Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
(Site créé et animé par Daniel Calin)

 

Chronique 16
Chronique précédente   Aider les aidants   Chronique suivante

 

 
Un texte de M. Barthélémy
 

J’ai découvert puis rencontré Jacques Lévine vingt ans après mon entrée dans le métier, grâce à Je est un autre publié en 2000. Au-delà du petit monsieur malicieux et attentif, aux questions toujours très pointues, je découvrais l’une de ses propositions conceptuelles, celle de « soutien au soutien » qui éclairait d’un jour nouveau mes pratiques d’enseignant spécialisé Freinet. Organiser les conditions du travail de l’élève (pédagogie Freinet) et mettre en place les moyens pour l’élève de demander, recevoir et partager l’aide (posture d’enseignant spécialisé) se fondaient dans cette approche et dans les quatre temps qui la structurent.

« Au commencement était le Verbe ». On n’en sort pas, dans notre culture... Chez Lévine, c’est le temps 1, celui du dire, plus précisément du dire « ce qui ne va pas », ce qui exaspère, insupporte, qui met en échec l’adulte qui enseigne, parce que l’enfant vit comme un échec ce qu’il ne parvient pas à apprendre. Cette mise en mots, « à la va comme je te pousse », mais dans le cadre contenant, rassurant du groupe (classe, de besoins, de pairs, constitué par l’équipe), ouvre sur le temps 2, celui de l’effort, de l’accès au sens, par les sens et l’intellect, de la « mise à la place de », du ressenti de l’éprouvé de l’autre. Ce passage du « dit de l’autre » au « ressenti du je » permet, dans le temps 3, de réduire l’écart entre le réel et le fantasmé, de se mettre au travail pour mettre à jour où il y a du jeu possible, et donc, temps 4, d’ouvrir la parole initiale, ressassée, refermée sur elle-même, sur une transformation possible.

Ce n’est pas pour rien que, chez Freinet, l’élève a un travail à produire. Ce n’est pas pour rien que, dans la pédagogie spécialisée, l’enfant peut se voir offrir de jouer. Le poète Guillevic faisait remarquer que le menuisier utilise indifféremment les deux verbes pour le bois, qui peut jouer ou travailler – qui vit...

Ce que Jacques Lévine m’a appris du temps où j’étais maître d’école ou enseignant en SEGPA, c’est que pour soutenir l’enfant ou le jeune en train d’apprendre il faut organiser les conditions de son travail et les moyens de mettre ce travail à distance. Et que le maître, pour être disponible à ce soutien dû à l’enfant, doit lui-même être soutenu comme enseignant.

Référent, je ne suis plus en proximité avec les enfants dont j’accompagne le parcours, je suis le « tiers instruit » qui vient aider ceux qui aident, les parents, les enseignants, les soignants. Je dois à Jacques Lévine de comprendre un peu mieux chaque jour la place que j’occupe. À la comprendre, à l’accepter...

Et à la défendre...

Le petit monsieur malicieux et attentif est parti, « il a fini sa vie » aurait dit Dolto. Mais, comme toute vie finie, dont la mort signe la complétude, sa vie en aura ensemencé d’autres qui espèrent « être à la hauteur ».

M. Barthélémy
09 décembre 2008

*   *   *
*

Pour écrire à M. Barthélémy : “monsieurbarthelemy–AROBASE–gmail.com” (...en remplaçant bien sûr “–AROBASE–” par “@”)

Informations sur cette page Retour en haut de la page
Valid XHTML 1.1 Valid CSS
Dernière révision : samedi 01 février 2014 – 15:55:00
Daniel Calin © 2014 – Tous droits réservés