Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
(Site créé et animé par Daniel Calin)

 

Cancerto en lamineur

 

 
Un texte de Jacky Poulain


Autres textes de Jacky Poulain  Voir sur ce site les autres textes de Jacky Poulain.

 

 

Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux.
Un moment nous serons l’équipage de cette flotte composée d’unités rétives,
et le temps d’un grain, son amiral.
Puis le large la reprendra,
nous laissant à nos torrents limoneux et à nos barbelés givrés.

(René Char, « Sept saisis par l’hiver »,
dans Chants de la Balandrane, Gallimard, 1977, p. 16.)

 

En guise de préface

Ça m’impressionne beaucoup, ta capacité à mettre l’horreur en mot. Je suis certain intuitivement que cette capacité est en lien étroit avec tes capacités professionnelles de rééducateur, probablement peu communes...

Ça m’impressionne parce que je ne sais pas faire, évidemment. Je sais écrire, je crois, même bien, mais pas “littératuriser” l’horreur, ce qui est pourtant précieux. J’ai été autiste vers dix-huit mois / deux ans, pour cause de psychiatrie maternelle rampante, qui a explosé trente ans plus tard, mais moi je savais depuis toujours. Je passais mes journées à déchirer en petits morceaux le catalogue de La Redoute. Enfant très sage, s’extasiait mon entourage, père en tête, gentil profondément, mais totalement étranger aux horreurs de la maladie mentale. Comme je te le disais, dès que ça merde sévère, je redeviens autiste. Très efficace. Incroyablement efficaces, les défenses autistiques, on ne le sait pas assez, comparativement, les névrosés sont des petits bras, des gagne-petit. Mais problème : les autistes ne parlent pas. Et ceux qui parlent ne se parlent pas. Pas l’intime essentiel en tous cas, jamais. Même les autistes qui écrivent n’écrivent que leurs défenses, pas leurs affects, enfin, pas leurs affects “pulsifs”, seulement leurs affects “défensifs”. Alors “ça” se tait, le pire ne sort jamais, seulement des détours. Toi, tu dis le gras de l’horreur. C’est dur à dire, mais ça me fait un bien fou : même si nos histoires sont différentes(1), tu mets en mot une horreur que je ne peux pas mettre en mots pour mon compte, seulement ses méandres événementiels, pas l’intime.

C’est ça, la littérature, la grande, pas distraire pour un sou, au contraire, donner les mots qui nous manquent pour dire l’horreur, donc pour mieux respirer malgré l’horreur.

Daniel Calin

 
*   *   *
*

13h 29...

Je mesure bien l’incongruité de ma démarche. Me voilà bien loin de la contribution d’un professionnel à d’autres professionnels, dans une revue de professionnels(2)...

Mais bon, c’est ainsi : le thème, d’abord, une « hospitalité » jamais démentie dans ces colonnes, et enfin, peut-être, l’illustration de l’idée que derrière chacun des « personnels » de l’Éducation Nationale, il y a une personne, avec son histoire singulière et ses aléas.

 
*   *   *
*

L’intime mité

Apparent désordre qui me fait écrire ce texte seulement maintenant – et peut-être trop tard pour parution – alors que la logique aurait sans doute voulu que je commence par là.

Probable manière de s’arranger pour qu’il soit trop tard : les pièces du puzzle étaient sur ma table, j’en ignorais la pièce maîtresse.

Les deux premiers morceaux – mes premières narrations – me voyaient rôder et tournicoter autour de la question de la mort, celle de deux proches(3) ; j’étais quand même déjà dans le tracas quant à ma propre santé, mon propre devenir, et une inquiétude sourde, sournoise autour de « Qu’est-ce qui me dérange et m’agresse de mes propres entrailles depuis quelques mois ? » « Qu’est-ce qui fait peut-être son nid dans mon ventre depuis ce jour de juillet où j’ai connu deux coups de semonce très brefs, très vifs, et qui depuis prospère et m’exaspère ? »

J’ai donc eu l’occasion de vivre ces jours-ci une expérience extrêmement corporelle, corporellement extrême, une coloscopie.

Où l’on bascule de l’intime à l’extrême.

À savoir que s’exposer, être palpé, examiné, piqué, manipulé, bandé, ouvert, fermé, etc... (J’en oublie sûrement...), on connaît tous et toutes, de près ou de loin.

