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Mise au... point ! Ou... Un point c’est tout !

 

 
Un texte de Nicole Martin
Ancienne Rééducatrice
Ancienne formatrice IUFM option G Paris
Membre du comité scientifique de la FNAREN

 

Déclaration lue le 02/02/2008 au cours du débat organisé par la FNAREN sur le thème La souffrance à l’école, puis publié dans Le fil d’AREN, publication de l’AREN 91, sous le titre Mise au... point ! Ou... Un point c’est tout !


« Les RASED seront maintenus et stabilisés au terme d’un travail au petit point » a déclaré Xavier Darcos, Ministre de l’Éducation nationale, dans Le Monde du 12 novembre 2007.

Pour ma part, je me suis demandée ce que voulait dire cette expression « au petit point » dans ce contexte.

Terme de couture, « au petit point » évoque la minutie des brodeuses, couturières, petites mains qui, fil à fil, joignent des tissus en petits points assez serrés pour assurer la solidité, assez souples pour ne pas brider la matière et la garder vivante, petits points quasi invisibles.

En peinture et cartographie, « à petit point » indique le pointillisme délicat et lumineux de Seurat ou la précision des tracés géographiques. Mais qui dit minutie, délicatesse patiente, dit aussi la prudence et le geste sûr.

Monsieur Darcos sera-t-il prudent dans ce travail de maintien et stabili­sation des réseaux d’aides ? Ou est-ce une façon imagée et ambiguë de parler d’une évaluation peut-être nécessaire mais dont le travail au petit point conduirait à chiffrer les actions en terme de rentabilité ?

Le travail au petit point, même s’il n’a pas d’intention chirurgicale ou abrasive, peut relever du meilleur mais du pire sans la connaissance précise du tissu, de la matière.

Je préfère développer le meilleur de la métaphore car les RASED et les rééducateurs pratiquent tous les jours un travail minutieux point à point :

Cette minutie, ce pointillisme, cette patience, nécessaires et propres au métier de l’aide, les responsables de l’Éducation nationale sauront-ils les reconnaître et reconnaître leur efficacité ?

Efficacité sans doute peu traduisible en chiffres mais efficacité qui se voit, s’entend, s’écoute.

Donc, je vous invite rééducateurs, rééducatrices, à continuer ce travail à petit point, et, pourquoi pas, s’il le faut, à lever le poing.

Nicole Martin
février 2008

 
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J’oscille entre colère, incompréhension et tristesse

 

 
Un texte de Nicole Martin
Membre du Comité scientifique de la FNAREN
10/11/09

 

J’oscille entre colère, incompréhension et tristesse.


Le 12 Novembre 2007, il y a un an, Le Monde reprend la déclaration de Xavier Darcos ministre de l’Éducation Nationale : « Les RASED seront maintenus et « stabili­sés » au terme d’un travail au petit point. »


Le 2 Février 2008, la FNAREN organise un débat public sur le thème La souffrance à l’école en présence des membres de son Comité Scientifique et lance une campagne nationale pour la promotion des aides spécialisées à l’école intitulée « Élèves en difficulté à l’école : le pédagogique c’est pas automatique ».

Au cours de cet après-midi, pour ma part, ex rééducatrice, ex formatrice à l’IUFM de Paris, membre du Comité Scientifique de la FNAREN, je décline l’expression du ministre « travail au petit point » et termine ma déclaration par « je vous invite, rééducateurs, rééducatrices, à continuer votre travail à petit point et éventuellement... à lever le poing »(1).


Octobre/Novembre 2008, un an plus tard, il n’est plus question, d’humour, de légèreté, d’espoir ni de métaphore. Le couperet est tombé, les Réseaux d’aides seront éradiqués.

Du terme « stabilisés », le ministre est passé à « sédentarisés », il garde les psychologues scolaires, il renvoie sur des postes « fléchés » les rééduca­teurs et les enseignants des regroupements d’adaptation, démantelant de fait un dispositif d’aides, supprimant deux fonctions, deux métiers, deux spécifi­cités. Tour de passe-passe pour gagner 3000 postes pendant que des futurs professeurs des écoles attendent sur une liste complémentaire.

Il y a longtemps que les aides spécialisées se sentent menacées et notam­ment les rééducateurs.

