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La participation des usagers à leur projet, à la définition de la manière dont ils vivent, leur implication, leur « empowerment », la collaboration des professionnels à la réalisation du projet de l’usager (et de ses parents), tout ceci relève aujourd’hui d’une banalité, née parfois au forceps dans les établissements médico-sociaux après la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Mais cette banalité consensuelle se traduit à la fois par de réelles avancées et à la fois par de fortes résistances à la prise en compte réelle et complète de ce principe de relations avec les usagers, que ce soit sur le plan de la relation institutionnelle ou organisationnelle ou sur le plan de la relation individuelle professionnelle. Ainsi par exemple, dans les EHPAD, au nom de l’impératif de « zéro risque », on met des contraintes fortes sur les droits des personnes, jusqu’à les alimenter de force ou les empêcher de sortir.

Sans arriver à ces extrémités, des choix sont faits dans les établissements médico-sociaux qui dérogent aux droits fondamentaux. Dans un institut spécialisé, la prise en compte des jeunes et de leurs parents s’est traduite par la mise en œuvre de moyens techniques et humains : désignation d’un éducateur spécialisé comme coordonnateur du projet, temps de recueil des attentes et d’identification des besoins, procédures de déroulement des rencontres, co-écriture des objectifs du projet personnalisé d’accompagnement, etc. Au fil des ans, l’évolution fut positive, les parents et les jeunes se saisissant de ces outils pour se faire entendre, et les approches des professionnels évoluèrent également dans l’attention portée aux avis des personnes accompagnées.

Mais, parallèlement, tout ceci devait s’inscrire dans des contraintes d’organisation et de dispositifs sur lesquels les parents n’avaient aucune prise, et qui s’imposaient à eux. Par exemple, dans un dispositif de scolarisation de jeunes sourds, plusieurs parcours sont proposés, toujours accompagnés par des professionnels spécialisés maîtrisant la langue des signes : inclusion totale dans une classe de collège, inclusion partielle lorsque le dispositif le permet, inclusion minimale (en EPS et arts plastiques). Les jeunes sortant d’école élémentaire (CM2 ou ULIS) arrivent au collège avec un « profil » de compétences, d’apprentissages et d’habitudes scolaires. En fonction de ces critères de « niveau », ils sont répartis dans l’un ou l’autre de ces parcours au regard du « projet » des professionnels les concernant, et non au regard des projets des parents. Pire même : si un parent avait envie que son enfant aille en 6e (collège avec inclusion totale), il en serait dissuadé par l’expertise des professionnels. Alors que, dans le système ordinaire, il peut faire valoir son droit commun même si une équipe enseignante a donné un avis dans un autre sens.

Dans ce dispositif, il n’a pas le choix. Il ne peut faire valoir son projet face au discours professionnel pluridisciplinaire indiquant qu’il n’a pas les compétences (le niveau), la langue, l’attention, le soutien, les ressources, etc., voulus et considérés comme nécessaires. Ils n’ont finalement d’autre choix que celui d’adhérer au projet des professionnels, qui vont faire de leur projet un destin pour l’élève, et de se soumettre à la répartition proposée. C’est en cela que le principe de participation, pourtant présent dans les pratiques et les nouvelles valeurs professionnelles est encore loin d’atteindre sa pleine réalisation face aux habitudes et contraintes qui s’imposent dans et par l’institution.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
16 juin 2017

 
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