À la frontière, se situeraient peut-être les examens gynécologiques : la pudeur – si liée à l’intime – ne s’y retrouve jamais...

La caméra introduite dans le corps et remontant le côlon, les intestins, bouleverse la donne, pour qui n’a connu de son corps interne que quelques clichés radiographiques.

Vous voilà in vivo, in situ, de visu, dans une autre dimension, vaguement déréalisé puisque vous êtes à la fois spectateur allongé et ce tunnel sur l’écran, cet intestin « plus vrai que nature » grâce à l’image vidéo d’une très grande qualité...

Expérience fascinante, réalité impensable sous votre regard, pendant que vous écoutez les commentaires du médecin : « Le poids des mots, le choc des images », vous y êtes.

À vivre une sorte de dédoublement, puisque là sur cette table d’examen, ressentant la caméra, le gaz injecté, et dans le même temps ailleurs, projeté à distance ; ici souffrant et galérant, là-bas observant et découvrant : je suis ce long tunnel...

Je ne suis que ce long tunnel, dans la « pulsion scopique » chère à Dolto, l’envie de voir et de savoir.

Et maintenant, je sais.

Alors ce matin, quand on m’a demandé comment j’allais – civilités d’usage – j’ai répondu que j’avais la crève, mal aux dents... et peut-être un cancer.

 
*   *   *
*

« J’ai pas de veine(s)... »

8.12.98. Hôpital de Sallanches

Attente des résultats de diverses radios ; surprise encourageante : en fond sonore, Radio France Savoie égrène l’horoscope du jour :

– « Gémeaux : vous avez toutes les chances de votre côté »...

Voilà au moins une journée qui devrait bien commencer... (ce fut le cas !)

En tête, l’article de Libé entrevu voilà une heure :

« Ce n’est pas de mon cancer que je souffre, c’est de l’incapacité à affronter la mort » (Émile Copfermann(4) ; vieux, lui...).

 

20.12

Me voilà dans l’inquiétante éventualité de vérifier l’adage qui veut que vraiment, « ce sont toujours les meilleurs qui s’en vont »... : je ne me suis jamais tant aimé !!

 

Scintigraphie, hôpital de Bonneville, médecine nucléaire

Cette trouille quand allongé, immobilisé sur la table d’examen, l’œil que vous gardez sur le moniteur vidéo découvre avec horreur une tache luminescente qui apparaît, grandit, s’affirme et confirme, scintille bientôt de mille feux : saloperie ! Vous êtes cuit ! En plein dans la zone redoutée... « Et merde... »

• « Vous pouvez vous rhabiller, c’est fini ; ... Ecoutez, sans arrière-pensée, pour moi, il n’y a rien, l’examen est bon »...

• « Et ça, là ? »... (Vous n’en croyez pas vos oreilles !)

Toutes deux se regardent, pouffent et m’annoncent : « Mais c’est l’image de votre vessie, ça ! » (encore pleine d’un liquide « radio-actif »). Une suée pour rien. Je pèse une plume en sortant de cette salle... Je pesais dix tonnes avant que cette onde de soulagement ne... m’irradie.

 

Radiothérapie, hôpital d’Annecy, 3ème séance

Hasard malencontreux ? Il faut que ce soit juste de l’autre bord du couloir de ce service que se trouve... la chapelle. Allez savoir pourquoi, je m’en trouve contrarié...

Les chants religieux ont une résonance particulière, ici, j’en témoigne. Et vous vous dites : « Décidément... »

Moyenne d’âge dans cette salle d’attente : 60/70 ans. Et vous ne pouvez vous empêcher de penser : « Mais qu’est-ce que je fous là, MOI ? », immédiate­ment traversé d’une pointe de honte d’oser penser cela...

Idem : La porte entrebâillée nous lâche des bouffées d’une religiosité tenace. Vous voilà tenaillé par une curiosité plutôt incongrue dans ces circonstances : vous vous surprenez à passer un bon moment à essayer de déterminer si ce sont de VRAIS chants, ou bien une cassette...

 

20.12. Radiothérapie, Annecy

Salle d’attente. Pas sensiblement Noël, ici... Les regards trouent les chaussures ; les mains mendigotent, se chiffonnent, torchonnent... Les corps pliés, ployant sous le stress, l’attente, le doute, la fatigue, l’exaspération, le renoncement pour certain(e)s...

