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Au plus près des besoins de l’enfant – Accompagner l’élève
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Un texte de Pascal Ourghanlian
 

Si, comme il a été indiqué plus haut, la relation pédagogique, qui lie indissolublement l’élève, le maître et le savoir, a évolué, il convient de s’interroger sur les trois termes qui la fondent et sur leur articulation.

J’emprunterai à Jean Houssaye l’essentiel des notions développées ici. Dès 1988, ce dernier proposait une modélisation(1) de la relation pédagogique dont l’influence reste majeure et dont on n’a sans doute pas encore mesuré toutes les implications, celle de « triangle pédagogique »(2). Ce concept, très en amont, se fonde sur celui de transposition didactique : « En pédagogie, il y a un écart fondamental entre la théorie et la pratique. C’est dans cette « béance » (qui tout à la fois sépare et unit) que se « fabrique » la pédagogie »(3).

« La situation pédagogique peut être définie comme un triangle composé de trois éléments, le savoir, le professeur et les élèves, dont deux se constituent comme sujets tandis que le troisième doit accepter la place du mort ou, à défaut, se mettre à faire le fou. (...) Toute pédagogie est articulée sur la relation privilégiée entre deux des trois éléments et l’exclusion du troisième avec qui cependant chaque élu doit maintenir des contacts. Changer de pédagogie revient à changer de relation de base, soit de processus »(4).


C’est de la double interrogation portant, d’une part, sur chacun des trois sommets du triangle et, d’autre part, sur les trois bases qui les relient que se constitue la spécificité de la relation pédagogique.

 

Le savoir

Il est, on l’a vu, l’objet d’une transposition qui d’un savoir savant va conduire à un savoir enseigné. Ce qui nous intéresse ici c’est sa position d’objet – « celui qui a établi un trou dans les relations » –, dans sa double modalité, nous dit Houssaye, de « mort » ou de « fou »(5). Le « mort » est celui qui ne joue pas, mais sans lequel le jeu n’est pas possible. Il n’est dans le jeu que parce que sa place est « assignée, définie et déroulée par les autres ». Le fou, lui, est celui dont la place toujours excentrée est celle que lui donne son mouvement, en diagonale, de travers. Il est celui qui refuse les règles ordinaires et interroge sans cesse les relations.

 

Les sujets : enseignant et enseigné

Ils existent en eux-mêmes, définis par leurs rôles, leurs positions, leurs tâches. Mais ils existent aussi, surtout, dans leurs rapports à l’autre et au savoir, à l’autre comme savoir, au savoir en tant qu’il est autre. L’une des grandes supériorités du constructivisme sur le behaviorisme, par exemple, est cette place accordée au sujet en tant qu’il (se) construit son savoir dans une relation à celui-ci et à l’autre, inséparablement(6).

 

Trois processus de mise en relation

Ce jeu d’exclusion « à tour de rôle » de chacun des trois sommets du triangle met en œuvre trois types de relations, « ensemble structuré de phénomènes actifs et organisés dans le temps »(7).

Si l’on considère la relation enseignant-élève, c’est le processus de formation qui est activé. Le savoir joue le rôle du mort ou peut se mettre à faire le fou (l’enseignant veut changer les règles d’accès au savoir et/ou l’élève les refuse).

Dans la relation enseignant-savoir, c’est le processus d’enseignement auquel on s’intéresse. L’élève fait le mort : l’enseignant déverse un savoir constitué que l’élève doit s’approprier. Ou bien le chahut s’installe : les élèves font les fous.

Enfin, lorsque c’est au tour de l’enseignant d’être évincé de la relation, c’est le processus d’apprentissage qui caractérise la relation de l’élève au savoir. Si l’absence du médiateur est préparée, anticipée, si les supports, les outils et les tâches sont pensés en amont de manière efficace, le rapport au savoir peut s’instaurer. Si la facilité est trop grande, l’apprentissage ne se fait pas, il n’y a qu’entraînement ; si la difficulté est trop grande, si la tâche est hors de la ZPD de l’élève, le découragement guette, et l’abandon suit.

Pascal Ourghanlian
Septembre 2006


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Notes

(1) « Entendons par « modèle » une représentation simplifiée d’un système, ce qui suppose que, par ce moyen, on donne à voir en soulignant dans un ensemble et en ne retenant que certains aspects », « Le triangle pédagogique ou comment comprendre la situation pédagogique » in J. Houssaye, dir., La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, ESF, 1993, p. 23.

(2) J. Houssaye, Le triangle pédagogique, Peter Lang, 1988.

(3) Art. cit., p. 13.

(4) Art. cit., p. 15.

(5) La double référence aux jeux de bridge et d’échecs dit assez, une nouvelle fois, que, du travail au jeu et du jeu au travail, le savoir est au cœur de ce qui institue l’humain en l’homme...

(6) Voir L. Vygotski, cité dans B. Schneuwly et J.-P. BronckartVygotski aujourd’hui, Delachaux et Niestlé, 1985 : « Le trait fondamental de l’apprentissage consiste en la formation d’une zone proximale de développement. L’apprentissage donne donc naissance, réveille et anime chez l’enfant toute une série de processus de développement internes qui, à un moment donné, ne lui sont accessibles que dans le cadre de la communication avec l’adulte et de la collaboration avec les camarades, mais qui, une fois intériorisés, deviendront une conquête propre de l’enfant », p. 112.

(7) Art. cit., p. 16.


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