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Chronique 19
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Un texte de M. Barthélémy
 

Tels les marronniers à l’automne, l’hiver voit revenir l’enquête annuelle de la DGESCO, notre enquête lourde à nous les référents, « relative aux élèves porteurs de maladies invalidantes ou de handicaps, scolarisés dans le premier et dans le second degré de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat ».

Depuis quatre années que je remplis cette enquête, longue, lourde, pesante, sur des matériels informatiques obsolètes, je guette un infléchissement des courbes, une répartition autre des types de handicap, un changement des modalités de scolarisation des élèves handicapés de mon secteur. Rien, pas la plus petite modification ! Depuis quatre ans, 85 % de handicap dans le « champ mental », y compris « troubles des apprentissages » (!?) (j’aime beaucoup cette expression qui met le mot « champ » à toutes les sauces – il est vrai qu’à la campagne, naguère, l’idiot du village était apprécié du fait qu’il pouvait participer aux travaux des champs, ce qui n’était pas le cas du mal-foutu qui encombrait plus qu’il n’aidait...), 8 % dans le « champ moteur », et 7 % dans les deux « champs sensoriels ».

Et puis encore 75 % de scolarisation individuelle en milieu ordinaire, 20 % de scolarisation collective en milieu ordinaire et 5 (tout-petits) % de scolarisation en milieu spécialisé. Certes, les gamins qui sont en institution sont souvent ceux qui sont le plus lourdement handicapés. Mais on ne peut nier le peu d’empressement que les directions d’IME mettent à pourvoir à la scolarisation, y compris en interne, des gamins qui leur sont confiés...

Cette stabilité ne me surprend pas plus que ça : j’exerce dans un département où les institutions sont rares, ce qui a conduit, même du temps de la CDES, à favoriser les modalités ordinaires de scolarisation. En quelque sorte, la structure du département a conduit à anticiper la mode de la scolarisation ordinaire à tout va. Et j’anticipe que les collations nationales vont montrer que mon département devient comme une asymptote vers laquelle tend la moyenne nationale.

Je ne vais pas nier l’importance de la scolarisation des élèves handicapés au plus près de l’ordinaire – c’est une partie de mon combat, et de celui que livrent des familles qui, au-delà d’un souci qui serait d’ailleurs bien légitime de normalisation, veulent d’abord que leurs enfants soient simplement considérés comme des êtres humains à part entière.

Pour autant, qui dira les dégâts occasionnés par ces intégrations à tout prix, pas ou peu préparées, pour des enfants à des années-lumière d’une relation à l’autre qui les traumatise, englués qu’ils sont dans un moi indifférencié, où tout est dans tout, parce qu’ils ne se perçoivent pas comme limites d’eux-mêmes et du monde, qu’intérieur et extérieur forment un magma sans fond, sans fin ?

Notre société, à se targuer d’intégration, a tellement exclu, les « normaux » ont eu tellement longtemps bonne conscience alors que les « anormaux » ne devaient leur survie qu’aux combats de leurs familles, qu’on s’étonne maintenant que ces dernières demandent plus, et donc mal, que la notion, ô combien porteuse !, de « besoins spécifiques » est entendue de tellement de manières différentes, qu’une loi à haute portée citoyenne et valeur morale en soit désormais à devoir être revue.

Quand la France de Montesquieu aura fini de jouer avec la loi, de la revêtir d’oripeaux ternis qui la vident de sens, un jour viendra « couleur d’orange » où seul ce qui comptera sera « de faire bien l’homme »...

M. Barthélémy
13 janvier 2009

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Pour écrire à M. Barthélémy : “monsieurbarthelemy–AROBASE–gmail.com” (...en remplaçant bien sûr “–AROBASE–” par “@”)

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