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L’organisation de l’Instruction publique(1)

 

Décret du 29 Frimaire An II (19 Décembre 1793), dit Décret Bouquier


Bouqier a présenté un rapport et un projet de décret à la Convention le 18 frimaire an II (8 décembre 1793). Les sections I à III de ce projet de décret ont été été adoptées après discussion et modifications le 29 Frimaire An II (19 Décembre 1793). C’est le premier texte législatif sur le système éducatif officiellement adopté durant la Révolution française. Voir sur ce site le rapport et le projet de décret de Bouquier.

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5713857f/f103.item


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SECTION 1re. — De l’enseignement en général.

ARTICLE 1er. — L’enseignement est libre.

ART. 2. — Il sera fait publiquement.

ART. 3. — Les citoyens et citoyennes qui voudront user de la liberté d’enseigner seront tenus :

1° De déclarer à la municipalité ou section de la commune qu’ils sont dans l’intention d’ouvrir une École ;

2° De désigner l’espèce de science ou art qu’ils se proposent d’enseigner ;

3° De produire un certificat de civisme et de bonnes mœurs, signé de la moitié des membres du conseil général de la commune, ou de la section du lieu de leur résidence, et par deux membres au moins du comité de surveillance de la section, ou du lieu de leur domicile, ou du lieu qui en est le plus voisin.

ART. 4. — Les citoyens et citoyennes qui se vouent à l’instruction ou à l’enseignement de quelque art ou science que ce soit seront désignés sous le nom d’instituteur et d’institutrice.

 

SECTION II. — De la surveillance de l’enseignement.

ART. 1er. — Les instituteurs et institutrices sont sous la surveillance immédiate de la municipalité ou section, des pères et mères, tuteurs ou curateurs, et sous la surveillance de tous les citoyens.

ART. 2. — Tout instituteur ou institutrice qui enseignerait dans son École des préceptes ou maximes contraires aux lois et à la morale républicaine, sera dénoncé par la surveillance, et puni selon la gravité du délit.

ART. 3. — Tout instituteur ou institutrice qui outrage les mœurs publiques est dénoncé par la surveillance, et traduit devant la police correctionnelle, ou tout autre tribunal compétent, pour y être jugé suivant la loi.

 

SECTION III. — Du premier degré d’instruction.

ART. 1er. — La Convention nationale charge son Comité d’Instruction de lui présenter les livres élémentaires des connaissances absolument nécessaires pour former les citoyens, et déclare que les premiers de ces livres sont les Droits de l’homme, la Constitution, le tableau des actions héroïques ou vertueuses.

ART. 2. — Les citoyens et citoyennes qui se borneront à enseigner à lire, à écrire, et les premières règles de l’arithmétique, seront tenus de se conformer, dans leurs enseignements, aux livres élémentaires adoptés et publiés à cet effet par la représentation nationale.

ART. 3. — Ils seront salariés par la République, à raison du nombre des élèves qui fréquenteront leurs Écoles, et conformément au tarif compris dans l’article suivant.

ART. 4. — Les instituteurs et institutrices qui ouvriront des Écoles dans les communes de la République, quelle que soit leur population, recevront annuellement, pour chaque enfant ou élève, savoir : l’instituteur, la somme de vingt livres ; l’institutrice, quinze livres.

Les communes éloignées de plus d’une demi-lieue du domicile de l’instituteur le plus voisin, et dans lesquelles, par défaut de population, il ne s’en établirait pas, pourront, d’après l’avis des Directoires de district, en choisir un. La République lui accordera un traitement annuel de cinq cents livres.

ART. 5. — Il sera ouvert dans chaque municipalité ou section un registre pour l’inscription des noms des instituteurs et institutrices du premier degré d’instruction, et des enfants ou pupilles qui leur seront confiés, par les pères, mères, tuteurs ou curateurs.

ART. 6. — Les pères, mères, tuteurs ou curateurs seront tenus d’envoyer leurs enfants ou pupilles aux Écoles du premier degré d’instruction, en observant ce qui suit :

ART. 7. — Ils déclareront à leur municipalité ou section :

1° Les noms et prénoms des enfants et pupilles qu’ils sont tenus d’envoyer auxdites Écoles ;

2° Les noms et prénoms des instituteurs ou institutrices dont ils font choix.

