Obligations, droits et responsabilités du professeur des écoles
Un texte de Daniel Calin & Pascal Ourghanlian
Les agents publics, fonctionnaires et non titulaires, ont des obligations liées aux missions qu’ils exercent, des missions d’intérêt général. Ils sont, vis-à-vis de l’administration, dans une situation statutaire et réglementaire (art. 4). En contrepartie, ils bénéficient de certains droits fondamentaux. C’est la loi n° 83-634(1), « portant droits et obligations des fonctionnaires », dite loi Le Pors, du 13 juillet 1983, qui apporte toutes les précisions sur ces droits et obligations. Les déclinaisons propres à chaque administration, l’Éducation nationale pour ce qui nous concerne, se doivent de rester dans le cadre posé par cette loi.
Sauf indications contraires des textes législatifs et réglementaires définissant leurs statuts spécifiques, les dispositions du Code du Travail s’applique aux fonctionnaires comme à tous les salariés.
Pour une analyse plus approfondie des problèmes liés à la laïcité, se reporter au point 3.1.
Les agents ont d’abord
l’obligation de servir l’intérêt général.
En vertu de l’article 25, « les fonctionnaires
consacrent l’intégralité de leur activité
professionnelle aux tâches qui leur sont confiées »
(surveillance, ponctualité, assiduité entrent dans ce
cadre). Cela implique que, sauf cas particuliers réglementés,
« ils ne peuvent exercer à titre professionnel
une activité privée lucrative de quelque nature que ce
soit. » Ils doivent se consacrer entièrement,
sur le plan professionnel, à leur emploi public et assurer la
continuité du service public. Pour des enseignants, le fait de
donner des leçons particulières rétribuées,
pourtant de pratique courante, est en toute rigueur contraire à
la loi. Si ces leçons sont de plus données à
leurs propres élèves, ou à des élèves
de l’établissement dans lequel ils exercent, elles sont
alors susceptibles de tomber sous le coup d’une autre
interdiction inscrite dans le même article 25 : « Les
fonctionnaires ne peuvent prendre, par eux-mêmes ou par
personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle
de l’administration à laquelle ils appartiennent ou en
relation avec cette dernière, des intérêts de
nature à compromettre leur indépendance ».
On se rapproche alors dangereusement des logiques pénales de
la corruption !
Les agents doivent se
conformer aux instructions de leur supérieur hiérarchique,
« sauf dans le cas où l’ordre donné
est manifestement illégal et de nature à compromettre
gravement un intérêt public » (article
28). Cette obligation d’obéissance hiérarchique
est corrélée à une responsabilité
dans l’exécution des tâches ainsi confiées.
Cela signifie en clair que le fait de se conformer aux instructions
de son supérieur hiérarchique ne délivre jamais
le fonctionnaire de ses responsabilités propres. Si les
instructions données par l’autorité hiérarchique
s’avèrent dommageables, la personne qui les a données
sera certes mise en cause, mais le fonctionnaire qui les a appliquées
sera lui aussi susceptible d’être mis en cause, le plus
souvent en première ligne.
Chaque agent a également pour obligation de
respecter le principe de neutralité de service public : il doit
faire preuve d’impartialité à l’égard
des usagers, ne tenir aucun compte d’aucune de leur
particularité (sexe, âge, religion, opinion, etc.). Voir
ici le point 3.1 sur les implications du principe de laïcité
de l’État. Pour les enseignants, cette obligation de
neutralité concerne bien évidemment pour l’essentiel
leurs attitudes vis-à-vis de leurs élèves. C’est
non seulement une obligation légale mais aussi une évidence
déontologique et éthique. C’est cependant, dans
les faits, une prescription dont la concrétisation se heurte
aux obligations d’évaluation(2)
et peut-être plus encore aux ressorts complexes de la relation
pédagogique(3).
Selon l’article 26, « les
fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des
règles instituées dans le code pénal »
(4).
