Chronique 15
Quand le lieu et le temps de la réunion
rejouent le temps et le lieu du handicap
Un texte de M. Barthélémy
Depuis trois ans que j’exerce ce nouveau métier, je me suis construit des outils, j’ai élaboré des représentations, j’ai installé des routines – en un mot, j’ai acquis des savoir-faire, des tours de main professionnels.
Je suis particulièrement attentif, par exemple, à l’espace et au temps dévolus aux réunions des équipes de suivi. Pour moi d’abord : j’ai besoin d’un lieu le plus serein possible, agencé de telle sorte que chacun voit chaque autre et d’un temps, large mais balisé, l’heure étant souvent un bon repère. Pour les autres aussi : ce temps et ce lieu de réunion doivent aider chacun à construire sa propre représentation du parcours scolaire souhaité pour l’élève handicapé, à élaborer une représentation du point de vue de l’autre, sinon pour se l’approprier, du moins pour l’articuler avec le sien propre.
En quelque sorte, l’espace se contracte, se résout à ce lieu qui nous réunit et nous instaure en une équipe qui a à prendre en charge les mêmes besoins (ceux de l’enfant) ; et le temps se dissout, se relâche, se distend, sans peser, nous enveloppant d’une tranquillité que la course à la montre nous interdit habituellement.
En y réfléchissant, je me suis rendu compte peu à peu que ce temps et ce lieu de la réunion fonctionnent comme le temps et l’espace des personnes handicapées tels qu’elles sont nombreuses à les décrire : alors que le monde moderne cherche à élargir l’espace et à resserrer le temps, la personne handicapée voit son temps s’élargir à l’infini alors que son espace se réduit.
Cette isochronie et cette isotopie participent, me semble-t-il, de la prise de conscience du point de vue de l’autre, surtout de l’autre handicapé, et de la réussite, ou non, d’une telle réunion.
Loin de moi la volonté de faire d’une réunion de l’équipe de suivi un temps et un lieu thérapeutiques. Qu’ils le soient, comme en plus, je n’ai rien contre...
M. Barthélémy
02 décembre 2008
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