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Scolarisation des enfants immigrés

 

Circulaire n° 78-238 du 25 juillet 1978


B.O.E.N. n° 31 du 7 septembre 1978

Texte adressé aux recteurs.


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Allant au-delà de l’obligation d’accueil dans les établissements scolaires qui s’est toujours appliquée aux enfants étrangers comme aux enfants français, le ministère de l’éducation s’est préoccupé depuis un certain nombre d’années de prendre en considération de façon spécifique les besoins de scolarisation des enfants étrangers. Il s’efforce de leur ménager de meilleures conditions d’insertion dans l’école et dans la société française et la possibilité de se réadapter, le cas échéant, à leur pays d’origine. Les dispositions prises à cette fin se regroupent autour de deux axes :

Au premier objectif répondent les circulaires n° IX-70-37 du 13 janvier 1970 et 73-383 du 25 septembre 1973 portant respectivement création de « classes d’initiation » et de « cours de rattrapage intégré » dans les écoles élémentaires et « d’enseignement de soutien » ou de classes d’adaptation dans les collèges.

Au second objectif répondent la circulaire n° 76-128 du 30 mars 1976 qui se substitue à celle du 12 juillet 1939 - concernant l’utilisation des locaux scolaires pour des cours de langue maternelle au niveau élémentaire, la circulaire n° 75-148 du 9 avril 1975 concernant l’enseignement des langues nationales dans le cadre du tiers temps pédagogique des écoles, l’arrêté du 29 juin 1977 définissant la situation des maîtres étrangers assurant cet enseignement et la circulaire n° 77-345 du 28 septembre 1977 concernant la mise en place de cours de langues et de civilisations nationales en dehors du temps scolaire dans les collèges.

D’autre part, en réponse aux recommandations du ministère de l’éducation, l’enseignement de la langue d’origine des élèves étrangers se développe dans les collèges et les lycées. La circulaire n° 77-065 du 14 février 1977 relative à la politique de diversification des langues étrangères dans ces établissements est de nature à accentuer ce mouvement.

Simultanément, des dispositions ont été prises pour assurer la formation des personnels enseignants aux niveaux élémentaire et secondaire et des autres personnels concernés par la scolarisation des enfants immigrés : chefs d’établissement et leurs adjoints, conseillers d’orientation... Les centres régionaux de formation et d’information pour la scolarisation des enfants de migrants (C.E.F.I.S.E.M.) institués par les circulaires n° 76-387 du 4 novembre 1976 et 77-310 du 1er septembre 1977 comme sections pédagogiques d’écoles normales ont vocation à accueillir, pour des réunions et stages de durées proportionnées à leurs besoins, l’ensemble des personnels intervenant dans les écoles et particulièrement les maîtres français des classes d’initiation et cours de rattrapage ainsi que les maîtres étrangers enseignant les langues nationales.

Ils peuvent, en outre, apporter leur contribution à l’information et à la formation de personnels des collèges et des lycées.

Les directions compétentes dans ce domaine programment des stages animés par l’inspection générale.

L’ensemble de ces mesures donne déjà des résultats encourageants et l’on constate depuis quelques années un net accroissement du nombre des élèves étrangers qui poursuivent leurs études, au-delà de la scolarité obligatoire, dans les lycées.

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L’une des caractéristiques de la répartition de la population étrangère immigrée est l’inégalité de sa concentration dans certaines communes ou certains quartiers des grandes villes. Il en résulte que les établissements scolaires des secteurs de recrutement touchés par ce phénomène accueillent des enfants immigrés dans une proportion élevée qui peut atteindre ou dépasser le quart de l’effectif. Cette situation incite à prendre des dispositions complémentaires dans les domaines de l’enseignement et de la vie scolaire.

Même si, dans leur majorité, ces enfants sont nés en France ou y résident depuis un temps suffisant pour parler notre langue, il n’en reste pas moins qu’ils rencontrent des difficultés spécifiques dues à un handicap linguistique diffus et à une insertion partielle dans le milieu culturel français.

Pour améliorer les conditions d’accueil de ces élèves et pour corriger des inégalités de scolarisation, un certain nombre de mesures ont déjà été prises localement dans les écoles, les collèges et les lycées. Il convient en s’inspirant de ces expériences, d’inciter les chefs d’établissement, les enseignants et les autres personnels concernés à prendre des initiatives nouvelles sur la base des recommandations suivantes.

