Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
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Mon travail d’instit’ spécialisée en UPI

 

 
Un texte de Claire Jacob
instit’ spécialisée en UPI


Autre texte de Claire Jacob  Voir sur ce site un autre texte de Claire Jacob.

 

Je travaille dans un collège parisien dans une UPI (Unité Pédagogique d’Intégra­tion). C’est une structure qui accueille 10 élèves, reconnus comme porteurs d’un handicap mental par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Deux AVS (Auxiliaires de Vie Scolaire) à mi-temps travaillent avec nous. L’objectif principal de l’UPI est de permettre à ces élèves d’être le plus possible en cours avec les autres collégiens et de participer à la vie sociale du collège.

Une fois cela posé, on a tout dit mais concrètement rien.

Deux questions d’abord :

 

Handicap mental

Cela recouvre des réalités très différentes : jeunes trisomiques, autistes ou avec des troubles psychologiques divers, tous ont des déficiences intellec­tuelles plus ou moins importantes et/ou des troubles du comportement.

Leur comportement est cependant compatible avec le respect des règles de vie d’un collège.

Ce sont ces dix jeunes avec lesquels je travaille pour qu’ils soient scolarisés :

 

Le plus possible en cours avec les autres collégiens ?

Et c’est là la difficulté et le côté passionnant de mon travail.

Travailler avec chacun, construire avec lui, sa famille et les thérapeutes un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS). Trois réunions par année scolaire rassemblent tous les adultes responsables de différentes façons du jeune, autour de lui, pour ensemble se donner des objectifs, mettre en place, faire le point, tenir compte des évolutions, de ses difficultés, des potentialités qui se révèlent, des aides à apporter.

Cela pour chacun des 10 élèves.

Concrètement, un de mes élèves a pu, au bout de 3 ans, aller en cours de dessin 1 heure par semaine. Un autre peut être présent en cours quasiment dans toutes les matières pour sa dernière année de collège (en classe de 3e et de 5e). Entre ces deux extrêmes, tous les cas de figures.

L’important est, pour moi, mais surtout pour le jeune, que l’évolution soit positive.

Le collège est un lieu d’apprentissages, sinon l’élève n’y a pas sa place.

 

Le travail dans la classe UPI

Suivant ses difficultés et son niveau, le jeune sera donc soit en cours avec un professeur du collège, soit dans la classe UPI pour des aides à la compré­hension des cours qui lui ont été dispensés ou pour des apprentis­sages du niveau CP au CM2.

Le travail est individualisé, à la fois pédagogique et psychologique.

Souvent, un élève de 12 à 16 ans a déjà été plusieurs fois confronté à cet apprentissage, à ce concept et ne l’a pas compris. Où est le blocage ? Qu’est-ce qui handicape l’élève ? Comment faire pour que la relation pédagogique permette de surmonter les nombreux échecs passés, aide le jeune à accéder à un niveau supérieur de compréhension ? Quel chemin va lui permettre de passer l’obstacle ? Cela peut être l’enseignante, l’AVS, un autre élève qui va être le déclencheur. Mais ce qui est impératif, c’est le climat de confiance (pas de moquerie), de recherche, de motivation qui est créé.

Réassurer le jeune, lui donner l’estime de lui-même, expliquer qu’avant de savoir, il faut accepter de ne pas savoir, qu’on a le droit à l’erreur sans que cela veuille dire qu’on est rien. Pour beaucoup, se tromper, c’est devenir soi-même nul, entièrement. Leur identité est tellement peu solide que c’est leur moi entier qui est remis en cause. L’enseignant doit faire preuve en perma­nence d’un respect total et d’un optimisme pédagogique sans faille pour s’opposer à l’écroulement qui menace l’élève.

En cela le travail dans l’UPI est totalement individualisé – et épuisant psychologi­quement parlant. Le handicap rend l’élève encore plus unique qu’un élève ordinaire.

Il faudrait aussi parler du travail sur le langage verbal et corporel. La plupart de ces élèves n’arrivent pas à communiquer. Pour des raisons diverses, ils n’ont pas les mots pour exprimer leurs émotions, leurs réactions. Par un travail régulier d’expression corporelle, de théâtre, de mise en mots dans la régulation des conflits, les 10 élèves, les 2 AVS et l’enseignante cherchent ensemble à acquérir savoirs, savoirs faire et savoir être.

L’UPI doit être le lieu où reprendre pied quand nécessaire, un cocon que l’on doit apprendre à quitter.

 

Un travail de coordinatrice

J’ai déjà évoqué le travail essentiel de réunir autour de chaque jeune les différents partenaires du PPS afin de définir ensemble des objectifs communs. Il est parfois nécessaire de rencontrer par ailleurs les parents ou les thérapeutes. Il est aussi indispensable de rencontrer régulièrement les professeurs du collège, soit individuellement, soit plus collectivement, pour discuter du travail de chaque élève, des objectifs que l’on se fixe, des adaptations des exercices ou des contrôles nécessaires, de l’évolution de chacun, des aides à apporter en plus ou... en moins (trop d’aide ne favorise pas l’autonomie).

