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L’institution des écoles primaires

 

Décret du 27 brumaire an III (17 novembre 1794)


Source Gallica : Collection de documents inédits sur l’Histoire de France publiés par les soins du Ministre de l’Instruction Publique (pages 234 à 237). Par arrêté en date du 12 juin 1889, le Ministre de l’instruction publique et des beaux-arts, Armand Fallières, a ordonné la publication, dans la collection des documents historiques inédits relatifs à la Révolution de 1 789 des Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention nationale, par M. J. Guillaume.

Le plan d’éducation nationale que Joseph Lakanal propose à la Convention le 7 brumaire an III (28 octobre 1794) reprend un projet qu’il avait déjà exposé le 8 messidor an I (26 juin 1793), et qui avait été rejeté par la Convention le 15 messidor an I (3 juillet 1793). Il le présente à nouveau après la chute de Robespierre, avec diverses modifications. Le texte ci-dessous résulte des délibérations de la Convention qui ont modifié le projet de Lakanal, parfois de façon assez substantielle. Ce décret a été adopté le 27 brumaire an III (17 novembre 1794). Il sera remplacé un an plus tard par le Titre I du décret du 3 Brumaire an IV (loi Daunou).

Voir aussi sur ce site le Rapport sur l’organisation des écoles primaires, présenté par Lakanal à la Convention nationale au nom du Comité d’instruction publique, à la séance du 7 brumaire an III (28 octobre 1794).

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité d’instruction publique, décrète :


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Chapitre Ier

Institution des écoles primaires

Art. 1. Les écoles primaires ont pour objet de donner aux enfants de l’un et de l’autre sexe l’instruction nécessaire à des hommes libres.

Art. 2. Les écoles primaires seront distribuées sur le territoire de la République à raison de la population : en conséquence, il sera établi une école primaire par mille habitants.

Art. 3. Dans les lieux où la population est très dispersée, il pourra être établi une seconde école primaire, sur la demande motivée de l’administration du district, et d’après un décret de l’Assemblée nationale.

Art. 4. Dans les lieux où la population est pressée, une seconde école primaire ne pourra être établie que lorsque la population s’élèvera à deux mille individus ; la troisième à trois mille habitants complets, et ainsi de suite.

Art. 5. Dans toutes les communes de la République, les ci-devant presbytères non vendus au profit de la République sont mis à la disposition des municipalités, pour servir tant au logement de l’instituteur qu’à recevoir les élèves pendant la durée des leçons. En conséquence, tous les baux existants sont résiliés.

Art. 6. Dans les communes où il n’existe plus de ci-devant presbytère à la disposition de la nation, il sera accordé, sur la demande des administrations de district, un local convenable pour la tenue des écoles primaires.

Art. 7. Chaque école primaire sera divisée en deux sections, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles ; en conséquence, il y aura un instituteur et une institutrice.

 

Chapitre II

Jury d’instruction

Art. 1. Les instituteurs et les institutrices sont nommés par le peuple ; néanmoins, pendant la durée du gouvernement révolutionnaire, ils seront examinés, élus et surveillés par un jury d’instruction, composé de trois membres désignés par l’administration du district et pris, hors de son sein, parmi les pères de famille.

Art. 2. Le jury d’instruction sera renouvelé par tiers tous les six mois.

Le commissaire sortant pourra être réélu.

 

Chapitre III

Des instituteurs

Art. 1. Les nominations des instituteurs et des institutrices, élus par le jury d’instruction, seront soumises à l’administration du district.

Art. 2. Si l’administration refuse de confirmer la nomination faite par le jury, le jury pourra faire un autre choix.

Art. 3. Lorsque le jury persistera dans sa nomination, et l’administration dans son refus, elle désignera pour la place vacante la personne qu’elle croira mériter la préférence ; les deux choix seront envoyés au Comité d’instruction publique, qui prononcera définitivement entre l’administration et le jury.

Art. 4. Les plaintes contre les instituteurs et les institutrices seront portées directement au jury d’instruction.

Art. 5. Lorsque la plainte sera en matière grave, et après que l’accusé aura été entendu, si le jury juge qu’il y a lieu à destitution, sa décision sera portée au Conseil général de l’administration du district pour être confirmée.

Art. 6. Si l’arrêté du Conseil général n’est pas conforme à l’avis du jury, l’affaire sera portée au Comité d’instruction publique, qui prononcera définitivement.

