Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
(Site créé et animé par Daniel Calin)

 

Chronique 34
Chronique précédente   Quand l’année touche à sa fin   Chronique suivante

 

 
Un texte de M. Barthélémy
 

À six semaines des congés d’été, il flotte sur les écoles comme un parfum de fin d’année. Le ministre est sur le départ, le mouvement des enseignants est quasi achevé, les conseils de cycle ou de classe ont notifié aux familles leurs propositions pour la rentrée prochaine – seul le ciel morose d’un mois de mai assez peu printanier tient encore les élèves au travail.

Pour l’enseignant référent, l’heure n’est pas encore aux statisti­ques annuelles : dernières orientations, dossiers taxi, bilans de CLIS ou d’UPI, le travail « administratif » reste d’importance.

Et les rencontres avec les familles, de plus en plus nombreuses, à juste titre souvent (une entrée en maternelle dont les difficultés sont anticipées, un passage au collège où l’on s’inquiète de la multiplicité nouvelle des intervenants, une entrée en lycée professionnel qui requiert des aménagements spécifiques des accès et des locaux), « à faire hurler » parfois.

Ce gamin qui rentre en 6ème, sa mère ayant du mal à « couper le cordon » et qui veut que la MDPH statue sur un handicap avec un WISC supérieur à 120, sans trouble aucun, ni des apprentissages, ni du comportement, mais qui prévoit que « ça va mal se passer, je connais mon fils ; s’il est handicapé, on y fera attention ».

Cette petite qui termine son CE1 et dont l’enseignante actuelle demande la mise en œuvre d’un PPS, parce que « la maîtresse de CE2 ne va pas savoir s’occuper d’elle, elle fait la même chose pour tous ses élèves ».

Ou à l’inverse, ce jeune en fauteuil, qui entre en 2nde et dont le futur proviseur refuse de déplacer la classe au rez-de-chaussée malgré l’absence d’ascenseur dans l’établissement : « il n’a qu’à aller dans un autre lycée, moi j’ai assez à faire avec mes zonards de banlieue pour m’occuper des éclopés ».


Cette détresse qui envahit mon bureau, ces demandes fondées, ces récriminations insupportables, ces dysfonctionnements, je ne les quantifie pas. Ils ne constituent pas – pas encore – l’essentiel de mon travail, qui reste passionnant. Mais j’ai le sentiment qu’ils sont plus nombreux à mesure que les aides internes à l’École diminuent et que la MDPH, emportée par une définition extensive du handicap, et par une pression que proximité et clientélisme politique (gestion Conseil Général) exacerbent, ouvre les vannes de la pompe à finances.

Plus nombreux, et plus difficiles à supporter. En quatre ans, en effet, je suis passé d’une approche compassionnelle de l’accompagne­ment à une approche « professionnelle ». Les gamins handicapés dont je m’occupe ont besoin que quelqu’un garde « la tête froide » pour être porteur des réponses à leurs besoins, et non aux désirs des parents, aux envies des soignants ou aux réclamations des enseignants. Ils sont l’enjeu de querelles de territoires, de manifestations de pouvoir, de chantages affectifs qu’il est nécessaire que quelqu’un pointe du doigt afin qu’ils n’y soient pas enfermés.

Et qu’ils demeurent ce qu’ils sont : des jeunes en devenir, en souffrance, en désir, qui ont à construire leur vie pour et par eux-mêmes, sans porter, en plus de leurs déficiences ou de leurs incapaci­tés, la charge d’adultes qui se servent d’eux pour mieux exister.

Afin de sortir d’une lecture restrictive de la loi de 2005 qui se focalise sur « l’égalité des chances » en oubliant « la participation et la citoyenneté »...

M. Barthélémy
26 mai 2009

*   *   *
*

Pour écrire à M. Barthélémy : “monsieurbarthelemy–AROBASE–gmail.com” (...en remplaçant bien sûr “–AROBASE–” par “@”)

Informations sur cette page Retour en haut de la page
Valid XHTML 1.1 Valid CSS
Dernière révision : dimanche 02 février 2014 – 18:25:00
Daniel Calin © 2014 – Tous droits réservés