Les 2 AVS apportent à l’UPI une richesse humaine et une aide inestimable. Ils sont étudiants, adultes mais de l’âge des grands frères ou grandes sœurs. Ils ne sont pas enseignants mais possèdent des qualités personnelles dont les élèves peuvent profiter. En cela, ils sont membres de la petite communauté éducative de l’UPI dont l’enseignante est responsable. Une rencontre hebdomadaire est indispensable pour essayer de comprendre, à 3, ce qui se passe dans le groupe, analyser ce qui se joue, mettre nous aussi des mots sur nos réactions, nos émotions. C’est un temps pour décortiquer, réfléchir à l’évolution de chacun, faire le point pour donner de la cohérence à notre travail commun.

 

Un travail dans le collège

Devenir partie de la communauté éducative, être connue et reconnue par le personnel enseignant et non enseignant pour ce que l’on est, pour ce que l’on fait. C’est un travail de longue haleine mais indispensable car, sans être soi-même intégrée, comment intégrer les élèves d’UPI ?

J’ai évoqué le travail scolaire en cours et à l’UPI, mais l’insertion sociale parmi les autres collégiens reste un souci, parce qu’ils ne sont pas toujours en classe avec les mêmes, parce qu’ils ont des difficultés pour communiquer et aussi tout simplement parce qu’ils sont différents. J’ai pu constater le respect avec lequel les autres collégiens les considéraient. Mais comment s’aborder mutuellement ? De part et d’autre nait une timidité.

C’est pour cela qu’est née l’idée d’un journal de collège. Quoi de mieux qu’un projet commun pour apprendre à se connaître et rendre surmontable les différences ? C’est une idée, il faut continuer à chercher.

 

Et après l’UPI ?

Là aussi, c’est le travail de l’institutrice spécialisée. Un sujet à travailler en PPS avec les parents et les thérapeutes.

Jusqu’à l’année dernière, les élèves d’UPI pouvaient passer le CFG (certificat de Formation Générale), diplôme souvent passé par les élèves de SEGPA, qui a l’avantage de donner un « niveau » et peut permettre le passage en lycée professionnel pour préparer un CAP. Brutalement en septembre dernier et sans aucune explication, l’accès à cet examen en contrôle continu a été retiré... À la stupéfaction de tous, y compris de nos inspecteurs...

Pour réfléchir à l’avenir de ces jeunes, il faut tenir 2 choses :

C’est pour cela que, deux fois une semaine par an, je leur propose de faire un stage, type stage de 3e (découverte professionnelle). Trouver 10 stages, même si des parents s’y investissent aussi, c’est un énorme travail ! Et y réfléchir avec les élèves, avant et après, pour que ce stage soit le plus constructif possible.

Après les années UPI collège, le jeune peut aller :

 

En guise de conclusion

Les structures UPI sont encore très jeunes ; les enseignants spécialisés tâtonnent pour construire, souvent avec enthousiasme, une structure adaptée à leurs élèves, au collège et au monde qui les entoure.

On a bien compris que ce n’est pas seulement un métier d’enseignant mais que de nombreuses autres tâches leur incombent. C’est ce qui fait ce métier aussi passionnant. Il demande beaucoup de temps, d’investissement personnel, de disponibilité et de discernement.

Qu’en serait-il si ce groupe de 10 s’agrandissait ?

C’est pourtant ce qui est en train de se produire à Paris pour l’année prochaine 2008/2009. Sans se soucier des textes (circulaire du BO n°9 du 1er mars 2001 qui stipule que l’effectif d’une UPI pour des élèves présentant des troubles importants des fonctions cognitives ne peut excéder 10 élèves) ni de ses enseignants qu’elle n’a même pas informés, ni des parents qui sont demandeurs d’une scolarisation certes, mais de qualité, l’Académie a décidé de « caser » tous les élèves handicapés. Pour les personnes décisionnaires, il s’agit d’un exercice comptable : tant de jeunes handicapés à répartir dans tant d’UPI, sachant qu’il faut faire des économies...

Qui va rouspéter, même si on piétine les règlements ? Pas les parents, trop contents d’avoir une place à l’école et pas informés des conditions dans lesquelles leur enfant va être scolarisé. Les enseignants ? Ils sont face à des personnes, élèves et parents, et non des dossiers ; ils ne peuvent mettre des jeunes à la porte ! On voit bien là la perversité de cette stratégie.

Une expérience pédagogique se meurt... Difficile de se battre car elle est peu connue. Pourtant une riposte commune s’organise pour la rentrée... avec un soutien le plus étendu possible.

Claire Jacob
Août 2008

 
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Dernière révision : jeudi 30 janvier 2014 – 15:30:00
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