L’alinéa suivant du même article élargit
cette obligation au-delà du seul secret professionnel tel
qu’il est pénalement défini : « Les
fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion
professionnelle pour tous les faits, informations ou
documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».
Ils sont cependant tenus, comme tous les citoyens, à signaler
à la Justice tout crime ou délit dont ils auraient à
connaître dans l’exercice de leur fonction, ce qui est
régulièrement le cas pour les professeurs des écoles
en ce qui concerne les faits de maltraitance et d’abus
sexuels(5)
sur enfants. Une importante proportion de ces signalements vient de
l’école, surtout primaire. Contrairement à une
idée fort répandue parmi les enseignants, voire parmi
leurs supérieurs hiérarchiques, l’obligation de
signalement implique un signalement direct à la Justice
: « dès qu’un élève a confié
à un membre de l’Éducation nationale des faits
dont il affirme avoir été victime, il appartient à
ce fonctionnaire d’aviser immédiatement et directement
le procureur de la République(6),
sous la forme écrite et transmise, si besoin est, par
télécopie »(7).
Signaler à sa propre hiérarchie (directeur, inspecteur,
etc.) ne décharge en rien de l’obligation de signalement
judiciaire. Pas plus que les simples coups de téléphone :
une trace écrite est indispensable.
Les fonctionnaires ont une
obligation d’informer le public (article 27) : cette
obligation consiste à satisfaire aux demandes d’information,
à condition bien sûr que ce soit des informations
communicables, en particulier que soient respectés secret
professionnel et discrétion professionnelle, en matière
notamment de liberté d’accès aux documents
administratifs. Les enseignants sont doublement concernés par
cette obligation d’informer : ils doivent bien évidemment
informer les familles de l’avancée des apprentissages
scolaires de leurs enfants, comme les enseignants l’ont
toujours fait, mais ils doivent aussi informer les parents, dans la
mesure où ils en font la demande, des programmes scolaires
dont ils ont la charge, ainsi que des grandes lignes des méthodes
qu’ils mettent en œuvre pour atteindre les objectifs qui
leur sont assignés par ces programmes.
Les professeurs des écoles
sont personnellement pénalement responsables des
enfants régulièrement inscrits dans leurs classes
respectives pendant toute la durée réglementaire de
présence des enfants à l’école. Les
enfants de l’enseignement primaire sont pénalement
irresponsables, c’est l’adulte qui a autorité sur
eux au moment des faits qui est pénalement responsable de tous
leurs actes, donc leur enseignant durant le temps scolaire.
Au titre des droits
fondamentaux dont bénéficient les fonctionnaires, on
relève le droit à la carrière
(progression en échelon et en grade). Le pilotage des
« ressources humaines », s’il existe,
demeure l’une des difficultés majeures de l’institution.
D’une part, l’ancienneté continue à jouer
un rôle exorbitant dans les carrières, avec
l’automaticité que cela implique. D’autre part,
les évaluations qui déterminent les accélérations
des carrières par avancements au choix ou les promotions de
grades ou de corps sont fondées sur des critères pour
le moins confus, comme « l’autorité »
et « le rayonnement », ou sans aucun instrument
d’objectivation, comme « l’activité »
et « l’efficacité ». Faute de
précision et d’objectivation, ces évaluations
sont inéluctablement envahies par les subjectivités
croisées des uns et des autres. Les seuls critères un
tant soit peu clairs sont la ponctualité et l’assiduité,
ce qui en dit malheureusement long sur les valeurs sur lesquelles
repose l’institution.
Les fonctionnaires ont droit à
une rémunération après service fait, qui
comprend le traitement, le supplément familial, ainsi que,
éventuellement, les indemnités réglementairement
définies pour leurs corps, grades et postes. On sait que les
enseignants, surtout ceux du primaire, reçoivent dans
l’ensemble peu d’indemnités en sus de leur
traitement principal, comparativement à la plupart des autres
secteurs de la fonction publique.