Tous et toutes ici – je suis du nombre – sont habités par une ou plusieurs saloperies qui ont nidifié, pris leurs aises, bouffant, rongeant, roupillant un peu, puis désintégrant à nouveau qui du viscère, qui du tissu, qui de l’os, de la viande saine, propre, brillante, de la tuyauterie jusqu’à ce jour irréprochable, impeccable...

 

Le chirurgien (Cluses)

Visiblement un peu vexé, offusqué de s’entendre réduit, ramené à un travail de simple technicien ?

Amalgame inconscient entre technicien de surface / technicien des profondeurs ? C’est vrai qu’entendu ainsi, c’est plutôt peu flatteur.

 

Annecy, salle d’attente

L’endroit est propre, implacable...

Chuchotis, papotages ; regards perdus, regards perdants ; du pied qui tape, des solitudes mal vissées ; maux-croisés, une distraction...

 

27.12

Quand même, mourir AVANT Jean-Paul II ou Boris Eltsine, ça me tuerait...

Sales d’attente ; Habitué(e)s déjà...

 

23.12. Annecy

Lu au passage, dans le long couloir un peu sinistre reliant deux halls, sur des palettes de produits pharmaceutiques en attente de déballage : « NE PAS GERBER »...

La psychologie est à la mode ; on la trouve à tous les étages, à toutes les sauces, bientôt dans tous les services. D’où :

• Le psy est-il compris dans le service ?

• Le comble : le psy est incompris dans le service...

 

24.12

Noël 98 aura senti le sapin...

 

28.12. Annecy, salle d’attente

Table basse surchargée de revues, magazines... Femme Actuelle me tend les bras et son titre : « Témoignage : Quand l’hôpital fait beaucoup plus de mal que de bien. »... !

Cobalt : Un joli bleu, jusqu’à ces jours...

Me voilà vert, luisant, radio-activé ; nuit de Noël : auto-illumination ?

L’impatience grandit : plus d’une heure de retard et d’attente. Objet de discussion ; tout le monde s’y met. Conclusion (supposée apaisante ?) d’un ambulancier replongeant le nez dans sa revue : « De toute façon, ON n’a plus qu’à prendre son mal en patience... »

 

30.12. Annecy

Enfin trouvé à quoi me fait immanquablement penser le bruit des rayons : le métro, juste avant qu’il redémarre...

Rester vivant, jusqu’à la mort.

 

31.12. Annecy. Entresol, coin-fumeurs, dans le grand hall

Échanges de vue, bavardages entre habitués ; les perfusés promènent leur matériel. Évocation des malheurs respectifs. Silence. Conclusion de l’un d’eux : « De toute façon, j’ai pas de veine... »

Les mêmes, plus tard. Discussion entre ceux qui restent en ce jour de fête et ceux qui ont obtenu un « bon de sortie » pour le week-end ; tous d’accord pour penser qu’ici, « demain, ce sera mort »...

Effrayants, les cendriers débordants, « espace-fumeurs », à l’hôpital.

 

1.1.99

Les petits matins, ... blême.

 

4.1. Sur la route

Comment (sup)porter ça, un cancer : « la croix et la bannière ? »

Ni l’un, ni l’autre, tant que ça se peut, ni l’un ni l’autre...

 

5.1. Cancerto en lamineur ?

Il y a des circonstances où quand même, on se dit qu’un suicide, ça faciliterait la vie...

Le cancer, un peu comme le FN : ni banaliser, ni diaboliser ?

Vos regards sont des miroirs qui quelquefois se dérobent : j’y lis ma bonne ou mauvaise mine, j’y lis notre effroi de la maladie et de la mort, j’y vois le désarroi dans lequel je vous mets.

 
*   *   *
*

D’un printemps à l’autre

Avril 99


  Les dégagats de la vieillesse...


  Le dire, quand même, puisque pensé bien souvent : la radiothérapie et son côté micro-ondes, recto-verso, cuit dedans, froid dehors ...


  Rencontre en ville d’un psy de mes connaissances. Conversation : « Alors, comment vas-tu ? » (lui) ; « ... ça dépend où tu m’as laissé... » (moi) ; « Ben... là où tu en étais... » (lui). Etc... En fait, il avait appris ma maladie par un tiers, entre temps ; les psy, incurablement psy, parfois... !


  Hier, aujourd’hui, deux mains ...