 

Accueil des parents étrangers

Une importance primordiale doit être accordée à l’accueil des parents étrangers. Les directeurs et directrices d’écoles, les principaux de collèges, les proviseurs de lycées et leurs adjoints auront conscience des difficultés qui peuvent se présenter pour l’instauration du dialogue avec des parents qui, en raison de leur méconnaissance du français et de leur expatriation, éprouvent quelque gêne à s’adresser aux responsables de la scolarité de leur enfant. Il convient de ne pas laisser en retrait et de leur apporter, comme aux autres parents, une information suffisante sur notre système d’enseignement, sur le règlement de l’établissement et sur les caractéristiques de sa vie scolaire. Une attitude attentive et ouverte de la part des responsables facilitera les échanges et engagera ces parents à revenir, avec confiance, chaque fois que cela sera nécessaire.

D’une façon plus générale, il est rappelé que, conformément à l’article 4 du décret n° 76-1302 du 28 décembre 1976 relatif à l’organisation et au fonctionnement du comité des parents dans les écoles et à l’article 14 du décret n° 76-1305 du 28 décembre 1976 sur l’organisation administrative et financière des collèges et des lycées, les parents des élèves de nationalité étrangère bénéficient des mêmes droits que les parents français.

 

Accueil des élèves étrangers

L’entrée de jeunes enfants étrangers à l’école maternelle représente un arrachement du milieu familial qui peut être particulièrement éprouvant. Aussi est-il indiqué de ménager pour eux, s’il en est besoin, une admission progressive, associant si possible la mère aux premiers moments de l’adaptation. Le souci premier de l’enseignement ne sera pas de faire parler l’enfant, mais de l’aider à se mettre en communication avec ses camarades par le jeu et par l’action, qui sont autant d’indices d’une insertion consentie dans le vécu de la classe et de l’école.

Le passage de l’école maternelle à l’école élémentaire et surtout l’entrée directe à l’école élémentaire de nouveaux venus en France peuvent provoquer des difficultés d’adaptation auxquelles on se devra d’être attentif. Ces difficultés peuvent subsister et contrarier le déroulement de la scolarité : les maîtres s’attacheront constamment à en tenir grand compte. La où sont ouvertes une ou des classes d’initiation, il doit être entendu qu’il appartient à l’école dans son ensemble de prendre en charge l’insertion des enfants étrangers, dans une ambiance générale d’accueil qui permette de retenir les formules les plus flexibles pour le fonctionnement de ces classes. Si l’école dispose d’un service de soutien spécifique pour les enfants étrangers, la collaboration entre le maître qui en est chargé et les autres maîtres devra être très étroite.

La liaison entre l’école et le collège et l’accueil en sixième ont fait l’objet d’instructions qui s’appliquent naturellement aux enfants étrangers. Les instituteurs de CM2 devront en outre appeler l’attention des familles et des élèves sur l’intérêt du choix de leur langue nationale comme première langue dans les collèges, lorsqu’elle figure au nombre des douze langues qui peuvent être choisies à ce titre. À cet effet, il y aura lieu de commenter, avec un soin particulier, les recommandations de la circulaire n° 77-065 du 14 février 1977.

De leur côté les principaux de collèges et leurs adjoints s’adresseront personnellement aux familles. Ils s’efforceront de faire prendre en charge les nouveaux élèves étrangers par les anciens en facilitant éventuellement la mise en relation des élèves d’une même nationalité. Dans le cas où un nombre important d’élèves d’une ou de plusieurs nationalités sont scolarisés dans l’établissement et lorsque l’enseignement des langues d’origine y est assuré, les enseignants de ces langues seront conviés à s’associer à l’effort d’information des familles. Ils pourront être amenés à traduire certains documents fondamentaux ou certaines correspondances relatives à la scolarité des enfants. Ils pourront participer aux activités d’accueil et, en cas de besoin, établir avec des familles un dialogue dans leur langue.

