fées ne nous transforment pas en autruches...

Jacky Poulain
Mars-Avril 1997
 

PS : Je lis (Libération du 8/11) qu’on s’insurge « ... contre une méthode inacceptable : on part d’un relevé d’anomalies, constatées sur un échantillon d’établissements dont on ignore les critères de choix et on généralise. On pointe ce qui ne va pas en occultant sciemment tout ce qui va bien... ». Cela ne vous rappelle rien ? Inspection générale ? Oui, mais c’est le 1er vice-président de la Conférence des Présidents d’Universités qui réagit à un rapport de l’IG concernant les universités... !
 

 
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Dernière révision : dimanche 23 février 2014 – 23:20:00
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