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C’était il y a quelques années. Toutefois après la loi du 11 février 2005 qui posait le principe de l’égalité des droits, et finalement de « considération » pour les personnes handicapées. Fanny est une fille sourde d’une dizaine d’années. Ses parents aussi sont sourds. Elle est scolarisée en classe spécialisée externalisée d’un établissement médico-social. La langue des signes est très présente en famille et à l’école dans cette classe.

Mais la plupart des professionnels sont aussi très désireux que Fanny « parle » oralement (« Quand même, pour s’intégrer à la société, il faut savoir parler »). Fanny a donc des séances de « perfectionnement de la parole » (« l’équivalent » de l’orthophonie, mais effectué par des enseignants spécialisés titulaires du CAPEJS, le Certificat d’Aptitude au Professorat et à l’Enseignement aux Jeunes Sourds).

Sans beaucoup d’efficacité. D’autant que Fanny ne manifestait pas de réel enthousiasme à s’engager dans le perfectionnement de la parole ! Et ce n’était pas non plus la préoccupation première des parents.

Pour une raison dont je ne me souviens plus, il avait été convenu avec Fanny et ses parents d’effectuer un bilan orthophonique. Celui-ci effectué, l’orthophoniste vient me rendre compte des résultats, et des besoins de rééducation. Et, déplorant le peu d’appétence de Fanny et de ses parents par rapport à la langue orale (qu’il s’agisse de perfectionnement de la parole ou d’orthophonie), elle me déclara : « Soit Fanny fait de l’orthophonie et elle pourra peut-être s’intégrer ; soit elle reste comme ça avec sa langue des signes, et elle vivra sa pauvre petite vie de sourde » ... « Comme ses parents ».

J’avoue avoir été si sidéré par ces propos, et peut-être me suis-je senti si à contre-courant d’une partie de la culture institutionnelle, que je restai coi. Je n’ai même pas pu avoir au minimum une réaction d’indignation, qui de toute façon n’aurait pas été comprise.

Mais quand même ! Avoir ces représentations avec de jeunes enfants sourds avec lesquels on travaille tous les jours ne peut qu’assigner ceux-ci (tout du moins ceux qui n’entrent pas dans le projet oraliste des professionnels) à une place méprisée et méprisable !

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
21 mars 2016

 
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