Autre droit garanti aux agents
publics : la liberté d’opinion. En vertu
de l’article 6, « aucune distinction ne peut être
faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions
politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe,
de leur état de santé, de leur handicap, ou de leur
appartenance ethnique ». Corrélativement, les agents
publics peuvent exercer un droit syndical et un droit
de grève. La liberté d’opinion des
fonctionnaires, comme celle de tout citoyen d’ailleurs, est
absolue. Les choses changent dès lors qu’il est question
de manifester ses opinions. On sait que des évolutions
législatives récentes ont permis de criminaliser
l’expression d’un certain nombre d’opinions
(négationnisme, racisme, sexisme, homophobie, etc.),
législations qui valent évidemment pour les
fonctionnaires comme pour tous les citoyens. Mais, pour les
fonctionnaires, la liberté d’exprimer ou plus vaguement
de « manifester » leurs opinions se heurte à
ce qu’il est convenu d’appeler « l’obligation
de réserve ». L’obligation de réserve
est très peu codifiée, elle est surtout affaire de
jurisprudence, avec ce que cela implique de fluctuations possibles.
Cette jurisprudence est dans l’ensemble d’autant plus
exigeante que le fonctionnaire est socialement visible et chargé
d’autorité. Si les enseignants ne sont pas des
fonctionnaires d’autorité, ils jouissent d’une
forte visibilité sociale. La jurisprudence est évidemment
plus exigeante en termes d’obligation de réserve quand
les manifestations contestées d’opinions personnelles se
passent dans le cadre de l’exercice de la fonction. Cela pose
de difficiles problèmes aux enseignants. Voir le point 3.1.
Tout agent a droit à la
formation, sous réserve du respect des nécessités
de service (article 22). Ce droit se traduit aussi en termes de droit
à des congés de formation professionnelle et à
des congés pour formation syndicale (article 21).
Contrairement à une idées très répandue
dans le corps enseignant, les fonctionnaires « peuvent
être tenus de suivre des actions de formation professionnelle
dans les conditions fixées par les statuts particuliers »
(article 22). L’obtention d’un concours de la fonction
publique ne dispense pas définitivement d’avoir à
se former !
S’agissant du droit à
la protection fonctionnelle (article 11), les fonctionnaires
ont droit à une protection judiciaire contre des menaces,
violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils
pourraient être victimes à l’occasion de leurs
fonctions ; ils ont droit à la réparation du préjudice.
En principe, les
fonctionnaires bénéficient également de ce que
l’on a pris l’habitude ces dernières années
de nommer le « droit de retrait » lorsque leur
propre sécurité n’est pas correctement assurée.
C’est l’article L. 238-1 du Code du Travail qui
s’applique ici : « Le salarié signale
immédiatement à l’employeur ou à son
représentant toute situation de travail dont il a un motif
raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave
et imminent pour sa vie ou sa santé (...). L’employeur
ou son représentant ne peut demander au salarié de
reprendre son activité dans une situation de travail où
persiste un danger grave et imminent (...). »
L’article L. 231-8-1 précise : « Aucune
sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à
l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de
salariés qui se sont retirés d’une situation de
travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle
présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la
santé de chacun d’eux . » L’article
L. 231-8-2 pose une condition à ce droit de retrait :
« La faculté ouverte par l’article
L. 231-8 doit être exercée de telle manière
qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle
situation de risque grave et imminent. » Des
enseignants confrontés à des violences physiques ont
tenté ces dernières années, avec des succès
divers, de faire jouer ces clauses générales du droit
du travail. La notion de « danger grave et imminent »
est évidemment sujette à interprétation et doit
être utilisée avec circonspection.