Il faudrait refaire un peu d’histoire pour rappeler comment la psycho­pédagogie (RPP) et la psychomotricité (RPM), une idée géniale de l’époque, sont entrées à l’école à la fin des années 60 (eh oui !), puis l’évolution du GAPP (groupe d’aide psycho-pédagogique créé en 1970) en dispositif RASED, créé en 1990. Tout cela reconnu, labellisé, cadré par des textes et des circulaires. En 40 ans les diplômes ont changé (CAEI, CAAPSAIS, CAPASH) et la formation s’est vue réduite d’année en année pour finir en alternance depuis 2004. Les spécialistes des aides individuelles et en groupe à l’école ont vu passer plusieurs gouvernements, plusieurs ministres (droite, gauche, droite). Ils ont fait l’objet de plusieurs rapports célèbres en leur temps, rapports d’inspecteurs généraux ou de chercheurs, Ducoing, Mingat, Ferrier, Gossot.... Tous, sauf le premier, critiquaient les aides sans utiliser un protocole d’enquête digne de ce nom.

Les rééducateurs et leurs collègues n’ont jamais refusé une évaluation quantitative, elle est fournie aux IEN et IA à chaque fin d’année scolaire et indique la quantité d’élèves aidés en un an. Chaque académie est donc en possession des chiffres indiquant la réalité des aides, des dizaines de milliers d’enfants suivis. Au regard des postes non pourvus depuis des années, les membres des RASED ne peuvent répondre à tous les besoins des secteurs, d’où la tricherie sur les seulement 5% d’élèves aidés contre les 15% en échec scolaire.

Quant à l’évaluation qualitative, les IEN, s’ils connaissent les rééduca­teurs depuis longtemps, savent reconnaître leurs compétences, leur efficacité, l’importance de leur rôle. Les enseignants, ceux capables de faire confiance, peuvent dire les changements visibles chez leurs élèves aidés. Que ne l’ont-ils dit plus tôt ?


Je ne crois pas à la prémonition et je ne croyais pas si bien dire en Février dernier en m’interrogeant sur l’expression « au petit point » et en vous invitant à lever le poing !

Nous y sommes !!!

En plus de vingt ans de travail au sein d’un GAPP puis d’un RASED, j’ai vu des enseignants spécialisés se battre et battre le pavé comme leurs collègues pour « la défense de l’école publique ». Ces dernières semaines, pour la première fois, je les ai accompagnés alors qu’ils intervenaient de manière plus spécifique, en tant que membres des réseaux voués à une mort promise rapidement. C’est une émotion énorme de voir la pulsion de vie à l’œuvre chez tous mes anciens collègues et ces rééducateurs passés par les fourches caudines d’une formation devenue difficile, que j’ai tentée avec d’autres de rendre professionnalisante, passionnante, multiréférentielle, sérieuse... malgré la réduction du temps.

Nous sommes arrivés malgré tout à faire que ces personnes soient formées, impliquées, donnant de leur temps pour continuer à apprendre, à poursuivre ce travail personnel (à l’université ou ailleurs) pour toujours se sentir plus assurés, plus compétents, toujours pensants afin d’aider à l’école les élèves en souffrance mais aussi leurs parents, leurs enseignants.

Maintenant ils sont face à un mur de gestionnaires, sans humanité, incapables de saisir que la répétition d’une notion scolaire n’a jamais aidé les enfants que suivent les membres du RASED car le problème se situe en deçà.

Depuis un an, le ministre a fait le contraire de ce qu’il a promis, ce fameux travail au petit point. S’il l’avait fait avec la patience requise, la concertation, l’écoute, la compréhension que, pour aider certains élèves à le rester ou à le devenir, il faut donner du temps au temps..., nous n’en serions pas là, à vivre les derniers feux d’un métier envié dans toute l’Europe, à supporter le mépris de responsables qui n’ont pas pris la peine et le temps d’écouter tous les partenaires de l’école. Je ne suis pas en train de défendre nostalgiquement une profession, je crie ma colère face à l’incompréhension : et si les RASED existaient dans le second degré, le collège en serait-il à ce point en souffrance lui aussi avec des professeurs courageux mais débordés et des élèves pour lesquels la scolarité n’a parfois aucun sens ? Mais évidem­ment il faut mettre le prix pour développer des structures existantes plutôt que les supprimer.


Tous les secteurs de la société souffrent de cette mise en avant de la rentabilité, du dépistage forcené sous caution d’une soi-disant prévention, de la mainmise du politique sur des secteurs bénéfiques à l’épanouissement de l’être humain .

Chers amis, ne vous laissez pas happer par la pulsion de mort, restez combatifs et groupés pour garder l’espoir, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour soutenir ce combat de bon sens.

Je crains une chose, c’est que Mr Darcos ne comprenne même pas pourquoi dans quelques mois l’aide personnalisée n’ait pas réussi son objectif pour tous ceux dont je parlais le 2 Février dernier, les taiseux, les agités, les rebelles, les débordés, les insoumis... tous ceux qui résistent et dont les rééducateurs et leurs collègues des RASED savent seuls et si bien s’occuper à l’intérieur de l’école... À suivre...

Nicole Martin
novembre 2008

(1) Voir l’article Mise au... point ! Ou... Un point c’est tout !

 
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