  Beaucoup moins philosophe, pendant toute une période...


  Un comble possible, en ces périodes : avoir à tuer le temps !


  Les jours, les semaines, les mois défilent : je suis, je reste au garde-à-moi...


  Cioranique : « Tant qu’il y a de la vie, il y a du désespoir ?! »


  Une vie de train : une existence à regarder passer les vaches. (mais les trains se suicident assez rarement...)


  M., me voyant arriver, après quelques semaines : « Tiens ! Un revenant ! »


  Radioscopie : Jacques Chancelle ?


  Je ne sais pas si je suis ou non sur le départ ; il semblerait que non : attendons l’automne. Ce qui est sûr et réjouissant, c’est que les hirondelles, elles, ailes, sont de retour.


  Au pire : « La pluie fait des plaquettes... » (air connu !)


  « Le temps se gâte : métastases, tes gants et ton bonnet... »


  Je traîne un peu au lit. Courage ! Le jour se lève, lui...


  Chimiothérapie, ce lundi : poison d’avril !!


  Singulier pluriel : « Le chasseur de prime », « Les chasseurs dépriment ».


  Le troisième âge emprunte-t-il les patins pour ne pas rayer le parquet ciré du temps ? La vieillesse enfile-t-elle des chaussons pour ne pas faire craquer le bois de l’escalier ?


  Jeudi, 8h. du matin. Le « coin-fumeurs » de l’hôpital s’éveille ; les habitués sont déjà là.
Éveil musical : une très ancienne petite frappe (?), le ventre sur les genoux, tricot de corps vraiment très près (du corps), s’essaie à quelques trilles ; ça sifflote incongru, entre autres « Hello, le soleil brille ! » (il neige depuis le début de la nuit...)
Arrive un « collègue » ; évocation de javas préhistoriques, du temps où « tous les dimanches, y avait baston, c’était couru ! » Mais pas « avec la méchanceté, comme aujourd’hui... » S’il le dit.


  On se regroupe par affinités, évidemment. Ici on défait le Kosovo, là on refait l’équipe de Marseille... Ou l’inverse. Les actualités, comme on dit.


  Mauvaise nuit, entrelardée de mauvais sommeil, de veilles médiocres et assommantes ; l’usine fonctionne toute la nuit.


  Conciliabules, messes basses, confidences, tractations, dialogues à tous les étages, dans tous les coins de couloirs... Toutes ces peines, tout ce malheur, ces chagrins condensés en si peu d’espace : ça suinte, comme une mauvaise plaie...


  « Eh ben, du côté de la tante à Mémène, FAUDRA LES TUER, HEIN ! : lui 96, elle 97 ans !! »
– « Oh moi, ma mère, dès que je vois que la tête y est plus, je lui colle une boulette, et « bonsoir Clara ! »


  La bande de vieilles pies – mâles – se retrouve pendant des heures, là, autour du cendrier. Ils grillent des souvenirs, s’enfument de bons mots, rallument leurs douleurs, écrasent de fausses larmes, s’enflamment d’histoires d’amour ; suçotent le vent mauvais, ruminent leur aigreur, ramonent les rancœurs, resucent des bribes de passé, refoulent du goulot... et suscitent le détour : s’en foutent royalement !


  « Chro » ou pro, peu ou prou. Mais chro : ? Né chro ? S’agit de s’entendre sur l’idée et subséquemment sur l’orthographe : « Chro » de chronique ? « Kro » de Kronenburg ?
Étude du milieu approché ci-dessus : une sorte de nécro-logique ? Hin... 


  Désir, auto, mobile : L’attraction avant ?


  L’actualité quotidienne : la tachée de presse ?


  Apprendre quand même à se regarder et (se) vivre comme un futur souvenir, pour soi, pour les autres : drôle d’impression. Imaginons...


  Bombe à retardement, compte à rebours, horloge infernale, etc... Mais qui déclenche les « frappes » ?


  Cauchemardesque, oui. Mais où est le début ? Où en est la fin ? Va savoir. Mauvais rêve, gueule de bois, ouais.


  Depuis novembre, j’ai réussi tous mes examens !


  Un corps dans une baignoire, c’est considérable... ça vit, ça palpite, ça clapote tranquille, vivant ; ça ondule, ça luit, tout a l’air de fonctionner si bien, dans la chaleur bienfaisante et liquide, vaguement amniotique, ben tiens...