La connaissance des obligations, droits et devoirs du professeur des écoles est inscrite dans le programme officiel de l’épreuve orale d’entretien. Il nous a semblé souhaitable d’y ajouter quelques indications sur les principales caractéristiques de l’organisation institutionnelle de l’enseignement primaire, lesquelles constituent le cadre dans lequel s’inscrivent toutes les dimensions du métier de professeur des écoles. La fréquente méconnaissance de leur cadre propre d’exercice de la part d’enseignants en charge, entre autres, de l’éducation civique de leurs élèves est pour le moins étonnante et peu admissible.
Héritée des centralismes catholique, monarchique, jacobin et bonapartiste, l’organisation de notre système public d’éducation est d’abord caractérisée par sa centralisation. Cette centralisation est certes contestée depuis quelques décennies, elle a certes été ébréchée par diverses dispositions législatives, des lois Defferre de 1982-1983(8) à l’obsession décentralisatrice du gouvernement Raffarin, mais à ce jour, l’essentiel est préservé : les programmes scolaires restent nationalement définis et les enseignants restent des fonctionnaires d’État. En France, cette unité du système éducatif est vécue comme un des piliers de l’unité de la nation, et un des plus sûrs garants de l’égalité de traitement des citoyens sur l’ensemble du territoire national. Il est vrai que, si l’on met de côté l’existence parallèle de l’enseignement confessionnel, cette centralisation assure une certaine égalité de l’offre scolaire. Mais il est vrai aussi que cette égalité de l’offre tend mécaniquement à assurer la reproduction des inégalités sociales, les besoins des plus démunis n’étant pas les mêmes que les besoins des mieux pourvus. Depuis deux décennies, d’ailleurs, cet égalitarisme a dû être en quelque sorte pondéré par la création des zones et réseaux d’éducation prioritaire, afin de renforcer a minima l’offre scolaire faite aux populations les plus démunies(9).
Ce centralisme se traduit par un contrôle de l’ensemble du système éducatif par un grand ministère, le Ministère de l’Education Nationale. L’organisation du Ministère vient d’être redéfinie par le décret n° 2006-572 du 17 mai 2006 fixant l’organisation de l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche(10). Au Ministère, l’enseignement primaire est dirigé par une des trois grandes directions de l’administration centrale, la Direction générale de l’enseignement scolaire(11), la DGESCO, laquelle chapeaute à la fois l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. La DGESCO comprend un Service des enseignements et des formations, lequel comprend deux sous-directions, dont la Sous-direction des écoles, des collèges, et des lycées généraux et technologiques. Rattaché à cette sous-direction, le Bureau des écoles est en charge du pilotage et du contrôle de « la politique éducative et pédagogique ainsi que [des] programmes » de l’enseignement primaire. Le nouvel organigramme de la DGESCO lui rattache par ailleurs un Service du budget et de l’égalité des chances (sic), lequel comprend entre autres une Sous-direction des moyens, des études et du contrôle de gestion. Rattaché à cette sous-direction, le Bureau du programme du Premier Degré est en charge « des programmes budgétaires » et du contrôle financier des « autorités académiques » de l’enseignement primaire.
Pour l’administration du système éducatif, le territoire français est découpé en circonscriptions administratives, les Académies, qui couvrent en général plusieurs départements. Elles sont placées sous la responsabilité d’un Recteur d’Académie. Le découpage du territoire national en Académies provenant de la période bonapartiste, il est beaucoup plus ancien que les régions comme collectivités territoriales(12), et ne lui correspond toujours pas, malgré quelques changements. Si l’enseignement supérieur est géré exclusivement au niveau rectoral, l’enseignement primaire reste géré essentiellement au niveau départemental, par l’Inspection Académique. L’Inspecteur d’Académie est le Directeur des Services Départementaux de l’Éducation nationale (IA-DSDEN). Il exerce son autorité sur l’ensemble des services et établissements de l’Éducation nationale, à l’exclusion de ceux de l’enseignement supérieur. Le pilotage local de l’enseignement secondaire est moins clairement déterminée : il tend à différencier les lycées, sous l’autorité dominante du Recteur, et les collèges, plus contrôlés par les IA.
