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Le principe des classes externalisées ou du temps partagé entre un établissement médico-social et un établissement scolaire contribue certainement à un cheminement lent vers une inclusion des élèves handicapés dans l’environnement scolaire, mais encore loin du principe d’une école inclusive.

Les élèves ne sont pas nommés selon les catégories de l’école ou du collège, c’est-à-dire les classes de CE2 ou CM2 à l’école élémentaire, les classes de 6e ou de 3e au collège. Les élèves sont dans le « dispositif spécialisé » des “Primevères” ou de “Lino Ventura” (si tels sont les noms des établissements médico-sociaux d’où sont issus les élèves en question). Sur une autre configuration, ils sont au même titre en CLIS ou en ULIS, et pas dans les catégories de l’école : ce sont des “ULIS”. Mais ils ne sont pas, ni à leurs propres yeux, ni aux yeux des autres, des élèves de CM2 ou de 4e. D’où des propos de ce type, qu’on peut entendre sur la cour de récréation ou dans les couloirs : « Il n’est pas en CM2, c’est un “Primevères” » ou « elle n’est pas en 4e, c’est une ULIS », quand ce ne sont pas des propos plus désobligeants, voire insultants.

À l’intérieur même de ces dispositifs, les choses ne sont pas non plus nommées. J’ai connu beaucoup de résistances à vouloir nommer ou catégoriser les élèves selon les catégories de l’école. Il me semblait évident, par exemple dans un dispositif collège que les élèves fréquentaient sur une période de quatre ans, qu’ils avaient droit, comme les autres, à une numérotation de 6e, 5e, 4e et 3e, nonobstant leur compétences scolaires, correspondant, elles, à des compétences d’école élémentaire. Cela leur aurait permis de se situer socialement par rapport à des élèves de leur classe d’âge, de s’approprier la dynamique chronologique de leur évolution dans un collège, de s’identifier par rapport à leurs camarades, etc.

Eh bien non, ce n’était pas possible, pour de multiples raisons. Tout d’abord, ils n’avaient pas le niveau collège, et c’était ainsi leur donner l’illusion qu’ils étaient comme les autres, et donner également cette illusion à leurs parents. Et il fallait bien quand même qu’ils se rendent compte qu’ils étaient différents des autres (la différence étant ici synonyme d’infériorité, même si le mot n’est jamais prononcé). Et si jamais ils se croyaient en 3e, pourquoi ne demanderaient-ils pas d’aller au lycée ?

Le résultat, c’est que ces élèves sont dans la confusion quant à leur statut par rapport au reste du collège, ils s’identifient comme les “ULIS” ou les “Lino Ventura” ; ils s’excluent de la socialisation collégienne organisée sur ces catégories, en n’ayant aucune appartenance collégienne. Les élèves de SEGPA, s’ils sont exclus également de bien des aspects de socialisation collégienne, ont au moins cette socialisation de classes.

Mais ils sont aussi exclus de la socialisation collégienne par les autres élèves, qui les désignent par une appartenance marginale et dévalorisée. Faute d’une catégorisation entrant dans les catégories collégiennes, l’assignation se fait sur des catégories identificatoires stigmatisantes.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
04 avril 2016

 
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