Art. 7. Les instituteurs et les institutrices des écoles primaires seront tenus d’enseigner à leurs élèves les livres élémentaires composés et publiés par ordre de la Convention nationale.

Art. 8. Ils ne pourront recevoir chez eux, comme pensionnaires, ni donner de leçon particulière à aucun de leurs élèves : l’instituteur se doit tout à tous.

Art. 9. La nation accordera aux citoyens qui auront rendu de longs services à leur pays dans la carrière de l’enseignement une retraite qui mettra leur vieillesse à l’abri du besoin.

Art. 10. Le salaire des instituteurs sera uniforme sur toute la surface de la République ; il est fixé à douze cents livres pour les instituteurs, et mille livres pour les institutrices. Néanmoins, dans les communes dont la population s’élève au-dessus de vingt mille habitants, le traitement de l’instituteur sera de quinze cents livres, et celui de l’institutrice de douze cents livres.

 

Chapitre IV

Instruction et régime des écoles primaires

Art. 1. Les élèves ne seront pas admis aux écoles primaires avant l’âge de six ans accomplis.

Art. 2. Dans l’une et l’autre section de chaque école, on enseignera aux élèves : 1° à lire et à écrire, et les exemples de lecture rappelleront leurs droits et leurs devoirs ; 2° la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la constitution de la République française ; 3° on donnera des instructions élémentaires sur la morale républicaine ; 4° les éléments de la langue française, soit parlée, soit écrite ; 5° les règles du calcul simple et de l’arpentage ; 6° les éléments de la géographie et de l’histoire des peuples libres ; 7° des instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature. On fera apprendre le Recueil des actions héroïques et les chants de triomphe.

Art. 3. L’enseignement se fera en langue française. L’idiome du pays ne pourra être employé que comme un moyen auxiliaire.

Art. 4. Les élèves seront instruits dans les exercices les plus propres à entretenir la santé et à développer la force et l’agilité du corps. En conséquence, les garçons seront élevés aux exercices militaires, auxquels présidera un officier de la garde nationale désigné par le jury d’instruction.

Art. 5. On les formera, si la localité le comporte, à la natation ; cet exercice sera dirigé et surveillé par des citoyens nommés par le jury d’instruction, sur la présentation des municipalités respectives.

Art. 6. Il sera publié des instructions pour déterminer le nombre et la distribution des autres exercices gymnastiques propres à donner au corps de la force et de la souplesse, tels que la course, la lutte, etc.

Art. 7. Les élèves des écoles primaires visiteront plusieurs fois l’année avec leurs instituteurs, et sous la conduite d’un magistrat du peuple, les hôpitaux les plus voisins.

Art. 8. Les mêmes jours, ils aideront dans leurs travaux domestiques et champêtres les vieillards et les parents des défenseurs de la patrie.

Art. 9. On les conduira quelquefois dans les manufactures et les ateliers où l’on prépare des marchandises d’une consommation commune, afin que cette vue leur donne quelque idée des avantages de l’industrie humaine, et éveille en eux le goût des arts utiles.

Art. 10. Une partie du temps destiné aux écoles sera employée à des ouvrages manuels de différentes espèces utiles et communes.

Art. 11. Il sera publié une instruction pour faciliter l’exécution des deux articles précédents, en rendant la fréquentation des ateliers et le travail des mains vraiment utiles aux élèves.

Art. 12. Des prix d’encouragement seront distribués tous les ans aux élèves, en présence du peuple, dans la fête de la Jeunesse.

Art. 13. Le Comité d’instruction publique est chargé de publier, sans délai, des règlements sur le régime et la discipline internes des écoles primaires.

Art. 14. Les jeunes citoyens qui n’auront pas fréquenté ces écoles seront examinés, en présence, du peuple à la fête de la Jeunesse ; et s’il est reconnu qu’ils n’ont pas les connaissances nécessaires à des citoyens français, ils seront écartés, jusqu’à ce qu’ils les aient acquises, de toutes les fonctions publiques.

Art. 15. La loi ne peut porter aucune atteinte au droit qu’ont les citoyens d’ouvrir des écoles particulières et libres, sous la surveillance des autorités constituées.

Art. 16. La Convention nationale rapporte toute disposition contraire à la présente loi.


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