En plus de ce système hiérarchique pyramidal, qui place tout le système sous le contrôle de l’État, le partage des compétences entre l’État et les collectivités territoriales par les lois décentralisatrices a établi un second système, horizontal, de liens entre les établissements scolaires et les autorités politiques locales : les écoles sont, pour une part, à la charge des communes, les collèges des départements et les lycées des régions. Comme nous l’avons vu, les liens entre les communes et les écoles primaires est profondément inscrit dans notre histoire, mais il n’en va pas du tout de même pour les liens entre les établissements secondaires et leurs collectivités territoriales actuelles de rattachement(13).
Les professeurs des écoles constituent un des grands corps(14) de la fonction publique, un des plus nombreux. Le corps des professeurs des écoles est distinct du corps des autres enseignants : corps des professeurs de lycées et collèges, corps des professeurs agrégés, etc. L’appartenance à un corps, comme à un grade ou à une classe dans ce corps, est indépendante de l’emploi occupé. Par exemple, les professeurs des écoles spécialisés qui enseignent dans les SEGPA ou les classes relais des collèges continuent à appartenir au corps des professeurs des écoles, bien qu’ils exercent dans un établissement secondaire.
Au niveau du Ministère, les enseignants sont gérés par une autre grande direction, la Direction Générale des Ressources Humaines(15) (anciennement DPE, Direction des Personnels Enseignants). L’organigramme de cette toute nouvelle DGRH est à ce jour peu déchiffrable. La seule chose claire, en l’état actuel, est l’existence d’un Bureau des enseignants du Premier Degré, rattaché à la Sous-direction de la gestion des carrières, elle-même une des deux sous-directions du Service des personnels enseignants de l’enseignement scolaire, lui-même l’un des trois grands services de la DGRH. Ceci dit, la gestion des professeurs des écoles reste essentiellement départementale, comme le montre leur recrutement sur une base départementale, même si les concours sont maintenant académiques, et comme le montre également l’absence de véritable mouvement national des professeurs des écoles. Les changements de départements, pour les professeurs des écoles, se font par le système complexe des exeat et ineat(16), qui équivaut à une sorte de système d’échanges directs de personnels entre départements, sans supervision nationale directe.
L’enseignement scolaire se définit par distinction par rapport à l’enseignement supérieur. Il réunit l’enseignement primaire (écoles maternelles et écoles élémentaires) et l’enseignement secondaire (collèges et lycées, généraux, techniques et professionnels).
La fonction publique comprend la fonction publique d’État, à laquelle appartiennent les professeurs des écoles, la fonction publique territoriale (personnels titulaires des collectivités territoriales, communes, départements et régions) et la fonction publique hospitalière. C’est pourquoi dans les écoles se croisent des personnes relevant de fonctions publiques différentes : les personnels de service des écoles, en particulier, titulaires ou non, relèvent toujours des communes, donc de la fonction publique territoriale.
L’administration produit, chaque année, un nombre considérable de textes, réunis pour ce qui nous concerne dans le Bulletin Officiel de l’Éducation nationale (BOEN) dont le volume annuel peut être estimé à près de 3 000 pages.
Les enseignants, par ailleurs, ne sont pas réputés pour être friands de ce type de littérature... Dans la mesure, cependant, où ils s’inscrivent dans une Institution dont ils ne peuvent méconnaître les instructions et que l’une de leur mission essentielle est de poser un cadre lisible par tous et qui doit s’appuyer sur ces dernières, il n’est peut-être pas inutile de rappeler l’architecture générale qui préside à l’enchevêtrement des lois et des règlements...
Votée le 4 octobre 1958, elle a été « toilettée » à de nombreuses reprise – en particulier pour être compatible avec les textes européens – sans que son esprit général ait été modifié.
