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Chronique 6
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Un texte de M. Barthélémy
 

Je reviendrai dans une autre chronique sur l’absence de formation initiale des enseignants référents et sur l’inanité de leur formation continue : elles sont à l’image de celles des enseignants en général...

Si l’on accepte d’en être de sa poche (inscription : 30 €, repas : 45 €, hôtel : 40 €, un plein d’essence, les péages) [et même si, sur le principe, je dois me faire violence pour m’y résoudre], des opportunités existent, cependant, qu’il s’agit de saisir. J’ai ainsi pu, le week-end dernier, assister au 3ème séminaire inter-universitaire sur la clinique du handicap organisé à Rouen. Intitulé Handicapés... Soi, l’autre, autrui, ce séminaire avait pour objet d’appréhender la personne handicapée dans sa dimension de sujet, en s’interrogeant sur ce qu’elle a à nous dire de sa propre place et ce que nous lui disons d’elle-même par nos mots, alliés et traîtres, et nos regards.

Quelques idées fortes avec lesquelles je suis rentré, fortes sans doute parce qu’elles rencontrent ce à quoi je crois...

Les non-dits sont plus lourds à porter que les paroles les plus douloureuses. S’il n’est pas utile, voire contre-productif, d’aller au-devant des questions, il s’agit de ne rien cacher, en particulier à l’enfant handicapé. Nommer permet de commencer à élaborer.

En retour, il convient d’entendre ce que la personne handicapée nous dit d’elle-même et de ce qu’elle perçoit de la manière dont on la voit. Qu’est-ce qui, en effet, nous empêche de considérer la personne handicapée comme une personne à part entière, si ce n’est la peur de questions primordiales, archaïques, sur la mort, l’origine, la filiation, l’inscription dans la grande histoire de l’Homme, cette narrativité qui nous rassemble ?

Quand Elsa m’aborde en me disant « Je suis trisomique, et toi ? », ou quand elle me dit « Paul [son petit frère] a un zizi et moi je suis trisomique », ne me dit-elle pas, tout à la fois, que si elle grandit, elle ne sera plus trisomique et/ou que dans un monde sexué il y a les garçons et les trisomiques ? Et n’est-ce pas ainsi ma construction du monde qu’elle questionne ?

Quand la maîtresse explique aux camarades de la classe les besoins particuliers d’Elsa en leur disant « Elsa est encore petite », ne dit-elle pas « Quand elle sera grande, elle ne sera plus trisomique », ce qui est un déni et un leurre ?

Car, autre maître mot de ces deux jours, s’il est évident que la définition environnementale, sociale de la situation de handicap a des effets positifs sur ce qu’elle peut induire de plus grande bienveillance de nos regards, il n’en reste pas moins que le handicap est irréversible et devient élément constitutif de ce qu’est la personne. Vérité que nos mots édulcorés (mal voyants, malentendants) finissent par cacher, ce qui est une autre manière de disqualifier une nouvelle fois les personnes handicapées.

Enfin (puisqu’il faut choisir ce qui m’a le plus marqué dans ces deux journées), cette question qui touche au plus près de ma pratique quotidienne : quand je m’adresse à l’enfant, à quel enfant je m’adresse ? À l’enfant de maman, à l’enfant de papa et maman, à l’enfant « moi je » ? Est-ce que je ne m’adresse pas aussi à l’enfant qui est (encore) en moi ? La question que nous pose les enfants handicapés n’est-elle pas « Maman, est-ce que tu m’aimes comme je suis ? ».

Et si notre malaise venait de là : n’est-ce pas la question que nous nous posons sans fin et dont il n’est pas toujours certain que nous ayons envie d’entendre la réponse ?

M. Barthélémy
30 septembre 2008

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