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Chronique 31
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Un texte de M. Barthélémy
 

Myriama a 3 ans et demi. C’est la deuxième année qu’elle fréquente l’école, cette dernière assumant son rôle social, et de socialisation, pour accompagner une maman démunie, et dont le dénuement augmente la maladie mentale de sa petite.

Car il faut bien dire les choses : si la folie n’épargne aucun milieu social, si elle n’est pas plus présentable chez « les riches » que compréhensible chez « les pauvres », sa « prise en charge » est moins malaisée dans le premier cas que dans le second, cette « prise en charge » fut-elle une mise à l’écart dans des institutions de luxe où le désordre reste masqué.

Myriama, elle, est née d’une toute jeune maman, encore adoles­cente, qui a le don pour se mettre dans des situations matrimoniales compliquées, et à haut risque. Quand le compagnon du moment n’en peut plus de supporter les cris, les gémissements, les coups de la petite, que la boisson souvent exacerbe, une volée, un mur rencontré trop précipitamment, ou une chute peuvent aider à une « prise en charge » familiale. Il vient un moment où tout l’amour d’une mère ne justifie plus rien, et où seul un placement temporaire d’urgence en foyer peut « sauver » la gamine. La sauver, pas la soigner. Parce que la maladie mentale est toujours là, décuplée en quelque sorte, réactionnellement.

C’est cette maladie mentale qui a fait reconnaître à Myriama une situation de handicap en sa faveur. La MDPH, émanation du Conseil Général, qui a aussi en charge la PMI et l’ASE, n’a pas tergiversé longtemps. De fait, Myriama a des besoins spécifiques qui nécessitent qu’un plan de compensation soit mis en place pour lui permettre de fréquenter l’école : AVS, emploi du temps aménagé, alternance école/crèche/soins – tout semble pensé au mieux.

Mais cette petite de 42 mois qui n’a fait aucune des acquisitions sensori-motrices d’une petite de 9-12 mois, qui peut manger vingt fois de suite le savon du lavabo, le recracher avec des haut-le-cœur, et y revenir sans intégrer l’expérience désagréable qui en résulte, qui s’assied sur ses camarades sans même se rendre compte qu’ils sont allongés sous elle, sa place est-elle à l’école ?

Je milite trop pour l’intégration des enfants handicapés pour mesurer le poids de remise en cause de cette question. J’entends bien l’argument selon lequel un seul enfant écarté de cette intégration et c’est le principe même de l’intégration qui est dénié.

Mais quoi ? Est-ce vraiment d’école dont Myriama pour le moment a besoin ? Qui peut prétendre que ce qu’elle construit de représenta­tions et d’apprentissages a un quelconque rapport avec ce pour quoi est constituée l’école ? Qui peut soutenir sans rire que l’intégration des enfants handicapés a une vertu civique pour les autres quand les camarades de Myriama observent, sans y pouvoir comprendre rien, ce petit bout de chou qui frappe violemment les adultes ou qui hurle de peur toute la matinée ? Est-ce là le miroir dont ils ont besoin à 3-4 ans pour se construire une image d’écoliers ? Est-ce que le contrat de l’École avec la Nation, c’est d’envoyer au massacre des professionnels qui ne savent pas faire, qui n’ont pas appris à faire ou qui ne sont pas dans le bon contexte pour faire ?

Et si l’école + les soins + le foyer + la maison + la crèche venaient rejouer en le démultipliant l’éparpillement de Myriama ? Si la multiplication des « prises en charge » venait ajouter à l’impossibilité qui est la sienne pour le moment à se construire autour d’un axe vertical qui lui assurerait les bases d’une contenance lui permettant de se rassembler ? De la faire exister comme enfant, avec un dedans et un dehors, qui la constitueraient comme unité, la sépareraient des autres, l’en différencieraient pour qu’ils puissent advenir comme Autres et, qu’en retour, elle puisse devenir ce qu’elle est ?

Mais qui se pose ces questions ? Myriama doit aller à l’école, puisque c’est la loi et que c’est la demande de la maman (quelle autre demande cette dernière pourrait-elle faire ?) !

Après, on ajustera...

Quand il sera vraiment trop tard ?

M. Barthélémy
05 mai 2009

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