Apprendre à lire en famille sans larmes et sans punitions
Un texte de Marie-Pierre Tornare
professeur de lettres en collège
Informée et
avertie par mes parents, respectivement rééducatrice en
psychomotricité et psychologue scolaire (lire,
c’est entrer dans la pensée d’un scripteur par les
yeux, cela ne s’enseigne pas ; les méthodes
n’apprennent pas à lire, on apprend à lire en
lisant ; la lecture est source de satisfactions en soi et
n’appelle aucune récompense),
j’ai voulu que mon fils devienne un vrai lecteur et non un
déchiffreur scolaire.
Voici comment.
Dès la naissance :
- Faire
que le livre fasse partie du quotidien des
parents et de l’enfant : livres en tissus puis en
cartons, des livres dans toute la maison, histoire lue le soir avant
de s’endormir. On peut
exceptionnellement priver de lecture l’enfant polisson.
- Limiter
les loisirs immédiats et faciles : télévision
(pas plus de deux dessins animés le soir, un DVD le
week-end), jeux vidéo.
- Se
mettre en scène en pleine lecture : se montrer lisant.
Par imitation, il ira lui-même chercher un livre et
s’installera à côté pour faire comme
maman.
Pendant la petite enfance
(à moduler en
fonction du degré de maturité de l’enfant et
de son désir d’apprendre à lire, ne pas imposer,
ne pas insister en cas de refus, attendre et proposer une autre
fois) :
- Pendant la séance de lecture rituelle, lui montrer dans
le texte les mots faisant partie
de son quotidien : maman, toboggan, école, piscine...
et jouer à les reconnaître
dans le livre, lui souffler s’il
ne les reconnaît pas.
- Pour les jeux de reconnaissance utiliser les livres qui se prêtent
plus facilement à l’activité : à
partir de la série Les rois et Les reines, à
partir des noms des personnages qui contiennent
des redoublements de syllabe (la Reine Maman-Maman, la Reine
Cache-Cache, le roi Zinzin, etc.). Dans les T’choupi et
Bali, les textes répètent les mots de la vie
quotidienne des enfants.
- Varier les livres et proposer en lecture du soir des contes, des livres
illustrés, B.D., encyclopédies pour enfant ainsi
que des livres sans images !
- Parmi les mots qu’il reconnaît, lui faire connaître
les mots outils : « le », « la »,
« les », « un « ,
« une », « des »,
« dans », etc.
- Tenir avec lui un cahier de lecture-écriture dans lequel il vous
dicte des phrases résumant ses activités mais aussi
dans lequel vous vous livrez à des jeux de substitution :
écrire des phrases très courtes sur le modèle
Maman aime Danys, Danys aime maman, Maman aime le chocolat,
Danys aime le chocolat, Danys aime mamie, Danys
aime papi, etc., autour
des verbes « aime », « fait »,
« mange », « est ».
Écrire des
phrases amusantes : Pipo fait pipi. Rires et complicité
donnent la dimension affective indispensable aux apprentissages et
connotent positivement l’apprentissage
de la lecture.
- Progressivement introduire des mots nouveaux, notamment les mots outils (Pipo fait
pipi dans le jardin,
Pipo fait pipi dans la cuisine,
etc.) toujours par substitution.
- Écrire les phrases qu’il invente et les relire régulièrement.
Lui faire illustrer son cahier. Écrire assez gros et soigner
la graphie pour faciliter la reconnaissance des mots, l’aider
à respecter ponctuation et
syntaxe. Chercher dans le dictionnaire devant lui et avec lui les
mots dont on ignore l’orthographe.
- Commencer à le faire écrire lui-même : il crée
sa phrase, vous lui écrivez le modèle, il écrit
en dessous. Une phrase de 5 mots suffit
au départ. Moduler en fonction de son habileté
et de son intérêt pour l’activité.
- La pêche aux mots sociaux : Jouer à reconnaître
les mots sur les étiquettes des pots de confiture, jus de
fruits, etc., sur les affiches, les panneaux dans la rue, le
journal de la télé dans lequel il peut reconnaître
les jours de la semaine, les noms de ses héros préférés...
Pendant le CP et ensuite...
- Poursuivre et approfondir ces activités.
Quand l’enfant peut lire seul un Spot ou
un Bali, pour agrandir l’éventail de son lexique
écrit : rester à ses côtés lorsqu’il
lit pour lui souffler les mots qu’il ne connaît pas.
- Lire des livres à deux voix, par exemple les BD (toujours lui
souffler les mots inconnus).
- S’il est attiré par les livres « sans images » :
lire un paragraphe chacun d’abord,
puis une page. J’ai lu les 80 premières pages d’Harry
Potter avec mon fils, pour l’aider
à reconnaître les noms anglais. Un mois plus tard, à
8 ans, il lisait le roman tout seul.
- Fréquenter avec lui les lieux où l’on lit, où l’on se
procure des livres, où l’on peut rencontrer des
écrivains : bibliothèques, librairies, fêtes
du livre, musées...
Marie-Pierre Tornare,
(février 20123)
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Un témoignage de
Simone Balazard,
professeur de philosophie :
Mon fils Sylvestre est
devenu lecteur tandis que je lui lisais, avec lui à côté
de moi, les aventures de Tintin.
En entrant à l’école,
il savait lire, sans avoir jamais « appris ».
Son instituteur ne s’en
est pas aperçu !
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Et quelques apprentis lecteurs célèbres :
Marcel Pagnol, Jean-Paul Sartre et Daniel Pennac, entre autres, ont appris par
imitation, sans enseignement.
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Dernière révision : samedi 25 janvier 2014 – 17:50:00 |