Elle fixe le cadre de notre « vivre ensemble » en précisant l’organisation générale des pouvoirs publics et en répartissant les compétences entre l’exécutif et le législatif, particulièrement dans son article 37 où il est indiqué que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » – ce qui fonde la répartition, retenue ici, entre lois (du domaine du Parlement) et règlements (prérogatives du Gouvernement).
L’article 34 de la Constitution énumère les matières dans lesquelles est censé intervenir le seul Parlement, par voie législative.
Les lois sont l’expression de la volonté générale.
Elles s’imposent à tous dès lors qu’elles ont été promulguées par le Président de la République. Leur conformité à la Constitution (qui leur est supérieure) peut être vérifiée par le Conseil Constitutionnel.
Elles peuvent avoir une valeur annuelle (par exemple, la loi de finances qui définit pour chaque année le budget de l’État), pluriannuelle (les lois de programmation militaire ou, pour ce qui nous occupe, la loi du 13 juillet 1995 dite « nouveau contrat pour l’école ») ou sans limitation dans le temps (cas des lois ordinaires qui valent jusqu’à abrogation ou modification, la loi du 11 juillet 1975, dite « loi Haby », par exemple).
Elles peuvent encore être dites d’orientation (la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989).
Depuis Juin 2000, l’ensemble des lois portant sur le système éducatif est désormais unifié et codifié sous la forme de la partie législative du Code de l’éducation(17). Depuis cette date, les nouvelles lois prennent uniquement la forme de modifications, ajouts ou suppressions de ce Code de l’éducation.
C’est une catégorie moins bien délimitée dans la mesure où les règlements sont à l’initiative de l’exécutif - compris, de manière restreinte, comme le gouvernement ou, de manière plus large, comme l’administration.
Dans l’Éducation nationale, l’architecture est la suivante :
Ils relèvent du pouvoir réglementaire partagé entre le Président de la République et le Premier Ministre au terme de la répartition effectuée par la Constitution. Le cas échéant, ils sont contresignés par le ministre.
Ils peuvent avoir trait :
Depuis juillet 2004, la codification des décrets du système éducatif est entamée, sous la forme de la partie réglementaire du Code de l’éducation(18). Seule la première partie est actuellement publiée.
C’est un ensemble assez flou et peu distinct, qui a beaucoup à voir avec la tradition de chaque ministère.
Dans l’Éducation nationale, l’organisation des services internes se fait par Arrêtés (les dates officielles des congés, par exemple) alors que les programmes prennent la forme d’Instructions (dites « officielles »).
Les Circulaires peuvent être interprétatives (elles visent à une meilleure organisation du service et ne peuvent faire l’objet de contestation) ou réglementaires (elles ajoutent du droit au droit, a priori pour élucider des points non traités par des textes d’essence supérieure, et peuvent faire l’objet d’un arbitrage par le Tribunal administratif).
Annexe à la note de service n° 94-271 (BO n° 45 du 8 décembre 1994)
Le professeur des écoles est un fonctionnaire porteur des valeurs de la République. Il connaît les exigences de la fonction enseignante et de la responsabilité qui s’y attache, et comprend l’importance d’une éthique professionnelle.
Le professeur des écoles est un maître polyvalent, capable d’enseigner l’ensemble des disciplines dispensées à l’école primaire :
Il a vocation à instruire et éduquer de la petite section de maternelle au CM2.
Il exerce un métier en constante évolution.
Il doit posséder une culture générale lui permettant de maîtriser les grands concepts relatifs aux disciplines enseignées à l’école maternelle et élémentaire (espace. temps. démarche scientifique. système de numération. fonctionnent de la langue...) et. bien entendu. maîtriser clairement les connaissances de base des langages fondamentaux (orthographe, expression écrite, mécanismes opératoires, proportionnalité...)
Il doit être capable d’initier ses élèves à une langue vivante, étrangère ou régionale.
Il doit nécessairement posséder des connaissances et des outils d’enseignement relatifs toutes les disciplines qui sont au programme des écoles (français, mathématiques, sciences et technologie, histoire et géographie, éducation civique, éducation artistique, éducation physique et sportive).