  Sallanches, hôpital, début mai. Échographie cardiaque. Je comprends enfin pourquoi j’ai si peu de cœur : « masse : 136,84 g ». Tout bien pesé, allez donc déborder d’amour avec un riquiqui pareil...


  Chimio-Kosovo, même combat : plus d’un mois qu’on n’en finit pas « d’intensifier les frappes » ; à ce train-là, je vais survivre au conflit...


  Panier de crabes, hmm. J’y barbote.


  6.5. Labo d’analyse, Sallanches. « Et c’est pour...? » – « ça dépend ce que vous voulez savoir ! » – « Euh... Quel organe, parce que ça change des choses par rapport à des gens normaux ; euh... entre guillemets... »
« » Entre guillemets, oui.


  « Au moins, y a pas de problème avec vos veines, vous ! » (la même)


  À ma connaissance, « cancre » semble le seul anagramme de « cancer » : ?


  10 mai 99. Hôpital d’Annecy. Hall. Le nombre de regards qui se perdent, par ici...


  Effet du printemps ? La bande de « vieilles pies » s’est envolée, volatilisée. Quartier d’été, en altitude ?


  Étonnant comme dès que groupe, on retrouve la typologie des 7 nains : 1 prof, 1 grincheux, 1 timide, 1 joyeux, etc... mais pas de Blanche-Neige.


  Où donc ailleurs qu’ici trouver le n° « spécial poésie » de la revue Veillées des chaumières ?


  L’enfantement heureux, la maternité épanouie : la « bébéatitude » ?


  Fil à la patte : condamné à 120 heures d’intérêt personnel.


  Desiderata : des idées ratées ?


  Tutoiement de rigueur : ici, on parle entre « collègues »...


  Potence, gibet ; gibier impotent ; poison salvateur, savamment distillé. Alchimiothérapie.


  Loin, là-bas, toujours, une guerre si vile.


  Le stomato : « vendredi, je ferai un geste sur M. Poulain »... Joli, non ?


  Hall, toujours. Il raconte ses frasques, la, sa belle vie (ailleurs, autrefois) : « ... et à 10 heures, casse-croûte ! Mais attention, hein... Tête de veau, tripes et rognons !! »
... Tout ça à quelques mètres des panneaux affichant les différents services, les spécialités médico-chirurgicales (« proposées », au menu ?) de cet hôpital...


  11.6. Annecy. Quelque chose à faire avec les « succès damnés » : ?


  19.6. Mourir, peut-être, mais bronzé...


  28.6. À compléter : le cancer cueille...


  Juillet 99, hôpital d’Annecy. La nuit, quand même, le sentiment de s’embarquer pour une traversée ; le paquebot reste à quai, mais le bruit des machines, les pas dans les coursives accompagnent l’arrivée du sommeil...


  23ème jour de chimio. 23 jours pour découvrir que, quotidiennement, depuis le début, je passe et repasse – entre autres – devant les « chambres mortuaires » : l’inconscient travaille bien...


  5 jours durant, je randonne, parcours des kilomètres, dans un sens, dans l’autre. « En étoile », lirait-on dans un topo. Nuance de taille : en guise de sac à dos, je traîne la potence de la perfusion ; nutritif, mais encombrant !


  Les ambulances ne sont jamais que de très vilains camping-cars, mal conçus pour les longs séjours...


  Bon sens : la maladie, comme une piqûre de rappel (à l’ordre) pour dire qu’il faut bien mourir « un jour ». Et « de quelque chose », ajoute-t-il sentencieusement...


  Scannerfs à vif : rémission dépêchée...


  Juin 2000. La mort n’est rien, c’est entendu : mais la mienne ?


Jacky Poulain
Janvier 2011

 
*   *   *
*

Notes

(1) J’ai traversé un cancer au printemps 2010. Les médecins me disent guéri, autant qu’il est possible de le dire.

(2) Ce premier texte était parti d’un projet d’article, inabouti, pour la revue Pratiques Corporelles.

(3) “Au beau mitan du lit...”.

(4) Voir sa biographie sur le site de son éditeur.

 
*   *   *
*

Informations sur cette page Retour en haut de la page
Valid XHTML 1.1 Valid CSS
Dernière révision : samedi 01 mars 2014 – 18:10:00
Daniel Calin © 2014 – Tous droits réservés