 

Valorisation des langues et cultures d’origine

Il sera erroné de croire qu’en reconnaissant la spécificité de la culture nationale des élèves étrangers, on court le risque de les éloigner de la culture française. L’assimilation de deux langues et l’accès à deux cultures ne sont d’ailleurs pas un phénomène exceptionnel dans l’histoire des peuples. À la condition de trouver les structures d’accueil et le climat scolaire favorables à leur épanouissement, les élèves étrangers, qui ont une pratique plus ou moins confirmée de deux langues et le contact avec deux cultures, peuvent effectuer une scolarité particulièrement enrichissante. D’autre part, l’expérience a fait apparaître que le maintien des enfants étrangers dans la connaissance de leur langue et de leur culture peut constituer un élément positif pour leur adaptation dans les établissements scolaires français. On s’efforcera, en conséquence, de valoriser ces cultures à tous les niveaux d’enseignement.

Dans les écoles maternelles, la liberté de choix des thèmes a depuis longtemps permis de larges ouvertures sur la vie des enfants du monde. Là où tel est le cas, la présence au sein de l’école même d’enfants venus d’ailleurs, qui baignent encore dans un milieu familial porteur de traditions propres, offrira aux enseignants des occasions d’introduire dans les activités le plus possible de témoignages des cultures qui sont ainsi à leur portée.

Les activités d’éveil à l’école élémentaire permettront de poursuivre cette valorisation ; ce sera particulièrement le cas dans les écoles où les maîtres étrangers, assurant des enseignements de langues nationales, pourront contribuer à l’organisation d’activités interculturelles offertes à tous les enfants.

Au niveau des collèges et des lycées et dans la limite des programmes, on se référera le plus souvent possible aux pays d’origine des enfants étrangers, soit par l’apport d’informations, soit par l’établissement de comparaisons.

Dans le cadre d’activités interculturelles et autour d’une nationalité, on s’efforcera d’organiser des manifestations diverses (expositions de photographies, de documents ou d’objets sur les aspects modernes et traditionnels de ces pays).

Les ressources de la correspondance scolaire internationale seront mises à contribution.

Là où elles se trouvent déjà organisées, ces activités, collectives par nature et de caractère interdisciplinaire, ne manquent pas de passionner les élèves français appelés à y participer. Elles ont, en outre, l’avantage d’associer les parents de nationalité étrangère à la vie de l’école, du collège ou du lycée et les aident à vaincre des réserves et des préventions qui parfois les en éloignent.

Dans les écoles, au sein de la bibliothèque générale ou des bibliothèques de classes, dans les collèges et lycées dans le cadre des centres de documentation et d’information, on s’efforcera d’acquérir en plus grand nombre des ouvrages qui éveillent l’intérêt des élèves français et étrangers sur les pays d’émigration.

La prise en compte des langues et des cultures des nations étrangères constituera également un moyen d’enrichissement des élèves français qui pourront ainsi bénéficier d’une ouverture sur d’autres univers dont les richesses intellectuelles ne sont pas toujours suffisamment perçues. Elle devrait conduire, par un mouvement naturel, à une meilleure compréhension mutuelle des nationalités en présence dans l’institution scolaire et dans la société.

 

Connaissance de la scolarité antérieure – Accès aux différents niveaux de la scolarité – Soutien – Orientation

Plus encore que pour les élèves français, la connaissance de la scolarité antérieure des élèves étrangers constitue une condition indispensable à l’appréciation correcte des aptitudes et des savoirs.

Il convient, en effet, de porter cette appréciation non par la seule référence au niveau correspondant des élèves français, mais en tenant compte de la progression propre de l’élève étranger depuis le début de sa scolarité, qu’il l’ait effectuée dans son pays d’origine, dans un pays tiers ou en France. Dans les premier et second cas, on recourra si possible au livret scolaire et de santé (circulaire n° 78-006 du 5 janvier 1978) institué par les pays adhérant à la Convention culturelle du Conseil de l’Europe.