Il doit mettre au service de cet enseignement une connaissance du développement de l’enfant et des processus d’apprentissage.
À cet effet, il doit connaître parfaitement les étapes du développement de l’enfant, avoir une bonne connaissance des principales théories et des modèles d’apprentissage, et être en mesure de repérer, d’analyser les difficultés individuelles les plus courantes et d’y remédier.
Il doit savoir créer une dynamique de classe et l’exploiter pour développer toutes les potentialités des élèves.
Il doit savoir définir des exigences pour tous les élèves et s’adapter à leur diversité, par l’élaboration de plans d’action pédagogique diversifiée, en tenant compte des performances et des capacités individuelles.
Il doit assurer la continuité et la cohérence des apprentissages, par un travail en équipe des maîtres, dans le cadre d’un projet d’école et d’un projet de cycle.
Il doit connaître la place de l’école dans le système éducatif et dans la société :
Il doit connaître les relations entre l’école et son environnement social, économique et culturel, en vue d’adapter son enseignement à la diversité des classes et des écoles :
Quelles que soient les situations d’exercice de ce métier, il convient que le professeur des écoles :
Daniel Calin & Pascal Ourghanlian
Septembre 2006
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(2) Peut-on évaluer sans valoriser certains et dévaloriser d’autres ?
(3) Surtout dans l’enseignement primaire, la relation de l’enseignant à ses élèves est une relation importante en temps et en investissement. Les enfants eux-mêmes sollicitent plus encore le registre de l’affectivité que les adultes, surtout les plus jeunes. Il est absurde d’espérer dépouiller les relations de maître à élève de toute dimension affective, donc du jeu conscient ou inconscient des « affinités électives » consubstantiel de l’affectivité.
(4) Code pénal : Article 226-13 : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ». À nuancer par l’article 226-14 : « L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable : 1° À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique (...) ».
(5) Voir la circulaire nº 97-175 du 26 août 1997 concernant les violences sexuelles.
(6) Plus précisément auprès du substitut du procureur de la République en charge de ces affaires au Tribunal de Grande Instance dont dépend l’école dans laquelle on exerce.
(7) Circulaire référencée ci-dessus.
(8) En particulier la loi du 22 juillet 1983, qui a institué un système, assez complexe à vrai dire, de compétences partagées entre l’État et les collectivités territoriales.
(9) Voir le point 8.3.3.
(10) Voir le texte de ce décret. En première analyse, au vu de ce décret et du nouvel organigramme du Ministère, cette réforme représente un alourdissement et une complexification de la bureaucratie ministérielle, en contradiction flagrante avec les discours officiels sur la réforme de l’État depuis deux décennies.
(11) Voir l’article 3 du décret n° 2006-572 du 17 mai 20.
(12) Loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création des régions. Malgré plus de trente années d’existence, ces régions peinent à trouver et imposer leur identité. Paradoxalement, sauf en Île-de-France, l’identité des Académies est souvent mieux « reconnue » que l’identité des régions.
(13) Nous venons de voir le rôle très important joué par les municipalités urbaines dans l’histoire des établissements secondaires.
(14) Pour une information plus poussée sur les notions de corps, de grade et de classe dans la fonction publique, voir cet article dans Wikipédia.
(15) Voir l’article 8 du décret n° 2006-572 du 17 mai 2006.
(16) L’exeat est l’autorisation de quitter son département, que doit donner l’IA du département d’origine, et l’ineat est l’autorisation d’entrer dans le nouveau département, que doit donner l’IA du département d’accueil. La réalisation du changement de département suppose la conjonction des ces deux autorisations, conjonction en elle-même peu simple, mais rendue pour le moins difficile par les très fortes inégalités d’attrait des départements.
(17) http://daniel.calin.free.fr/textoff/code_education.html.
(18) http://daniel.calin.free.fr/textoff/code_education_reg.html.
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