ART. 8. —Les enfants ne seront point admis dans les Écoles avant l’âge de six ans accomplis ; ils y seront envoyés avant celui de huit. Leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs ne pourront les retirer desdites Écoles que lorsqu’ils les auront fréquentées au moins pendant trois années consécutives.

ART. 9. — Les pères, mères, tuteurs ou curateurs qui ne se conformeraient pas aux dispositions des articles 6, 7 et 8 de la présente section, seront dénoncés au tribunal de police correctionnelle ; et si les motifs qui les auraient empêchés de se conformer à la loi ne sont pas reconnus valables, ils seront condamnés, pour la première fois, à une amende égale au quart de leurs contributions.

En cas de récidive, l’amende sera double, et les infracteurs seront regardés comme ennemis de l’égalité, et privés pendant dix ans de l’exercice des droits de citoyen. Dans ce dernier cas le jugement sera affiché.

ART. 10. — Les instituteurs et institutrices du premier degré d’instruction tiendront registre des noms et prénoms des enfants, du jour, du mois où ils auront été admis dans leurs Écoles. Ils ne pourront, sous aucun prétexte, prendre aucun de leurs élèves en pension, donner aucune leçon particulière, ni recevoir des citoyens aucune espèce de gratification, sous peine d’être destitués.

ART. 11. — Ils seront payés par trimestre ; et, à cet effet, ils sont tenus de produire à la municipalité ou à la section un relevé de leurs registres, fait mois par mois, portant les noms et prénoms des enfants qui auront assisté à leurs leçons pendant chaque mois. Ce relevé sera confronté avec le registre de la municipalité ou section.

La confrontation faite, il leur sera délivré un mandat.

ART. 12. — Ce mandat contiendra le nombre des enfants qui, pendant chaque mois, auront suivi l’École de l’instituteur ou de l’institutrice, et la somme qui lui sera due. Il sera signé du maire et de deux officiers municipaux ou de deux membres du conseil de la commune ou par le président de la section et deux membres du conseil de ladite section, et par le secrétaire.

ART. 13. — Les mandats seront visés par les Directoires, et payés à vue par les receveurs de district.

ART. 14. — Les jeunes gens qui, au sortir des Écoles du premier degré d’instruction, ne s’occuperont pas du travail de la terre, seront tenus d’apprendre une science, art ou métier utile à la société.

ART. 15. — Ceux desdits jeunes gens qui, à l’âge de vingt ans accomplis, ne se seraient pas conformés aux dispositions de l’article ci-dessus, seront privés pendant dix ans de l’exercice des droits de citoyen.

Les pères, tuteurs ou curateurs qui auraient concouru à l’infraction de la présente loi, subiront la même peine.

Elle sera prononcée par la police correctionnelle, sur la dénonciation qui lui en sera faite, dans le cas où l’inexécution ne serait pas fondée sur des motifs valables.


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Note

(1) Voir les documents ci-après :
• Discours de Marie-Joseph Chènier (15 brumaire) ;
• Décret du 19 brumaire portant que, « sur la proposition d’un de ses membres, la Convention nationale décrète que le Comité de Salut public lui présentera, dans le plus court délai, une liste de six membres pour composer la Commission qui doit réviser le décret sur l’organisation des premières Écoles. Le Comité d’Instruction publique est chargé... de la révision de ce décret. La Convention fixe au 1er frimaire la discussion du décret révisé qui lui sera présenté par la Commission ou par le Comité d’Instruction publique » ; la discussion ne s’ouvrit que le 18 frimaire ;
• Projet de révision du décret pour l’organisation des premières Écoles, présenté par Romme au nom du Comité d’Instruction publique (18 frimaire) ;
• Discours de Thibaudeau (19 frimaire) ;
• Discours de Fourcroy, Romme, Sainte-Foy (21 frimaire) ;
• Rapport de Bouquier et discussion (22, 23 et 29 frimaire) à la suite de laquelle son projet fut adopté (29 frimaire) ;
• Projet Petit, ci-dessus, page 67, reproduit par l’auteur le 19 frimaire, avec une addition à l’article 10 : « ... et il sera établi des instituteurs dans toutes les communes qui en seront susceptibles ».


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