L’évaluation de la situation scolaire d’un élève étranger requiert l’utilisation de critères spécifiques qui ne sont, en général, pas suffisamment pris en compte, soit dans l’observation directe effectuée par les maîtres, soit l’utilisation des épreuves actuellement en usage aux différents moments de l’orientation. Sur le premier point, une connaissance plus exacte des populations immigrées doit amener à une meilleure compréhension des cas individuels. Sur le second point, le ministère de l’éducation fait procéder à l’étude des problèmes posés par l’observation des élèves moins habiles que d’autres à s’exprimer ou dont les modèles culturels sont différents des nôtres. Les centres d’information et d’orientation pourraient ainsi disposer d’instruments mieux adaptés permettant notamment de distinguer les difficultés imputables à des insuffisances de langage de celles qui peuvent tenir à d’autres causes, et de mettre en lumière des acquis et des possibilités souvent masquées par le handicap linguistique.

La conscience de ces réalités conduit à recommander une grande prudence dans les décisions prises en fonction de l’âge. C’est ainsi que dans certains cas on veillera à ce que l’accès de ces élèves aux différents niveaux de la scolarité s’effectue à des âges qui ne soient pas trop différents de ceux de leurs camarades français. En revanche, lorsque la scolarité de ces enfants aura été courte ou perturbée, on interprétera avec le plus grand libéralisme le respect de la limite d’âge supérieure en usage pour chaque classe.

Aux différents niveaux, on s’efforcera de rechercher des solutions souples destinées à favoriser la progression des élèves en cause. Dans l’hypothèse où la solution du redoublement serait choisie, on tendra à ne pas imposer à l’élève une pure et simple répétition de l’année antérieure, mais à enrichir son programme, notamment en ce qui concerne l’enseignement du français, de façon à rendre plus aisée son insertion dans la classe supérieure. Si, en revanche, le choix se porte sur la solution du passage dans la classe suivante, il importera d’assurer à l’élève le soutien dont il a besoin pour progresser au rythme normal.

En ce qui concerne l’orientation, il importe de mettre l’accent sur la nécessité de tenir compte de la situation particulière des élèves étrangers sur les trois points de l’observation, de l’information des familles et de la prise des décisions.

L’information des familles justifie l’application de la recommandation formulée plus haut de mettre dans toute la mesure du possible à la disposition des parents des enfants étrangers une documentation sélective traduite à leur usage, et précisant l’importance du choix des options à l’issue de la classe de cinquième et de l’orientation à l’issue de la classe de troisième, la réglementation en vigueur en la matière, les sources d’information complémentaires sur les enseignements et les professions, afin de les mettre en mesure de comprendre les recommandations formulées par le conseil de classe.

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Pour assurer une bonne mise en œuvre de cette politique, il vous appartient de :

Développer l’information et la formation de tous les personnels concernés ; en ce qui concerne l’information, en particulier, on consultera dans les centres régionaux de documentation pédagogique (C.R.D.P.) et les centres départementaux de documentation pédagogique (C.D.D.P.) la documentation élaborée par le centre de documentation concernant la formation des travailleurs migrants et de leur famille, service rattaché au Centre national de documentation pédagogique (C.N.D.P.) ; d’autre part, vous engagerez les inspecteurs d’académie, assistés des équipes départementales de rénovation et d’animation pédagogique, à utiliser pleinement les possibilités de la formation continue ; les options de la formation initiale des instituteurs pourront aussi permettre une information de base.

Dans les départements où l’immigration est importante et pour favoriser le développement de l’ensemble de ces activités, vous tiendrez compte, au moment de l’étude des mesures annuelles de carte scolaire, de la présence d’élèves étrangers dans les écoles et établissements secondaires.

Les inspecteurs d’académie seront chargés, à partir des demandes formulées par les établissements, de vous proposer la mise en place d’enseignements de soutien spécifiques à apporter aux enfants immigrés conformément aux dispositions de la circulaire n° 73-383 du 25 septembre 1973.

Ces actions de soutien seront dispensées, une fois assurés les horaires hebdomadaires applicables aux classes de collèges et dans la limite des obligations de service des personnels enseignants, sur le contingent annuel d’heures d’enseignement attribué à chaque établissement.

L’ensemble des dispositions prises dans le cadre départemental touchant la scolarisation des enfants immigrés donnera lieu, au terme de chaque année scolaire, à l’établissement d’un rapport de synthèse de l’inspecteur d’académie qui sera transmis au ministère de l’éducation sous le présent timbre.

Pour le ministre et par délégation :
Le directeur du Cabinet,
M. NIVEAU


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